Le Conseil constitutionnel ouvre la voie à d'éventuels nouveaux procès pour Fillon et Sarkozy
Le Conseil constitutionnel a ouvert la voie jeudi à d’éventuels nouveaux procès dans l’affaire des "emplois fictifs", impliquant l'ancien Premier ministre François Fillon, ainsi que dans le dossier "Bismuth", impliquant l'ex-président Nicolas Sarkozy.
L'ancien Premier ministre français François Fillon au palais de justice de Paris, le 27 février 2020, dans l'affaire des "emplois fictifs".
François Fillon et Nicolas Sarkozy vont-ils être rejugés dans deux affaires pour lesquelles ils ont déjà été condamnés ? Le Conseil constitutionnel a ouvert la voie, jeudi 28 septembre, à d’éventuels nouveaux procès dans l’affaire des "emplois fictifs", impliquant l’ancien Premier ministre, et dans l’affaire "Bismuth", impliquant l’ancien président.
Ce rebondissement juridique survient alors que les deux hommes, condamnés en appel à de la prison ferme dans ces dossiers distincts, ont tous deux formé des pourvois en cassation afin de contester jusqu'au bout leur culpabilité.
Il revient dorénavant à la Cour de cassation de tirer dans les prochains mois les conséquences de la décision des Sages : la haute juridiction pourrait ordonner de nouveaux procès en appel pour les deux ex-dirigeants de droite.
"L'ancien Premier ministre et candidat à la présidence de la République a été victime d'une injustice contraire à la Constitution", a réagi dans un communiqué Me François-Henri Briard, avocat aux conseils de François Fillon.
L'avocat aux conseils de Nicolas Sarkozy, Me Patrice Spinosi, a lui parlé d'une "grande victoire, un camouflet à la Cour d'appel qui a appliqué une loi qui est anticonstitutionnelle".
Un alinéa de l'article 385 abrogé
Le 9 mai 2022, François Fillon a été condamné en appel à quatre ans de prison, dont un an ferme, 375 000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité pour des emplois fictifs de sa femme, Penelope Fillon.
Son épouse a de son côté été condamnée à deux ans de prison avec sursis et 375 000 euros d'amende, et son ancien suppléant Marc Joulaud à trois ans de prison avec sursis.
L'ancien Premier ministre s'est alors pourvu en cassation. Dans ce cadre, sa défense a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) liée au procès équitable, sur un point très précis de droit.
Selon la loi, une fois l'instruction d'un dossier terminée, il n'est plus possible de soulever des vices de procédure. C'est ce que dit notamment l'article 385 du code de procédure pénale.
Or, dans le cas de l'affaire Fillon, sa défense soutient avoir eu connaissance, après la fin de l'instruction, d'un nouveau motif d'annulation de la procédure.
Il s'agit des déclarations, en juin 2020, de l'ancienne patronne du Parquet national financier (PNF) Éliane Houlette, qui avait évoqué des "pressions" de sa hiérarchie dans cette affaire.
François Fillon y voit l'aveu de pressions politiques sur la justice – une affirmation fermement écartée par la Cour d'appel en 2022.
Sans se prononcer sur le fond, le Conseil a décidé d'abroger jeudi un alinéa de cet article 385, le jugeant contraire à la Constitution – en particulier contraire aux "droits de la défense" et au "droit au recours".
Un effet immédiat sur les affaires en cours
Le Conseil a décidé que cette abrogation pouvait être invoquée immédiatement dans toutes les affaires en cours, donc celle de François Fillon mais aussi le dossier "Bismuth" concernant Nicolas Sarkozy, qui s'était joint à cette QPC.
Dans cette affaire, aussi appelée affaire des "écoutes", l'ex-président a été condamné le 17 mai 2023 à trois ans de prison, dont un an ferme, pour corruption et trafic d'influence.
L'avocat historique de l'ex-chef de l'État, Thierry Herzog, ainsi que l'ancien haut magistrat Gilbert Azibert se sont vu infliger la même sanction.
Depuis le premier procès, ses avocats fustigent la révélation, après la fin de l'instruction, d'une enquête parallèle du PNF visant à débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé Nicolas Sarkozy qu'il était sur écoute.
"La défense du président Nicolas Sarkozy va désormais pouvoir faire valoir devant la Cour de cassation que ses droits les plus élémentaires n'ont pas été respectés", s'est félicitée Me Jacqueline Laffont, son avocate, dans un communiqué.
Nicolas Sarkozy sera jugé en novembre en appel dans le dossier Bygmalion, puis en première instance début 2025 sur les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.
Avec AFP