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Insultes de l'ambassade de Chine contre un chercheur français : "C'est très contreproductif pour l'image" de Pékin, estime le politologue Bruno Tertrais

Bruno Tertrais ne se dit pas "surpris" mais "agacé" par les insultes de l'ambassade de Chine à Paris à l'encontre du chercheur Antoine Bondaz. L'ambassade de Chine à Paris s'est déchaînée à plusieurs reprises sur internet contre un chercheur français, Antoine Bondaz, jugé trop critique à l'encontre de Pékin. "Petite frappe", "hyène folle", "troll idéologique" sont les termes employés par l'ambassade contre le chercheur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Il avait dénoncé des pressions chinoises sur des parlementaires français souhaitant se rendre à Taïwan. "A moyen terme, je crois que c'est très contre-productif pour l'image de la Chine", a estimé sur franceinfo lundi 22 mars Bruno Tertrais, politologue, spécialiste de géopolitique, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique. Il juge que la Chine "est totalement désinhibée aujourd'hui dans son langage public". Mais selon lui, "l'image de la Chine est en train de se dégrader à grande vitesse dans une grande partie du monde". franceinfo : Quelle a été votre réaction après ces insultes ? Bruno Tertrais : J'ai eu deux réactions. Ma réaction en tant que collègue, c'est un amusement agacé. Je ne suis pas tellement surpris par ce type de réaction officielle chinoise puisqu'elles se multiplient. En revanche, en tant que directeur adjoint de la FRS, j'ai exprimé mon mécontentement. Mais il ne s'agit pas de procéder à une escalade verbale. Nous sommes tout à fait sereins. Nous exerçons notre métier. Nous sommes solidaires avec Antoine Bondaz. L'ambassade de Chine emploie un langage fort peu diplomatique. Nous, nous nous contentons de faire notre métier qui est de commenter et d'analyser librement, ce qui n'est pas le cas de tous les pays tels que la Chine. Évidemment, les habitudes chinoises sont différentes. Ces agressions se multiplient. C'est quand même une sorte de diplomatie un peu particulière ? Effectivement, la Chine est totalement désinhibée aujourd'hui dans son langage public. Elle retrouve d'ailleurs des accents que ceux qui connaissent bien l'histoire de la Guerre froide, notamment l'histoire du communisme, connaissent bien. Je pense à la rhétorique soviétique des années 1950 où la rhétorique chinoise des années 1960. Mais attention, la France est particulièrement visée, parce qu'on a eu plusieurs épisodes diplomatiques assez peu glorieux de la part de l'ambassade de Chine à propos de la manière dont le Covid était géré en France. Et puis surtout je crois que c'est en lien avec le projet de visite de la délégation parlementaire française à Taïwan. Cela suscite beaucoup d'agitation de la part de l'ambassade de Chine qui prétend empêcher des représentants du peuple de se rendre à Taipei. Peut-être que l'agacement fort impoli manifesté à l'égard de notre collègue Antoine Bondaz, qui est couvert d'insultes depuis trois jours par le gouvernement de la République populaire de Chine, est en lien avec cet agacement chinois. Est-ce cela peut être contre-productif pour le gouvernement chinois ? Oui, c'est à mon sens totalement contre-productif à moyen terme. À court terme, je pense que les officiels chinois s'en fichent un peu. Ce qui est d'abord important pour eux, c'est de montrer à leurs autorités qu'ils sont de bons petits soldats, de bons petits loups combattants - c'est l'expression appliquée à cette nouvelle diplomatie chinoise. Mais à moyen terme, je crois que c'est très contre-productif pour l'image de la Chine qui nous a dit pendant 20 ans qu'elle avait l'émergence pacifique d'une nouvelle puissance et qui veut se présenter comme une puissance sage. D'ailleurs, on le voit depuis plusieurs mois maintenant, l'image de la Chine est en train de se dégrader à grande vitesse, non seulement en France, mais dans une grande partie du monde, y compris en Asie d'ailleurs. Est-ce que vous attendez une réaction de la part de Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères ? La Fondation est en lien avec le ministère des Affaires étrangères. Si ces évènements devaient se multiplier et que le silence était total du côté des autorités françaises, certains d'entre nous, dans la communauté des chercheurs et des analystes, seraient un petit peu surpris. Mais là, je n'exprime qu'un avis personnel et je ne demande rien puisque sur ce point, nous sommes en contact, bien sûr, avec le Quai d'Orsay pour le tenir au courant des évènements sur Twitter que le ministère, d'ailleurs, j'en suis sûr, suit lui-même avec attention.

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