Présidentielle : Christiane Taubira, une candidature et beaucoup d’incertitudes
L’ancienne ministre de la Justice a remporté dimanche la Primaire populaire, ajoutant son nom à la longue liste des candidatures de gauche à l’élection présidentielle de 2022. Sans convaincre, Christiane Taubira a aussitôt appelé à l’union.
Elle était l’archifavorite d’une primaire qui n’en était pas une et dont elle était la seule véritable candidate en puissance. Christiane Taubira a été investie, dimanche 30 janvier, par les 392 738 électeurs de la Primaire populaire et a signé dans la soirée le "contrat de rassemblement" soumis par les organisateurs. Celui-ci l’engage à faire tout son possible pour réunir la gauche avant le premier tour de l’élection présidentielle, le 10 avril. Une gageure à seulement 70 jours de l'échéance pour une candidate qui devra, très vite, lever plusieurs interrogations.
En remportant la Primaire populaire, Christiane Taubira est donc devenue la septième candidate de gauche à l’élection présidentielle. Alors que l’initiative citoyenne avait pour objectif de réduire le nombre des candidatures et d’unir cette famille politique, son nom s’ajoute à ceux de Nathalie Arthaud, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou et Fabien Roussel.
L’ex-députée de Guyane a beau se présenter comme une rassembleuse, difficile d’imaginer ce qui pourrait pousser des candidats engagés dans la course à l’Élysée depuis de longues semaines à rallier une candidate que les sondages donnent jusqu’à présent autour de 5 %. Interrogés sur les plateaux télévisés dimanche soir, Yannick Jadot sur TF1, puis Jean-Luc Mélenchon et Anne Hidalgo sur France 5, ont d’ailleurs tous les trois balayé du revers de la main l’appel à l’union de la candidate Taubira, se contentant de constater qu’elle était "une candidature de plus".
L’entourage de l’ancienne ministre sait que les vents sont contraires, mais espère toutefois que sa victoire à la Primaire populaire créera une dynamique qui pourrait pousser Anne Hidalgo, en grande difficulté dans les sondages, à se retirer, et Yannick Jadot à réfléchir.
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En désignant l’ex-garde des Sceaux de François Hollande, les électeurs de la Primaire populaire ont avant tout choisi un symbole, à défaut de voter pour un programme. Car au-delà de quelques axes de campagne évoqués lors de sa déclaration officielle de candidature, le 15 janvier, Christiane Taubira n’a toujours pas de programme détaillé à proposer.
Or, c’est l’argument principal mis en avant par Jean-Luc Mélenchon ou Yannick Jadot pour rejeter depuis le début le principe de la Primaire populaire : l’union à gauche ne peut se faire sans accord programmatique.
Lors de sa première candidature à l’élection présidentielle, en 2002, sous l’étiquette du Parti radical de gauche (PRG), Christiane Taubira proposait notamment l’instauration d’un régime présidentiel fort, la baisse des impôts pour les plus riches, la suppression des cotisations sociales finançant l’assurance-maladie et se prononçait en faveur d’une Union européenne fédérale. Des propositions plutôt en phase avec la ligne du pouvoir actuel. De même, lors du quinquennat de François Hollande, Christiane Taubira n’a pas quitté le gouvernement pour des divergences de vue en matière économique, à l’image d’Arnaud Montebourg ou de Benoît Hamon, mais sur la question de la déchéance de nationalité. Où se situe la candidate aujourd’hui ? Les électeurs de gauche devront encore attendre un peu pour le savoir précisément.
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Dans ce contexte, la candidature de Christiane Taubira peut-elle déboucher sur autre chose qu’une candidature de témoignage ? En 2002, elle avait recueilli 2,32 % des suffrages, participant par la même occasion à l’élimination de Lionel Jospin. Vingt ans plus tard, sa loi sur le mariage pour tous lui a permis de devenir une icône à gauche, mais cela suffira-t-il à la placer sur orbite ?
Évoquant un "processus démocratique", "le plus large socle de légitimité à gauche en terme de désignation" et "une volonté citoyenne de rassemblement", Christiane Taubira a estimé, lundi 31 janvier sur franceinfo, que sa victoire à la Primaire populaire "change la donne".
Ses proches ont toutefois conscience que le plus dur commence et que les prochains jours seront décisifs. Ils espèrent que les prochains sondages, "entre le 5 et le 10 février", montreront qu’"elle bénéficie d'un fort capital d'adhésion et d'enthousiasme dans le pays". "Si le résultat est franc et massif, ça va ébranler des certitudes", analysent-ils, persuadés que les défections vont s'accumuler dans les prochains jours dans le camp Hidalgo, en difficulté autour de 3 % des intentions de vote, et le camp Jadot, lui aussi coincé entre 5 et 7 %.
>> À consulter : "Les candidats à l'élection présidentielle"