Vu en sweat militaire, Emmanuel Macron accusé de copier Volodymyr Zelensky
VU DE L'ÉTRANGER
Des clichés pris à l'Élysée d'Emmanuel Macron en sweat-shirt noir d'inspiration militaire et barbe de plusieurs jours ont alimenté les articles de la presse internationale, qui y voient là une tentative (ratée) de copier le style du président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Emmanuel Macron a-t-il tenter de copier le style du président Volodymyr Zelensky ? C'est la question qu'une partie de la presse internationale s'est posée cette semaine après la publication de clichés postés le 14 mars sur le compte Instagram de la photographe officielle de l'Élysée, Soazig de La Moissonnière.
Sur les photos, on peut voir le président arborant un style décontracté inhabituel : "L'air las, barbe de quelques jours, rouflaquettes en broussaille, jean et sweat à capuche portant le logo de 'CPA10', une unité des forces spéciales de l'armée de l'air française", décrit le Wall Street journal. "Même si c'était un dimanche, poursuit le journaliste du quotidien américain, il s'agissait d'une tenue atypique pour le président Macron, un homme politique qui a toujours arboré jusque-là un style vestimentaire très conservateur au fil des ans. Au cours de ses cinq ans au pouvoir, il a rarement été vu en public portant autre chose qu'une chemise blanche à col italien, costume bleu marine sombre et cravate bleue assortie. Voir le président Macron négligé est surprenant vu de France et de l'étranger." D'abord resté silencieux, l'Élysée a fini par réagir en disant que le président portait régulièrement des tenues décontractées le dimanche.
"C'est maintenant la réalité"
Rien n'y a fait, sur les réseaux sociaux, les commentaires ont tout de même fusé. De nombreux observateurs se sont emparés des clichés pour accuser le dirigeant français de copier le look guerrier du président ukrainien, Volodymyr Zelensky. "Il y a un mois, il aurait été difficile d'imaginer que le président français Emmanuel Macron essaie de copier le président Volodymyr Zelensky, estime Oleksiy Sorokin, un journaliste du Kyiv Independent dans un tweet très partagé. C'est maintenant la réalité dans laquelle nous vivons". Depuis l'invasion russe le mois dernier, le président Zelensky, âgé comme Emmanuel Macron de 44 ans, apparaît effectivement dans les médias, barbe mal rasée, vêtu de simples sweats à capuche ou de T-shirts aux couleurs militaires. "Les similitudes n'ont pas échappé aux experts politiques et aux diverses publications allant du [site people américain] TMZ au Telegraph à Londres", constate Jacob Gallagher, auteur de l'article du Wall Street journal.
Le journal The Telegraph voit dans ce changement de style une volonté manifeste de s'attirer, en pleine campagne présidentielle, la même popularité que le président ukrainien. "L'héroïsme de Zelensky a fait passer son taux de soutien de 25 % à plus de 90 %[…]. Les hommes voudraient être lui, les femmes voudraient être avec lui, à ceci près qu'elles voudraient être préservées des bombes. Sans surprise, cette envie de Zelensky s'est propagée partout à travers les médias et dans la classe politique. Mais un dirigeant semble plus que tout autre souffrir d'une zélenskite invalidante : il s'agit du président français, Emmanuel Macron, qui a manifestement regardé la campagne médiatique de son homologue ukrainien avec une telle avidité qu'elle en a obscurci son jugement", raille le quotidien britannique.
"Je suis l'un d'entre vous"
Ce cliché aurait pu être facilement pardonné au chef de l'État, poursuit le journaliste anglais, s'il n'avait pas été précédé quelques jours plus tôt d'autres photographies où l'on voit le président tantôt le visage grave entre ses mains, tantôt prendre de la hauteur, debout devant sa chaise, sous les ors de son bureau de l'Élysée, après des appels passés à l'international. Une communication que la publication juge indécente au vu de la situation. "Le problème pour M. Macron, comme pour les autres dirigeants, est que les séances photo politiques doivent correspondre au poids des événements du monde réel. […] La gravité ne doit pas être forcée."
Le Wall Street journal voit dans ces publications une simple communication politique. "Lorsque les dirigeants adoptent des vêtements décontractés, c'est juste pour nous montrer et nous dire que les politiciens sont aussi humains", explique Lauren Rothman, une styliste basée à Washington-D.C., qui a travaillé avec des hommes d'affaires et des politiques, interrogée par le quotidien. "Le message envoyé est 'Je suis l'un d'entre vous, nous sommes pareils, nous sommes dans le même bateau'", abonde Peter Loge, professeur agrégé de communication politique à l'université George-Washington, dans le même article. Sauf que "lorsque le voyant rouge des caméras commence à clignoter, cela transforme un dimanche ordinaire en un moment politique destiné à influencer l'opinion publique", conclut la styliste.
Bill Clinton en short, Obama sans cravate
Ce genre de mise en scène est même fréquente, rappelle le Wall Street journal. "En 1992, alors qu'ils se présentaient aux élections, le futur président Bill Clinton et le vice-président Al Gore avaient été photographiés après un jogging, tenant des tasses McDonald's tout en portant des shorts étriqués, des casquettes de camionneur et des tee-shirts trempés de sueur." Pour étayer son propos, le journaliste reprend aussi l'exemple de Barack Obama qui se laissait photographier les week-ends sans cravate. Plus récemment, le Premier ministre canadien Justin Trudeau s'est agenouillé en 2020 lors d'une manifestation Black Lives Matter à Ottawa, abandonnant veste et cravate, afin de souligner sa solidarité avec le mouvement. On accuse aussi souvent le Premier ministre anglais, Boris Johnson, de conserver intentionnellement sa coupe de cheveux en bataille pour montrer sa proximité avec le peuple anglais.
Tout comme Volodymyr Zelenski, ancien acteur, sait très bien gérer son image en s'habillant en tenue militaire, les photos d'Emmanuel Macron ne doivent rien au hasard, poursuit le journal américain. C'est d'autant plus évident que ces clichés sont postés à moins d'un mois de l'élection présidentielle. "Emmanuel Macron serait-il à ce point inquiet du résultat du scrutin pour orchestrer une telle communication ?", s'interroge alors le professeur Loge. Les récents sondages le donnent pourtant largement toujours vainqueur au second de l'élection. "Peut-être que le président tient simplement à donner une autre image" que celle du président froid et distant qu'il a parfois pu montrer.
Une communication risquée
Une chose est sûre : "Être décontracté peut parfois être une erreur de calcul, conclut le Wall Street journal. Les lecteurs américains se souviennent probablement encore du cyclone médiatique que le président Obama avait déclenché en portant un costume beige en 2014 (un incident qui a sa propre page Wikipédia). Les électeurs doivent croire que les vêtements sont authentiques et ne font pas partie d'un acte de communication."
Sans concession, l'hebdomadaire britannique The Spectator livre une conclusion plus grinçante. "Macron sera peut-être flatté d'être comparé à Zelensky, parti pour être "l'homme de l'année", ironise le magazine. Mais compte tenu de ses démonstrations de plus en plus risibles, le plus probable reste encore que Macron se décrédibilise aux yeux de son homologue ukrainien. L'un était un comédien devenu président, l'autre était un président devenu comédien".