TÉMOIGNAGE. “Trois fois guérie d'un cancer colorectal, je lutte contre le silence médiatique autour de cette maladie taboue”
Après un cancer et deux récidives, Colette Casimir s'attelle à briser le silence. Devenue patiente experte, elle ne cesse de rappeler l'importance d'un diagnostic précoce.
Le manque d'informations autour du cancer colorectal, Colette, ça l'agace. Parce qu'elle aurait pu en mourir si elle n'avait pas pris les devants en se faisant diagnostiquer assez tôt : "On parle du cancer du sein, parce qu'un sein, c'est joli. Mais le côlon est la deuxième cause de décès par cancer après le sein. Il y a environ 43 000 cas par an, dont la moitié de femmes, parfois très jeunes, et leur détresse me fait militer pour le dépistage !"
Aujourd'hui, Colette Casimir, 60 ans, a un diplôme universitaire de patiente experte, prépare une thèse, et coanime Mon Réseau Cancer Colorectal, un site et une application de soutien et de conseils entre malades. "Parce qu'à 43 ans, quand j'ai appris mon cancer après de bêtes douleurs abdominales et une fatigue persistante, je me suis sentie basculer de l'autre côté et devenir seule au monde !" L'ingénieure cadre dirigeante dans une entreprise du CAC 40 se retrouve avec 30 cm de côlon en moins et une bonbonne de chimio en perfusion sous le bras. "C'était de la folie, mais je ne voulais pas tarder à revenir travailler et montrer un signe de faiblesse", se souvient Colette.
"Un cancer, passe encore, mais deux, vous passez pour quelqu'un de fragile"
A qui parler ? Personne, hormis son compagnon et ses deux sœurs qui vivent aux Antilles. Mais "on évite d'engloutir les autres avec ses douleurs, ses problèmes, surtout son conjoint vu le genre du cancer". Elle s'en sort mais, deux ans plus tard, une première récidive lui tombe dessus alors qu'elle doit s'expatrier pour prendre la direction de la branche Amérique du Sud de sa boîte. "Ils m'ont enlevé tout le côlon par prudence, et les deux ovaires, et là, je n'ai rien compris. Mes selles étaient désormais totalement liquides. Non, ce n'est pas poétique. J'ai dû renoncer à mes projets et me mettre en arrêt de travail pendant un an."
Quand elle retourne travailler, elle est reléguée dans un placard, "parce qu'un cancer, passe encore, mais deux, vous passez pour quelqu'un de fragile. Trop", regrette-t-elle. Heureusement, un ancien collègue l'embauche ailleurs. Seulement Colette n'a que quatre ans de répit avant la catastrophe de la seconde récidive : ablation du duodénum, d'un morceau de l'estomac, de la tête du pancréas, de la vésicule biliaire, une opération de cinq heures à quatre mains ! "J'ai souffert comme jamais durant des mois, perdu 35 kg, jusqu'à faire une taille 36 pour 1,80 m, mais je ne me réjouissais pas de cette taille mannequin au prix de trente selles par jour !"
"Je dois aussi ma renaissance aux cures ayurvédiques en Inde, avec yoga et méditation, qui font rire à tort beaucoup de médecins"
Sa sœur Céline, son "ange gardien" et son "âme sœur" vient la soutenir à domicile durant trois mois. Son compagnon se montre exemplaire, mais sur le chemin qui mène au mieux-être, Colette se sent bien seule. Car c'est un cancer qui impacte lourdement le quotidien, compliquant les repas, au cœur de la vie sociale, surtout si l'on doit s'astreindre aux déjeuners d'affaires. "Au début, il m'arrivait de devoir me lever en plein milieu à cause de mon transit éclair", se souvient-elle. Or, la réappropriation de son corps n'est pas au menu de la plupart des protocoles médicaux.
Heureusement, "une géniale professeure de l'hôpital Beaujon m'a réappris à manger, avec pas mal de riz, d'ignames, beaucoup d'interdits et de précautions. Mais je dois aussi ma renaissance aux cures ayurvédiques en Inde, avec yoga et méditation, qui font rire à tort beaucoup de médecins. Il faut avoir une approche globale de son corps quand il a été mutilé à ce point." C'est son expérience du cancer comme de l'après-cancer que Colette met aujourd'hui au service des autres, en dialoguant avec des malades de tous âges.
"Je trouve la vie bien plus belle qu'avant. Ça aussi, il faut le dire aux patients : c'est possible!"
Sa plus jeune interlocutrice a 24 ans, âge où l'on pense au cancer quand on sent une boule dans un sein, mais sûrement pas au cancer du côlon quand on souffre de douleurs abdominales. Tous ont la chance d'avoir en face d'eux une spécialiste qui a remporté trois combats avec en ligne de mire "la volonté que la vie garde du piment, les plats aussi dans la mesure du possible !"
Onze ans après sa dernière rémission, on ne donnerait jamais ses 60 ans à Colette, qui profite d'une nouvelle vie : "Je ne suis plus ingénieure, sinon... du côlon ! On vit à la campagne. Regarder mes deux chats maine coon chasser dans le jardin m'enchante. Chaque moment présent est un trésor. Et je trouve la vie bien plus belle qu'avant. Ça aussi, il faut le dire aux patients : c'est possible." A condition de se faire dé-pi-ster !
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