TÉMOIGNAGE. "Elle n'avait que quatre jours" : l'incroyable exfiltration d'un bébé né par GPA en Ukraine
Ils étaient venus chercher leur bébé dans une clinique à Kiev. Rattrapés par la guerre, Jessie et Jacob ont déployé des trésors de sang-froid pour quitter le pays avec leur nouveau-né.
Tout était prévu pour la naissance de leur fille, sauf l'impensable. En atterrissant à Kiev, le 20 février, Jessie et Jacob Bœckmann, tous deux médecins californiens, se doutaient que la naissance par GPA de leur fille, Vivi, programmée deux jours plus tard, serait mouvementée. "Nous sommes arrivés à Kiev un peu plus tôt en raison de la situation géopolitique incertaine", explique le couple, déjà parent d'une petite fille également née sous GPA.
"L'aéroport de la ville était fermé. Nous savions que sortir du pays serait difficile, mais nous n'avions aucune idée de ce qui nous attendait." Aux premières heures du 24 février, à la maternité, la petite famille est réveillée par des bruits d'explosion. L'offensive militaire de la Russie en Ukraine, tant redoutée par les Occidentaux, vient d'éclater. Illico, le couple décide de se rendre à Lviv, où l'ambassade des Etats-Unis s'est déportée. L'aéroport fermé, ils louent une voiture. Ce qui devait être un trajet de six heures allait devenir un périple de vingt-sept heures.
"J'avais tellement peur que notre bébé meure de faim ou de froid"
"En route, nous avons appris que l'ambassade temporaire américaine avait fermé et qu'il fallait se diriger vers la Pologne. Arrivés près de la frontière, nous ne pouvions plus avancer. Il était 2 heures du matin, nous avons dû dormir dans la voiture", raconte Jessie. Au réveil, la circulation est bloquée. Les parents décident de braver les températures glaciales et d'avancer jusqu'à la frontière polonaise, soit huit heures de marche. "J'avais tellement peur que notre bébé meure de faim ou de froid. Elle n'avait que quatre jours..."
"J'ai réussi à passer la frontière avec notre fille, mais les hommes ne pouvaient pas passer"
Sur la route de l'exode, la solidarité est là. Des inconnus aident le couple en portant quelques bagages. A la frontière, la foule est immense. "Après avoir attendu environ deux heures et demie, bringuebalée dans tous les sens, j'ai réussi à traverser avec le bébé, mais le contrôle aux frontières interdisait aux hommes de passer. Mon mari n'a pas pu venir avec nous. " En tentant de rejoindre sa femme et sa fille, Jacob, 37 ans, est agressé dans la foule.
Puis il doit prouver qu'il ne détient pas un faux passeport américain pour se soustraire à la règle de non-sortie des hommes en âge de combattre. Dans ce chaos, le couple perd tous ses bagages. Heureusement, avec l'aide de sa famille, qu'elle arrive à contacter, Jessie réserve un hôtel à quatre-vingt-dix minutes de la frontière. Le 27 au matin, Jacob les retrouve. Le couple et le bébé rejoignent alors Varsovie, d'où ils s'envolent vers la Californie. "Nous sommes très fiers l'un de l'autre. La situation était insensée, mais nous avons tenu. Ensemble. Si nous sommes heureux d'être revenus sains et saufs à la maison, nos cœurs restent lourds face à ce pays dévasté."