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À Paris, plus de 100 000 personnes marchent contre l'antisémitisme

Reportage Des dizaines de milliers de Français, juifs comme non juifs, se sont rassemblés ce dimanche à Paris, pour marcher contre l'antisémitisme, à l'appel des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.  C'est une foule dense qui s'est élancée de l'esplanade des Invalides, dans le 7e arrondissement de Paris, dimanche 12 novembre peu après 15 h. À l'appel des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet (Renaissance) et Gérard Larcher (LR), des dizaines de milliers de Français s'étaient rassemblés en début d'après-midi, malgré la pluie qui menaçait pour une "grande marche civique" contre l'antisémitisme. Dans la foule, Sivane, Israélienne de 40 ans aux lunettes rondes qui s'est exilée en France avec son mari et ses deux enfants après l'attaque du Hamas du 7 octobre, doit slalomer avec sa poussette : "Ça fait chaud au cœur de voir tous ces Français nous soutenir. On est venus avec les enfants parce qu'on ne pensait pas qu'il y aurait autant de monde", sourit-elle.   Perché sur une rambarde en pierre, béret vissé sur le crâne, Gérard, 57 ans, dirigeant d'entreprise de confession juive, estime qu'il était "vital d'être là pour la paix, pour que les communautés restent soudées". Face à la multiplication des actes antisémites – plus de 1 150 depuis le 7 octobre selon le ministère de l'Intérieur –, les responsables politiques peuvent s'estimer satisfaits. "Oui je suis inquiet, mais j'observe que notre peuple se réveille et dit stop à l'antisémitisme. Il ne faut pas importer le conflit Israël-Hamas en France, on ne demande qu'à vivre en paix", ajoute le quinquagénaire au béret.   Dans l'assistance cet après-midi, beaucoup de familles, des personnes âgées et quelques jeunes : "On est venus montre la solidarité de la communauté nationale face à l'antisémitisme, on a trop l'habitude de se sentir seuls face à ce phénomène et on espère ne pas se retrouver qu'entre juifs", avait déclaré en amont du rassemblement Sarah Ouakil, vice-présidente de l'Union des étudiants juifs de France et commerciale à mi-temps. "J'espère que les Juifs seront en très grosse minorité", a même insisté Paul, retraité de 69 ans de confession juive. Plusieurs personnalités politiques, comme la Première ministre Élisabeth Borne ou la ministre des Solidarités Aurore Bergé, et publiques, à l'image de l'actrice Natalie Portman ou de l'écrivain Marc Levy, ont également participé à la marche.   Le Rassemblement national toléré  Avant le début de la manifestation, la présence du Rassemblement National et l'absence de La France Insoumise, faisaient l'objet d'intenses débats parmi les participants. "Le Rassemblement national est aujourd'hui le seul parti à défendre les juifs", a lancé un quinquagénaire qui s'abritait sous le porche d'un immeuble. Présent avec son association Les Fils et filles de déportés juifs de France, l'historien et avocat Serge Klarsfeld s'est carrément réjoui de la position du parti de Marine Le Pen : "C'est une bonne nouvelle, nous leur faisons confiance pour continuer dans cette voix", prenant en exemple la condamnation de la rafle du Vél d'Hiv par celle qui préside désormais le groupe RN à l'Assemblée.     De son côté, Paul, retraité, préfère renvoyer dos-à-dos ces deux partis "qui portent tous les deux un antisémitisme. Je ne manifesterai pas avec le RN mais je constate que La France Insoumise est dans la provocation. Moi qui ai toujours voté à gauche, je n'aurai plus l'occasion de le faire désormais", a déclaré le chef d'entreprise, choqué par les déclarations de Jean-Luc Mélenchon. Le 7 novembre, le chef de file du parti avait twitté à propos du rassemblement : "Les amis du soutien inconditionnel au massacre ont leur rendez-vous", suscitant l'indignation des autres partis.  Même écho chez Goreti, 59 ans et d'origine portugaise : "J'ai longtemps combattu l'extrême droite, mais actuellement c'est la position de La France insoumise qui est honteuse", explique-t-elle. Ce dimanche, Jean-Luc Mélenchon a réitéré son refus de participer à la manifestation. "Les juifs se sentent pris en étau entre le RN et LFI"  Boycottant la manifestation, les Insoumis avaient organisé dimanche matin un dépôt de gerbe devant le Vél d'Hiv, pour commémorer la rafle de juillet 1942, une intervention finalement interrompue par des militants juifs. "C'est une manière de dire que finalement ils préfèrent les juifs morts, a commenté Sarah Ouakil. Aujourd'hui, les juifs se sentent pris en étau entre le Rassemblement national et La France insoumise, ils en ont marre". Pour contourner cette interdiction sans défiler avec le Rassemblement national, les députés LFI François Ruffin, Alexis Corbière, Clémentine Autain et Raquel Garrido se sont rendus à la grande marche civique de Strasbourg.  L'absence d'Emmanuel Macron au cortège parisien a également été critiquée : "Il aurait été mieux que Macron soit présent, comme François Mitterrand en 1990, plutôt que d'envoyer une lettre", a réagi l'avocat Serge Klarsfeld. La veille, le président de la République avait déclaré qu’il serait "par le cœur et par la pensée" à la marche contre l’antisémitisme. "Mon rôle est plutôt de bâtir l’unité du pays et d’être ferme sur les valeurs", de "prendre des décisions, de dire des mots quand il faut les dire et d’agir, sinon je peux manifester toutes les semaines", a-t-il ajouté. D'autres manifestants ne lui en ont pas tenu rigueur, estimant au contraire que ce n'était pas forcément la place du chef de l'État de participer à la manifestation.   La manifestation s'est déroulée dans le calme, dans une ambiance bon enfant, même si les jeunes n'étaient pas la frange de la population la mieux représentée. Des Marseillaises ont été entendues à plusieurs reprises, des applaudissements aussi. Certains manifestants brandissaient également des drapeaux français, belges, corses ou encore kanaks. Enfin, plusieurs dizaines de francs-maçons du Grand Orient de France arboraient leur cravate turquoise : "Notre présence est exceptionnelle aujourd'hui car il s'agit de défendre des valeurs humanistes et de lutter contre l'antisémitisme", a témoigné Catherine. Cette Française juive de 69 ans se souvient que lors de la manifestation en hommage aux victimes du terrorisme en janvier 2015, "on n'avait pas mis notre écharpe". À l'époque, la manifestation avait rassemblé 4 millions de personnes dans toute la France, dont 1,5 million à Paris. 

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