AFFAIRES OUBLIÉES. L'affaire Wiktorska, comment un épisode de Colombo a inspiré un "crime presque parfait"
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La scène de crime ressemblait trait pour trait à celle d'un épisode de Colombo. Le meurtre a été inspiré par un épisode de la série "Colombo".
Jean-Bernard Wiktorska, 42 ans, a été tué le 14 juillet 1995 à Sarcelles, dans le Val-d'Oise. Retour sur cette sinistre affaire sur fond de fiction policière...
Une affaire comme il en existe peu. Le 14 juillet 1995, le corps de Jean-Bernard Wiktorska, imprimeur de 42 ans, est découvert dans son appartement du quartier Chantepie, à Sarcelles. Tout laisse à penser que l'homme a fait un malaise sur son banc de musculation, laissant tomber une altère de 50kg sur son artère carotide. Face à ces constatations, le légiste conclut à une "mort accidentelle par asphyxie mécanique". L'affaire est classée, le corps envoyé au crématorium, et plus personne à la police de Sarcelles ne s'intéresse à l'affaire Wiktorska...
Mais un appel anonyme à la PJ de Versailles vient tout chambouler. Au bout du fil, une femme certifie que Jean-Bernard Wiktorska n'est pas mort accidentellement. Elle accuse la femme de la victime, Nadège Wiktorska, et son amant, Jean-Stéphane Saizelet, d'avoir maquillé le meurtre en accident. Sur le point d'être incinéré, le corps de Wiktorska est rappatrié en urgences et autopsié. Là, stupeur : de multiples lésions de strangulation sont découvertes sur sa trachée, et des traces de Rohypnol, un puissant somnifère, sont relevées dans son organisme. Ce qui semblait être un accident est en fait un homicide.
"L'intéressé qui était là avait quelque chose à cacher"
Sur l'heure, Nadège Wiktorska et Jean-Stéphane Saizelet sont interpellés. À la surprise des agents de la brigade criminelle de Versailles, Saizelet se présente comme le mari de Nadège, Jean-Bernard Wiktorska. "Je ne dis rien, je le laisse dans son mensonge et je continue, comme s'il s'agissait effectivement de Wiktorska Jean-Bernard pour ne pas attirer son attention, raconte Alain Le Pache, l'inspecteur divisionnaire chargé, à l'époque, d'interroger le suspect. Je me suis simplement dit que l'intéressé qui était là avait quelque chose à cacher."
Sous pression, Saizelet finit par donner sa véritable identité. Les enquêteurs lui découvrent alors un casier judiciaire bien fourni. L'homme de 36 ans a déjà été condamné pour vols à main armée, trafics de stupéfiants et proxénétisme. Il se révèle même être en cavale, n'ayant pas réintégré sa prison lors de sa dernière permission, en novembre 1994. Saizelet nie toute implication dans le meurtre de Jean-Bernard Wiktorska, mais tout l'accable. Dans ses affaires, les enquêteurs font notamment la découverte de lettres au contenu explicite, échangées par lui et Nadège Wiktorska. "Nous n'avions pas d'autre solution pour vivre tranquilles", y écrit notamment le suspect.
Un scénario fou tiré de "Colombo"
Alors que les deux amants continuent à nier, Aurore Piana, inspectrice chargée de l'enquête, fait une étonnante découverte : la scène de crime de Jean-Bernard Wiktorska ressemble trait pour trait à celle épisode de la série Colombo. "J'ai vraiment eu l'impression, quand j'ai vu l'épisode, que cette histoire m'était familière, raconte l'ex-enquêtrice dans L'Heure du Crime sur RTL. Et j'ai fini par comprendre. À ce moment-là, nous étions en train de réfléchir sur les mobiles du meurtre, comment avait-il monté le scénario, comment avait-il pu avoir cette idée. Il a tout simplement reproduit la scène."
Sûre d'elle, Aurore Piana creuse cette piste et découvre que l'épisode en question, intitulé "Exercice fatal", a été diffusé quelques semaines avant la mort de Wiktorska. Jean-Stéphane Saizelet a-t-il donc maquillé le meurtre de Wiktorska en s'inspirant de la série Colombo ? Cela ne fait plus aucun doute...
Dans le même temps, Nadège Wiktorska passe aux aveux. Ne supportant plus la violence de son mari, Jean-Bernard Wiktorska, elle a demandé à son amant de le tuer et l'a aidé à maquiller le meurtre. En octobre 2000, Jean-Stéphane Saizelet est condamné à la réclusion criminelle à perpétuite assortie d'une peine de sûreté de 22 ans. Nadège Wiktorska, elle, est reconnue coupable de complicité et écope de treize ans de prison. Un dénouement décidément digne d'un épisode de Colombo. "Ces affaires comme celle-là sont relativement rares. C'est un procédé machiavélique, inspiré par cette série, qui aurait pu conduire à ce qu'elle ne soit jamais résolue", a récemment commenté l'ex-inspecteur Alain Le Pache sur RTL. "On peut dire que c'est un crime presque parfait."