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Réforme des retraites : le casse-tête du faible taux d’emploi des seniors

POLITIQUE FRANÇAISE Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le recul de l’âge de départ légal à la retraite à 65 ans est l’une des priorités du gouvernement. Mais l’exécutif doit pour cela régler la question de l’emploi des seniors, qui ne sont que 56 % à occuper un poste. La réforme des retraites fait son retour. Emmanuel Macron ayant accepté de donner sa chance à la concertation, le gouvernement entame cette semaine un premier tour de table thématique avec les partenaires sociaux, reçus mardi 11 octobre au ministère du Travail, et les groupes d'opposition de l'Assemblée nationale, qui seront reçus jeudi et vendredi à Matignon. Au programme : l'emploi des seniors et l'usure au travail. Une question fondamentale puisque la réforme envisagée par l'exécutif vise à reculer l'âge de départ légal à la retraite à 65 ans, alors même que le taux d'emploi des 55-64 ans en France atteignait péniblement 56 % en 2021, selon les chiffres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Si des voisins européens comme l'Espagne (55,8 %) ou l'Italie (53,4 %) enregistrent des chiffres similaires, le taux d'emploi des seniors en France se situe en-dessous de la moyenne des pays de l'Union européenne (60,5 %). La comparaison est même douloureuse lorsqu'on regarde vers le nord : le taux d'emploi des seniors est ainsi de 68,3 % en Finlande, 71,4 % aux Pays-Bas, 71,8 % en Allemagne, 72,3 % au Danemark et 76,9 % en Suède. "Il y a un paradoxe à vouloir reculer l'âge de départ légal des retraites alors que les entreprises ne veulent plus des seniors", juge l'économiste Michaël Zemmour, enseignant-chercheur à l'Université Paris 1 et coauteur du livre "Le Système français de protection sociale". "Si on regarde la précédente réforme des retraites qui a fait passer l'âge légal de départ de 60 ans à 62 ans, on s'aperçoit que ceux qui étaient encore dans l'emploi à 60 ans ont pu prolonger leur activité. En revanche, une partie significative de la population qui n'avait déjà plus d'emploi, et en particulier les employés et les ouvriers, ont vu leur période de précarité – chômage, RSA, invalidité – avant la retraite s'allonger", poursuit l'économiste. Un constat que partageait en avril 2019 Emmanuel Macron lui-même. Tout en se disant ouvert à un allongement de la durée de cotisation, le président français expliquait, lors de sa conférence de presse à l'issue du Grand débat national, qu'il était selon lui "hypocrite" de vouloir repousser l'âge légal de départ à la retraite. "Tant qu'on n'a pas réglé le problème du chômage dans notre pays, franchement ce serait assez hypocrite de décaler l'âge légal. Quand aujourd'hui on est peu qualifié, quand on vit dans une région qui est en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, qu'on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans. (…) Et alors, on va dire 'Non, non, faut maintenant aller à 64 ans'. Vous savez déjà plus comment faire après 55 ans, les gens vous disent 'Les emplois, c'est plus bon pour vous'. C'est ça, la réalité. C'est le combat qu'on mène. On doit d'abord gagner ce combat avant d'aller expliquer aux gens 'Mes bons amis, travaillez plus longtemps'." Trois ans et une campagne présidentielle 2022 menée à droite ont fait évoluer le président de la République sur ce sujet. Son ancien Premier ministre, Édouard Philippe, a même plaidé, dans un entretien avec Le Parisien publié le 8 octobre, pour un "report de l'âge légal à 65, 66 ou 67 ans". Des stéréotypes qui collent aux seniors Pourtant, les difficultés des seniors en matière d'emploi sont largement documentées. Un rapport d'information des sénateurs Monique Lubin (Parti socialiste) et René-Paul Savary (Les Républicains), publié en septembre 2019, détaillait comment les problèmes liés à l'emploi arrivent dès l'âge de 50 ans. Passé ce cap, une personne qui perd son emploi a toutes les chances de devenir un chômeur de longue durée. "En 2018, 37,8 % des demandeurs d'emploi de 50 ans ou plus l'étaient depuis plus de deux ans, contre 22,3 % de l'ensemble des demandeurs d'emploi", écrivaient les deux sénateurs dans leur rapport. Et pour ceux qui occupent un emploi passé 50 ans, il devient de plus en plus difficile de le conserver, soit en raison de problèmes de santé (troubles musculo-squelettiques, maladie, etc.), soit parce qu'ils sont poussés vers la sortie. >> À voir : "Réformes des retraites : le président Macron veut aller vite et menace de dissoudre l'Assemblée" Une analyse également partagée par l'association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC) qui détaille, dans son dernier rapport sur les seniors et l'emploi, les préjugés dont sont victimes les seniors. "Pour les employeurs, l'âge de la séniorité s'atteint à 50 ans, voire même dès 45 ans, et est associé à de nombreux stéréotypes, souligne le rapport. L'âge serait ainsi synonyme de 'difficultés à être managé ou à intégrer une équipe plus jeune', de 'résistance au changement' ou encore d'une 'faible capacité d'adaptation aux nouvelles technologies' notamment." En outre, il est également reproché aux seniors leurs prétentions salariales trop élevées. Conscient de la problématique, le gouvernement entend trouver des remèdes. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a énoncé quelques pistes dans un entretien au Journal du dimanche publié le 9 octobre. "Nous souhaitons favoriser la retraite progressive et le cumul emploi retraite pour rendre plus facile la transition entre l'emploi et la retraite", a-t-il expliqué. "La création d'un index professionnel de l'emploi des seniors, sur le modèle de celui pour l'égalité femmes-hommes, fera partie des discussions", a ajouté le ministre, pour qui "la meilleure façon de maintenir les seniors dans l'emploi reste d'améliorer les conditions de travail et de lutter contre les conséquences de l'usure professionnelle". Vers un cumul salaire et indemnisation ? Une autre piste, beaucoup plus explosive, consiste à "permettre à un senior qui accepte un emploi moins bien payé de conserver une partie de son indemnité chômage afin de compenser le manque à gagner", le tout financé par un durcissement des règles de l'assurance chômage pour les plus de 55 ans. Une proposition rejetée en bloc par les syndicats, reçus mardi 11 octobre au ministère du Travail. "Cette mesure revient à brader les seniors et leur expérience professionnelle", estime dans Le Parisien Catherine Perret, de la CGT. "Elle valide une précarisation avant la retraite car le message envoyé consiste à faire comprendre aux seniors qu'ils vont devoir cumuler indemnisation et petits boulots, regrette Michaël Zemmour. Or, si le sujet de l'emploi des seniors est un vrai sujet, on ne peut pas le traiter par-dessus la jambe. Là, on dirait un concours Lépine des propositions, on voit bien que le gouvernement ne sait pas quoi faire et qu'il n'est pas prêt." Olivier Dussopt se dit d'ailleurs preneur de bonnes idées pour réformer le système des retraites. "Si certains connaissent d'autres moyens pour équilibrer et améliorer notre système sans peser sur le niveau des pensions, ou sur le coût du travail, je les invite à nous dire lesquels", a-t-il lancé dans son interview au JDD. Justement, les syndicats pourraient bien faire état des travaux de Jean-Hervé Lorenzi, président du think tank du Cercle des économistes et de la chaire "Transitions démographiques, transitions économiques" de Sciences Po. Ce dernier affirme que "ramener dans l'emploi 825 000 seniors suffirait à sauver le système", sans même toucher à l'âge légal de départ à la retraite. Pour cela, il préconise notamment d'ouvrir plus largement les formations aux seniors, mais aussi de repenser les conditions de travail des plus de 55 ans et de renforcer les politiques de prévention de la santé au travail.

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