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Sports

Coupe du monde de rugby : un XV d'Angleterre morose et dépassé

Le XV d’Angleterre aborde la Coupe du monde et sa première rencontre face à l’Argentine, le 9 septembre, dans un contexte très délicat. Vice-championne du monde en titre, l’équipe enchaîne les revers et vient de chuter à la 8e place du classement mondial. Le championnat de rugby anglais est lui aussi en crise, plusieurs clubs faisant face à d’importantes difficultés financières. "Tourmente, désastre, catastrophe, désarroi, calamité…. Nous manquons de synonymes pour le mot crise", constatait Gerard Meagher, chroniqueur rugby du quotidien The Guardian, dans la foulée de la défaite concédée, le 26 août, par l'Angleterre face aux Fidji (22-30). La première de l'histoire du XV de la Rose contre cette équipe, et, qui plus est, dans son stade de Twickenham, à 13 jours du début de la Coupe du monde en France.  En plus de reléguer l'Angleterre à la 8e position dans le classement mondial, juste derrière les Fidji, cette claque a laissé des marques au sein d'un groupe anglais déjà en manque de confiance. Elle a perdu six de ses neuf matchs disputés en 2023, ne parvenant à dominer que le pays de Galles à deux reprises et l'Italie. Pendant le dernier Tournoi des Six Nations, elle a été battue successivement à domicile par l'Écosse puis par la France, qui lui a infligé un humiliant 53 à 10. Ces performances décevantes suscitent de nombreuses réserves et critiques à l'égard du sélectionneur Steve Borthwick, nommé fin 2022. Il avait pour mission de remettre le XV de la Rose sur de bons rails après l'éviction de son prédécesseur Eddie Jones. Après l'avoir amenée enfinale de la Coupe du monde fin 2019, perdue face à l'Afrique du Sud (12-32), l'entraîneur technicien australien avait vu son équipe se déliter progressivement, au point de s'incliner à domicile contre l'Argentine en novembre 2022 (29-30). Ces mêmes Pumas vont être les premiers adversaires des Anglais en Coupe du monde, avec ce duel très attendu sur la pelouse du stade Vélodrome à Marseille. Cet affrontement est déterminant dans l'optique des quarts de finale, le Japon ou les Samoa pouvant aussi espérer terminer à l'une des deux places qualificatives de la poule D. Un match pour lequel les Anglais ne peuvent pas compter sur leur précieux ouvreur Owen Farrell et le puissant troisième-ligne centre Vunipola, tous deux suspendus pour des plaquages dangereux.      Une équipe anglaise "aux abois" "En 2019, c'était une finale de Coupe du monde en trompe-l'œil", juge l'ancien international français Olivier Magne, qui observe une équipe d'Angleterre en régression depuis une dizaine d'années. Elle avait déjà connu une immense déconvenue en ne parvenant pas à se qualifier pour les quarts de finale de la Coupe du monde 2015qui avait pourtant lieu en Angleterre. Une première pour un pays hôte. "Lors de la déculottée face aux Français dans le dernier Tournoi, on a vu une équipe aux abois, avec des joueurs qui ne sont plus au niveau. Ils pratiquent un rugby restrictif et peu attractif qui est désastreux", assène Olivier Magne. Un constat qui ne réjouit pas cet ancien troisième ligne passé par le club des London Irish pendant deux saisons au milieu des années 2000. "Voir l'Angleterre ainsi n'est pas bon pour le rugby en général", ajoute celui qui a affronté 11 fois les Anglais en 89 sélections, avec un bilan de six victoires et cinq défaites.    Il estime qu'un vaste chantier de reconstruction s'impose pour redonner des couleurs à cette équipe en manque de souffle. Les jeunes peinent à y trouver leur place et à insuffler leur vitalité. "Elle est à l'image du championnat domestique qui s'essouffle. Les jeunes Anglais ne sont pas préparés aux exigences du rugby professionnel", conclut-il. Et le marasme financier dans lequel s'enfoncent les clubs historiques ne laisse pas présager un rapide renouveau de la sélection anglaise.  Un championnat réduit à 10 clubs Le club des London Irish en est la dernière victime en date. Il ne participe pas cette saison au championnat de première division, la Premiership, car il a été incapable de fournir à la Fédération anglaise de rugby des garanties sur ses capacités financières. Cinquième du championnat la saison dernière, il accuse une dette évaluée à 35 millions d'euros. Deux autres clubs ont été rayés de l'élite la saison dernière pour des raisons similaires, les Wasps et Worcester. La Premiership ne compte plus que 10 équipes et qui ne disputent plus les compétitions européennes. Ce fiasco s'explique notamment par la difficulté pour ce sport à se développer sur le plan économique dans l'ombre de disciplines comme le football. "Le rugby est un sport professionnel relativement jeune et il reste géré de manière  amateure, notamment en matière de financement et de gouvernance", explique l'universitaire Kieran Maguire, spécialiste en économie du sport, dans une interview accordée au quotidien Irish Independent. Et d'ajouter : "Son défi est de réussir à augmenter ses revenus tout en contrôlant ses dépenses. Mais je pense qu'il y a une certaine réticence". Il n'a pourtant pas le choix. Après avoir attiré les meilleurs joueurs du monde, le championnat anglais entre dans une ère d'austérité. Plusieurs internationaux anglais ont même déjà choisi de partir à l'étranger, en rejoignant notamment la France. Un exode qui devrait amener les clubs anglais à s'appuyer davantage sur des joueurs issus de la formation locale. Avec l'espoir de voir, à terme, le XV de la Rose retrouver son piquant et sa place parmi les meilleures équipes mondiales. Comme en 2003, lorsqu'elle avait réussi à devenir la première équipe européenne championne du monde. Vingt ans après, elle est toujours la seule.

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