Coupe du monde de rugby : ces joueurs qui changent d’équipe nationale
Nouvelle règle
Une vingtaine de joueurs vont revêtir le maillot d’une nouvelle équipe, lors de la Coupe du monde de rugby en France, après avoir déjà joué pour un autre pays. Ils bénéficient d’un aménagement des règles internationales qui favorisent surtout les petites nations du Pacifique, dont les talents ont longtemps été pillés par leurs puissants voisins.
Si la couleur du maillot de Jean Kleyn reste verte, une fleur de protea a fleuri à la place du trèfle au niveau du cœur, à côté d’un springbok bondissant. Ce deuxième-ligne, né et formé en Afrique du Sud, a rejoint la province irlandaise du Munster en 2016 avant d’intégrer le XV du Trèfle avec lequel il a disputé la Coupe du monde 2019. Une sélection irlandaise qu’il pourrait affronter, le 23 septembre, avec l’Afrique du Sud puisque les deux équipes se trouvent dans la même poule.
Jean Kleyn, âgé de 30 ans, a pu bénéficier d’une modification de la règle d’éligibilité adoptée en novembre 2021 par World rugby, l’organisme qui gère le rugby mondial. Un joueur peut désormais rejoindre une nouvelle sélection s’il n’a pas joué depuis 36 mois avec l’équipe nationale dont il défendait préalablement les couleurs. Et il doit être né dans le pays pour lequel il souhaite évoluer, ou bien avoir un parent ou un grand-parent né dans ce pays. Auparavant, un joueur qui comptait une sélection en sénior pour une nation ne pouvait pas aspirer à en représenter une autre dans sa carrière.
Cette nouvelle règle va également permettre à l’ancien international moldave Gheorghe Gajion de disputer sa première Coupe du monde. Ce joueur de Mont-de-Marsan a rejoint les rangs de la Roumanie, qui dispute sa neuvième Coupe du monde. Il a été sélectionné pour la première fois en mars 2022, près de quatre ans après avoir porté pour la dernière fois le maillot moldave. Et ce pilier pourrait bien croiser la route de Jean Kleyn sur la pelouse de Bordeaux, le 17 septembre, lors du match de poule entre l’Afrique du Sud et la Roumanie.
Trois autres équipes ont récupéré un joueur chacune : les anciens internationaux australiens Richard Hardwick (2 sélections) et Jack Dempsey (14 sélections) ont respectivement rejoint la Namibie et l'Écosse, tandis que l'ex-pilier anglais Henry Thomas (7 sélections) joue avec la sélection galloise,
L'ex-All Black Charles Faumuina rejoint les Samoa
Les nations du Pacifique militaient depuis de longues années en faveur de cette modification de la réglementation internationale. Elle permet d’atténuer le départ de nombreuses pépites originaires de ces îles vers l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon ou différentes nations européennes. Un exode sportif partiellement compensé par le retour de joueurs expérimentés désireux d’aider les sélections de leurs pays de naissance ou d’origine.
L’ex-international néo-zélandais Charles Faumuina en est le parfait exemple. Il compte 50 sélections avec la Nouvelle-Zélande et un titre de champion du monde en 2015. Arrivé en 2017 au Stade toulousain, il a terminé en juin sa carrière de joueur professionnel avec un titre de champion de France qui est venu s’ajouter à un palmarès déjà très riche. Mais il a souhaité relever un dernier défi à 36 ans en rejoignant les Samoa, le pays de ses parents.
D'autres anciens All Blacks ont fait un choix similaire pour cette Coupe du monde : l'ouvreur Lima Sopoaga et le troisième ligne Steven Luatua, ainsi que Fritz Lee et Ben Lam qui ont joué auparavant avec l'équipe néo-zélandaise de rugby à 7. Le sixième "transfuge" samoan est le demi d'ouverture Christian Leali’ifano, qui a représenté l'Australie à la Coupe du monde 2019. Un joueur qui pourrait peut être affronter ses anciens coéquipiers en quart de finale si les Samoa réalisent l’exploit de se qualifier en phase finale.
"Apporter quelque chose de grand aux Tonga"
Les Samoa ont déjà atteint deux fois les quarts de finale, en 1991 et en 1995. Pour réitérer cette prouesse, ils devront terminer à l’une des deux premières places de la poule D au sein de laquelle ils affronteront l’Argentine, l’Angleterre, le Japon et le Chili. Et l’apport de ces joueurs expérimentés peut s’avérer déterminant dans leur quête.
Les Tongiens nourrissent les mêmes espoirs. Ils disputeront la Coupe du monde avec six nouveaux joueurs qui ont déjà joué auparavant pour la Nouvelle-Zélande en rugby à XV ou à 7 : Charles Piutau, Georges Moala, Vaea Fifita, Augustin Pulu, Pita Ahki et Malakai Fekitoa. Ce dernier, champion du monde avec la Nouvelle-Zélande en 2015, a expliqué son choix sur son compte Instagram. "Je suis très fier d’avoir joué pour la meilleure équipe du monde, mais en même temps, je veux apporter quelque chose de grand aux Tonga, mon pays, ma patrie à qui mon cœur appartient", a écrit Malakai Fekitoa en juin 2021, après avoir obtenu le droit de changer de sélection en passant par l'équipe olympique tongienne de rugby à 7.
Trois joueurs ayant représenté l’Australie (Adam Coleman et Afusipa Taumoepeau) et Hong Kong (Tau Koloamatangi) ont également été sélectionnés par les Samoa. Et la liste aurait encore pu être plus longue sans la blessure d’Israel Folau, ancien arrière vedette des Wallabies, qui était pressenti pour intégrer le groupe des 33.
Avec ces précieux renforts, les Tonga et les Samoa ont encore plus de quoi faire trembler les grandes puissances du rugby mondial. Les nations du Pacifique ont déjà réalisé de surprenantes performances par le passé, à l’instar des Fidjiens qui ont battu les Gallois en 2007 (38-34) ou les Tongiens tombeurs des Bleus (19-14) lors de la Coupe du monde 2011. Et elles ont l’ambition de franchir un nouveau cap en France, dans le sillage des Fidji qui viennent de se hisser à la 7e place du classement mondial après une victoire retentissante contre l’Angleterre (30-22).