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Insolite et Faits divers

Procès du 13-Novembre : le journal de bord d'un ex-otage du Bataclan, semaine 18

Depuis le 8 septembre 2021 le procès des attentats du 13-Novembre se tient à Paris. David Fritz Goeppinger, victime de ces attentats est aujourd’hui photographe et auteur. Il a accepté de partager via ce journal de bord son ressenti, en image et à l'écrit, durant les longs mois que durent ce procès fleuve, qui a débuté le mercredi 8 septembre 2021 devant la cour d'assises spéciale de Paris. Voici son récit de la dix-huitième semaine. >> Le journal de la dix-septième semaine La Galerie des prisonniers Mercredi 2 février. Le soixante-quinzième jour d’audience démarre plus rapidement que les précédents. Je n’ai pas prévu de suivre l’intégralité des débats aujourd’hui et suis venu tôt pour prendre un peu d’avance dans l’écriture du billet. À notre arrivée dans le sanctuaire, les parties civiles doivent faire scanner leurs cartes par un membre de la Cour d’Appel en gilet rose afin de valider leur présence à l’audience. Ce passage obligatoire fait partie du rituel. Sur le petit bureau installé dans la Galerie des prisonniers (que l’on peut retrouver sur la photographie du premier jour du journal) est posée une grande boîte de tri où des cartes de parties civiles non réclamées attendent leurs propriétaires. En se penchant dessus, nous n’avons aucun mal à nous imaginer le nombre de parties civiles que représente V13, sachant que la plupart ont déjà été récupérées. L’audition de Yassine Atar se poursuit aujourd’hui. Mais comme tous les jours, Osama Krayem refuse de se présenter à l’audience. Comme tous les jours, l’audience est suspendue dès sa reprise. Je profite généralement de ce moment de flottement pour retrouver Gwendal et Bruno pour discuter autour d’un café. Ces moments de convivialité font désormais partie de notre routine et cette "pause-café" version procès des attentats est devenue nécessaire. Autour du distributeur, nous croisons parfois des avocats des deux parties, la machine à café devient une sorte de forum où tout le monde échange. Même si la banalité de ces moments peut sembler naïve face à l’immensité du protocole dans lequel nous nous trouvons, ils sont devenus chers à tous. À la reprise de l’audience, le président annonce l’absence, pour des raisons de santé, d’un des témoins du jour. Peu après, nous retrouvons le bureau belge en "U" et à l’écran apparaît la sœur de Yassine Atar. Elle répond aux questions protocolaires du président. Ses premiers mots sont pour les parties civiles : "Tout d'abord, j'aimerais faire part aux victimes de ma plus grande compassion. J'aimerais aussi condamner de manière très ferme, ces actes barbares, injustes et inhumains. Cela me tenait vraiment à cœur de vous le dire." Elle poursuit en faisant référence au dossier Paris-Bis* et indique que Yassine Atar n’est pas inculpé dans celui-ci. Au sujet de son second frère, Oussama Atar**, elle dit : "Moi, mon frère, c’est Atar Yassine, ça fait longtemps que je ne considère Oussama Atar comme mon frère." Je commence à écrire le billet du jour et écoute l’interrogatoire du témoin d’une oreille. Au moment où je me reconcentre sur les débats, Maître Kempf, avocat de Yassine Atar, pose les questions. En creux du témoignage de la sœur de l’accusé, nous comprenons qu’elle a mal vécu la couverture médiatique autour de ses deux frères et plus particulièrement Yassine. Maître Kempf revient sur ce thème : "Lorsque votre frère a été arrêté en mars 2016, est-ce que cela a été médiatisé ?" Réponse de la témoin : "Les médias se sont acharnés sur Yassine, tout était mélangé, on a entendu de tout." Au moment où Maître Saint-Palais, second avocat de l’accusé, se lève pour poser ses questions, le président intervient : ce n'est pas la défense qui a cité le témoin mais le ministère public. Nicolas le Bris, l’un des trois avocats généraux, prend donc la suite de l’interrogatoire. Durant les questions, mon regard s’attarde sur le bureau. Les drapeaux belge et européen trônent derrière la témoin. Alors que Maître Chemla entame les questions des parties civiles, j’observe la circulation à Bruxelles à travers les fenêtres. Le second avocat de Yassine Atar reprend la parole après les parties civiles. Maître Saint-Palais introduit son propos : "Je pars du postulat que Oussama Atar est acquis aux thèses de l’État Islamique, et compte tenu du rapprochement fraternel entre Yassine Atar et son frère, je pense que je vais vous poser des questions légitimes et qui doivent être posées." Il poursuit en revenant sur une lettre que Oussama Atar a adressée à ses proches après les attentats de Bruxelles : "En 2016, il [Oussama] vous fait croire qu’il n’a rien à voir avec les attentats ? Et vous vous accrochez à cela avec la famille ?" La témoin répond par l’affirmative. Maître Saint-Palais de revenir sur l’accusé qu’il défend : "Est-ce que vous savez qu’on reproche à Yassine Atar d’être acquis aux thèses de l’État Islamique ?" La sœur répond promptement : "C’est totalement ridicule, Yassine n’a jamais eu la tête à la religion, au contraire. Il buvait des verres, il allait à la plage avec sa femme, il faisait du jet-ski avec elle." Les mots de la sœur de l’accusé font écho à ceux de son frère entendu hier puisqu’il se qualifie lui-même de quelqu’un de "banal". Alors que la vidéoconférence est coupée volontairement (avant une coupure automatique au -delà de deux heures de connexion), une voix préenregistrée résonne dans la salle des criées : "Vous êtes le seul correspondant connecté." Je quitte le Palais à la fin de l’audition de la témoin.À demain.*L’affaire Paris-Bis fait référence à l’enquête menée par les enquêteurs belges sur les complices des auteurs des attentats du 13-Novembre.**Oussama Atar, seul accusé jugé pour "direction d’une association terroriste", est le cerveau présumé des attentats de Paris en novembre 2015 et Bruxelles le 22 mars 2016, présumé mort depuis 2017. La boîte où sont rangées les cartes de parties civiles qui n'ont pas encore été réclamées au procès des attentats du 13-Novembre. (DAVID FRITZ-GOEPPINGER POUR FRANCEINFO) David Fritz-Goeppinger. (FAO WARDSON)

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