Wall Street et les midterms : chronique d’une histoire d’amour qui prend fin ?
ÉLECTIONS DE MI-MANDAT
La Bourse de New York a toujours connu une hausse dans l'année suivant les élections de mi-mandat.
Historiquement, les élections américaines de mi-mandat ont toujours été un événement favorable pour les investisseurs. Surtout si le président en exercice perd sa majorité au Congrès. Mais cette fois-ci, l’impact de ce scrutin sur la Bourse risque d’être moins important et bénéfique que par le passé.
C’est historiquement du pain béni financier pour Wall Street. Les midterms – élections de mi-mandat aux États-Unis, qui se sont tenues cette année mardi 8 novembre – font les affaires des investisseurs. Et c’est encore mieux lorsque le scrutin ne permet pas de dégager un clair vainqueur.
"Il n’est pas exagéré de dire que la période des midterms constitue l’un des meilleurs signaux historiques pour acheter des actions", confirme Jim Reid, analyste pour la Deutsche Bank, interrogé par le New York Times.
Wall Street veut un président démocrate et un Congrès républicain
Depuis les années 1950, les indices boursiers "ont toujours augmenté durant l’année qui a suivi les midterms", note le New York Times en s’appuyant sur une analyse historique réalisée par LPL Financial, l’un des plus importants cabinets américains de courtiers en Bourse.
Les gains sont encore plus importants pour les boursicoteurs quand les élections de mi-mandat divisent le pouvoir américain, ou ne permettent pas de dégager une majorité claire. La configuration préférée de Wall Street semble être celle d’un président démocrate et d’un Congrès entre les mains des républicains. Durant ces périodes, le rendement boursier annuel des investissements dans le S&P 500 a atteint près de 17 %, contre une moyenne annuelle d’un peu moins de 10 % sur les cinquante dernières années.
Le scénario rêvé de la Bourse américaine ne semble pas se dessiner à l’horizon immédiat, puisque les premiers résultats des élections du 8 novembre ne suggèrent pas un raz-de-marée républicain au Congrès. Les boursicoteurs devront probablement se contenter de la Chambre des représentants pour mettre des bâtons dans les roues du président démocrate.
Mais cela n’explique pas pourquoi les investisseurs semblent autant apprécier les périodes de "cohabitation" à l’américaine, quelle que soit la configuration (avec une légère préférence pour un président démocrate et un Congrès conservateur).
La modération politique a la cote
À croire que la Bourse américaine fait son beurre de cette paralysie institutionnelle que les responsables politiques américains redoutent quand la Maison Blanche et le Congrès ne sont pas aux mains du même parti. En fait, les investisseurs apprécieraient ces périodes car elles leur apparaissent comme propices "à la recherche de consensus bipartisans", note Alexandre Baradez, analyste financier chez IG France.
À leurs yeux, le bras de fer entre les députés de l’opposition et le président empêcherait l’un ou l’autre des partis d’imposer les volets les plus radicaux de leur programme. Le "gridlock" – l’appellation américaine pour désigner l’impasse législative qui peut survenir durant ces périodes – représente ainsi une sorte de temps béni de la modération politique qui ferait les affaires des investisseurs.
En effet, "il n’est plus question d’ambitieux programmes d’investissement ou de grandes réformes fiscales qui pourraient avoir un impact sur les profits des entreprises", souligne Brian Gardner, analyste financier pour la banque d’investissement Stifel, interrogé par le New York Times.
Le cru 2022 des midterms est-il susceptible de s’inscrire ainsi dans cette tradition du marché boursier discret gagnant des élections de mi-mandat ? L’ingrédient principal – une opposition républicaine renforcée capable de faire obstacle à Joe Biden – est présent… même si la "vague rouge" n’est pas aussi forte qu’espérée par les conservateurs.
Autre bonne nouvelle pour les investisseurs : les candidats républicains victorieux ne font pas tous partie des trumpistes les plus acharnés. "Il y a aussi des conservateurs modérés, ce qui est de nature à rassurer les marchés", précise Alexandre Baradez. Les républicains bon teint ont, pour Wall Street, un comportement plus prévisible que la frange radicale pro-Trump.
La Banque centrale plutôt que le Congrès
Pour autant, les bénéfices boursiers de ces midterms ne seront peut-être pas aussi importants que lors des scrutins précédents. "Il n’y avait de toute façon pas une très grande différence entre les priorités économiques des deux camps", assure Frédéric Rollin, conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet Asset Management.
L’administration Biden a déjà tourné la page des grands plans d’investissement du début de mandat "et tout le monde semble aujourd’hui d’accord pour limiter les dépenses afin de donner la priorité à la maîtrise de l’inflation", souligne Frédéric Rollin. Autrement dit, les cigales démocrates s’étaient déjà muées en fourmis fiscales avant les midterms.
L’ampleur de l’impact des midterms devrait aussi être limité parce que le regard des investisseurs est beaucoup moins braqué sur les soubresauts politiques que lors des scrutins précédents. "Leur priorité est l’inflation et, à ce titre, ce qui les intéresse avant tout, ce sont les décisions des Banques centrales", conclut Alexandre Baradez. Une manière polie de dire que si Wall Street réagit peu aux résultats de cette élection, c’est parce que les marchés jugent le rôle du pouvoir politique limité pour maîtriser l’inflation.