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Sports

Coupe du monde de rugby : comment hausser le niveau des petites équipes ?

Stratégie de développement Pour le Chili ou la Namibie, la Coupe du monde est terminée, avec leur élimination dès la phase de poule. Ces équipes ont eu du mal à rivaliser avec les grosses formations et se sont vu infliger des défaites en forme de corrections. Beaucoup dénoncent leur manque de moyens et de matches de haut niveau pour se préparer. Et plusieurs voix au sein du monde du rugby mondial réclament d’importantes réformes pour aider de nouveaux acteurs, notamment en Afrique. Les prises de parole de l'Argentin Agustin Pichot sont assez rares depuis qu’il a quitté en juin 2020 son poste de vice-président de World Rugby, l’instance qui gère ce sport au niveau mondial. Le 23 septembre, il a choisi de réagir sur le réseau X à une interview accordée au quotidien L'Équipe par le sélectionneur du Chili, l’Uruguayen Pablo Lemoine, dont il a été le coéquipier de club au Stade français, à Paris. "Pablo Lemoine a raison… au sujet des clowns et du ‘boys club’", a écrit l’ancien joueur argentin. Avec ce message au contenu cryptique, Agustin Pichot réaffirme ses positions en faveur du développement des nations émergentes de ce sport, présentes dans son manifeste écrit à l’occasion des dernières élections pour la présidence de World Rugby. Pichot était en lice face à l’Anglais Bill Beaumont, qui a obtenu sa réélection pour un mandat de quatre ans à la tête de la fédération internationale par 28 voix contre 23. "Ma proposition, dans laquelle je crois fermement, n’a pas été choisie et c’est pourquoi je fais un pas de côté", avait alors réagi Pichot. Partisan d’une réforme de World Rugby et de son système de gouvernance, Pichot n’a pu qu’apprécier la déclaration de Pablo Lemoine dans L’Équipe et sa description du rugby mondial avec "les clowns d'un côté et les grands propriétaires de l'autre". Le Chili appartient à la première catégorie, tout comme l’Uruguay, la Roumanie, les Samoa ou les Tonga. "Le fond du problème, c'est qu'on s'extasie devant les petits qui résistent, que tout le monde trouve super que le Chili participe à sa première Coupe du monde mais que derrière, il ne se passe rien. On est là parce qu'on a bénéficié d'une aide économique cette année (grâce à un plan de haute performance lancé par World Rugby pour la création d'un championnat professionnel en Amérique du Sud), mais pour que ce soit efficace, il faudrait pérenniser cela sur quatre, huit, douze ans", a expliqué Pablo Lemoine. Pour appuyer ses propos, le sélectionneur du Chili se base sur les résultats d’une équipe comme l’Uruguay, qu'il connaît bien pour en avoir porté le maillot à 48 reprises. Celle-ci a notamment donné du fil à retordre à une équipe de France remaniée le 14 septembre à Lille, ne s'inclinant que 12 à 27. "On parle de l'Uruguay aujourd'hui, mais on était déjà là en 1999. Plus de 20 ans se sont écoulés et rien n'a changé. La Roumanie, la Namibie, les Samoa, les Tonga étaient déjà là : ont-ils progressé ? Au contraire, ils régressent", affirme-t-il. Quatre matches en 17 jours pour la Namibie Cette équipe des Teros, à qui il reste un match à disputer dans cette Coupe du monde le 5 octobre contre la Nouvelle-Zélande, s’apprête à quitter cette compétition avec une seule victoire, contre la Namibie. Voilà quatre ans, elle avait créé la sensation en signant une victoire bien plus prestigieuse contre les Fidji (30-27). Quant à la Namibie, elle vient de boucler son septième Mondial et ne compte toujours pas la moindre victoire au compteur en 26 matches. À l’issue de sa très lourde défaite contre la France (96-0), certains observateurs ont souligné le manque d’intérêt d’une telle rencontre entre la France et la Namibie et rappelé que les disparités étaient bien trop grandes entre les 20 participants de cette Coupe du monde. Un constat que ne partage pas l’ancien capitaine français Thierry Dusautoir. "Ce type de match montre le travail de développement qu'il reste à faire dans plusieurs pays. Il faut rappeler que la Namibie ne compte que deux millions d'habitants et 6 000 licenciés. Elle réussit tout de même à avoir une équipe en Coupe du monde", a-t-il écrit dans L’Équipe, remerciant la Namibie de sa présence. Comme lui, de nombreuses personnalités se sont exprimées ces derniers jours pour défendre les "petites nations". Le rugbyman Will Hooley, qui joue pour les États-Unis, a rappelé dans The Guardian que cette même Namibie a dû disputer ses quatre matches de poule en seulement 17 jours, contre 28 pour la France. Un calendrier épuisant pour une équipe qui n’est pas habituée à affronter les cadors du rugby mondial que sont les Bleus ou les All Blacks. L’analyse de la performance des Namibiens dans cette compétition doit en effet prendre en compte leur préparation. Entre cette Coupe du monde et la précédente, ils n’ont joué qu’une douzaine de matches internationaux, contre 41 pour le XV de France. Et la meilleure équipe qu’ils ont affrontée pendant cette période a été l’Uruguay, qui occupe la 17e place du classement mondial. Difficile dans ces conditions d’acquérir de l’expérience dans le but de rivaliser contre les meilleurs mondiaux. Quatre équipes de plus en 2027 ? L'ancien international Bakary Meïté a eu le plaisir de battre la Namibie (24-13) en juillet 2021 avec la Côte d’Ivoire. Consultant pour l’émission "Planète rugby" proposée par France 24, cet ex-joueur professionnel milite en faveur d’une transformation sur le long terme du rugby mondial. "Si le rugby veut vraiment être mondial, il faut aider plus financièrement les petites équipes. C’est un travail qui prendra peut-être 20 ou 25 ans", explique-t-il. "Ce sport existe dans de très nombreux pays africains et il faut lui donner les moyens de grandir", ajoute-t-il, insistant sur l’importance de créer de nouvelles compétitions locales permettant aux équipes nationales de se rencontrer plus régulièrement. Et elles doivent pouvoir le faire dans de bonnes conditions. Bakary Meïté se souvient ainsi de compétitions pendant lesquelles les joueurs ivoiriens, à peine descendus de l’avion, devaient disputer trois rencontres en huit jours afin de réduire les coûts d’organisation. La question de la compétitivité des petites équipes qualifiées en Coupe du monde prend encore plus d’importance avec la hausse probable du nombre de participants lors de l’édition 2027, de 20 à 24 équipes. "Nous voulons qu'il y ait davantage d'équipes capables de se qualifier pour les futures Coupes du monde de rugby, nous voulons davantage d'équipes capables de rivaliser et, en bout de ligne, davantage d'équipes capables de remporter des Coupes du monde de rugby", a déclaré la semaine dernière Alan Gilpin, directeur général de World Rugby, sans annoncer officiellement un changement de format. Si cette instance veut vraiment que les nations émergentes puissent défendre leurs chances en Coupe du monde, elle va devoir les soutenir efficacement, en bousculant au passage les "grands propriétaires" de ce sport prêts à défendre leurs intérêts. Car les grandes nations d'Europe et de l'hémisphère Sud sont en train d'élaborer une nouvelle compétition annuelle avec une douzaine d'équipes pour l'horizon 2026, qui ne laissera guère de place aux plus petits et restreindra encore le calendrier international.

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