Violences urbaines et trafic de drogue au Mexique, aux Pays-Bas et en Suède
Le président de la République Emmanuel Macron est en visite à Marseille pour trois jours et l'une des priorités de ce déplacement est la lutte contre le trafic de drogue et les violences urbaines qu'il provoque, après un été particulièrement meurtrier (on comptait 11 règlements de compte dans les Bouches-du-Rhônes à la mi-août). Mais la France n'est pas le seul pays dont l'une des plus grandes villes est déchirée par les règlements de compte sur fond de trafics. C'est aussi le cas au Mexique, au Pays-Bas et en même en Suède.
Au Mexique, les violences urbaines ont causé plus de 90 000 morts en trois ans
Au Mexique, la violence liée aux rivalités entre cartels et à l’insécurité généralisée a causé plus de 90 000 morts ces trois dernières années. Le président Andrés Manuel López Obrador a présenté mercredi 1er septembre un rapport sur les résultats de son gouvernement à la moitié de son sextennat. Les spécialistes parlent de débâcle sécuritaire et réclament un changement de stratégie. Pourtant le nombre des homicides est en très légère diminution cette année par rapport aux précédentes. Un succès selon le président, ou une façon habile de présenter les chiffres selon les médias. Au total, le seuil des 100 000 morts durant son mandat sera probablement franchi d’ici trois mois. Et c’est sans compter les plus 40 000 personnes disparues au cours des trois dernières années. Les faits sanglants se concentrent dans les villes du nord du pays, en particulier dans les régions de Zacatecas et Tamaulipas. On observe une augmentation du nombre d’homicides multiples et de massacres et une exhibition publique de la violence, avec par exemple des cadavres exposés dans les rues.
La stratégie sécuritaire de López Obrador, actuellement sous le feu des critiques, est de ne plus mener de guerre frontale contre les cartels. Il applique une sorte de tactique de l’esquive : éviter les affrontements pour ne pas attiser les réactions violentes des groupes criminels. Le président a cependant maintenu la militarisation du pays, le recours aux forces armées pour assurer une forme de sécurité à la population par l’occupation du territoire. Mais les médias locaux constatent que les militaires sont généralement un acteur passif, qui ne s’interposent pas entre les cartels. Pour se défaire des critiques, López Obrador a pris l’habitude de dire qu’il a hérité de l’insécurité provoquée par les gouvernements antérieurs, ce qui ne le libère pas de sa promesse de pacifier le pays.
Au Pays-Bas, la "Mocro Maffia" est active autour des ports de Rotterdam et Anvers
Aux Pays-Bas, la guerre des gangs est très présente. Amsterdam est le centre de gravité des trafics de drogue, mais ils ont des ramifications jusqu'en Belgique. Les violences dues à ces affrontements entre gangs font régulièrement la une de la presse néerlandaise. C'est ce que les Néerlandais ont surnommé la "guerre Mocro", qui a déjà fait plus d’une centaine de morts. Cette guerre tire son nom de l’argot utilisé aux Pays-Bas pour désigner les Néerlandais issus de l’immigration marocaine. Même s’il existe dans les gangs des criminels provenant des territoires néerlandais des Antilles ou de Surinam, l’essentiel d’entre eux sont d’origine marocaine et plus précisément des montagnes du Rif dans le Nord du Maroc. Ils ont commencé leurs premiers trafics en en faisant venir du haschich. Ces bandes, surnommées "Mocro Maffia" dans la presse batave, sont actives autour des ports de Rotterdam et d’Anvers mais aussi d’Algésiras en Espagne.
La guerre Mocro a commencé en 2012 autour du vol d’une cargaison de cocaïne par un gang néerlandais. Plusieurs bandes ont envoyé leurs tueurs à gages et les assassinats ont succédé aux enlèvements et aux évasions. On compte de nombreuses fusillades en pleine rue à l’arme automatique, mais la kalachnikov est quelquefois remplacée par la grenade, le lance-roquettes ou la voiture-bélier comme lors des attaques contre les journaux Panorama puis De Telegraaf en 2018. Et les criminels sont loin d’être les seules victimes de cette guerre. L’avocat d’un repentis a été victime d'un assassinat ciblé, ainsi que deux journalistes d’investigation. On recense aussi huit personnes assassinées par erreur, des "vergismoord", un néologisme récent pour parler des victimes collatérales des guerres de la Mocro Maffia.
En Suède, la guerre des gangs menace l'avenir de Stockholm
La tranquille Suède est aussi l’objet d’une lutte sans merci des gangs qui contrôlent le trafic de drogue. Depuis 2000, la violence par armes à feu est globalement en baisse sur tout le continent européen, mais la Suède est le seul pays où elle augmente. En 2020, on y a compté 366 fusillades, en moyenne une par jour, avec un bilan de 47 morts. Cela fait cinq fusillades mortelles par million d'habitants, un taux deux fois et demi plus élevé que la moyenne européenne. Les Suédois ont du mal à réaliser qu’ils dépassent des pays comme la France ou l'Italie, mais c’est une réalité.
Toutes les grandes villes suédoise sont touchées, avec une évolution récente et inquiétante. Ce n’est plus Malmö, le grand port du sud du pays, qui est au centre de cette violence, mais Stockholm. A la mi-août, dans la capitale suédoise, on comptait déjà 16 victimes, soit plus qu’à Marseille. Des élus locaux ont d’ailleurs demandé une réunion d’urgence avec le gouvernement, car c’est selon eux l’image et même le futur de la ville qui est en danger. Pour l’instant, la réponse politique passe par un renforcement des forces de l’ordre. Le pays comptera en 2024 un effectif de 38 000 policiers, soit 10 000 de plus en seulement huit ans. L’enjeu pour le gouvernement social-démocrate est de juguler cette violence mais aussi de préparer les élections de septembre prochain, car cette guerre des gangs sera sûrement au centre des débats.