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Sports

Sanctions contre la Russie : le monde des échecs également de la partie

ÉCHEC AU ROI Au diapason des fédérations sportives internationales, la Fide, celle des échecs, a pris depuis vendredi des sanctions contre la Russie et les joueurs russes après l'invasion de l'Ukraine. Un camouflet pour Vladimir Poutine alors que la discipline fait partie des images d'Épinal de son pays. Souvent comparé à un joueur d'échecs pour ses décisions géopolitiques, Vladimir Poutine n'avait probablement pas anticipé cette riposte du milieu sportif. Après sa décision d'envahir l'Ukraine le 24 février, la Russie se retrouve mise au ban du sport mondial. Le monde des échecs, sport national depuis la période soviétique, n'a pas non plus hésité à se mobiliser, dans un pays où cette activité est pourtant érigée en religion. La Fédération internationale des échecs (Fide), pourtant dirigée par Arkadi Dvorkovitch, proche du pouvoir, a annoncé dès vendredi – lendemain de l'entrée en Ukraine des troupes russes – que ses Olympiades, la compétition la plus prestigieuse voyant s'affronter des équipes nationales, n'auraient pas lieu à Moscou. >> À lire aussi : "Guerre en Ukraine : 'Les instances sportives ont pris leurs responsabilités en excluant la Russie'" Au diapason des recommandations du Comité international olympique (CIO), elle a également annoncé le bannissement des drapeaux et des hymnes de la Russie et de la Biélorussie, considérée comme la vassale de Moscou, de ses compétitions – les joueurs issus de ces deux pays étant invités à concourir sous drapeau neutre. Elle a enfin suspendu ses contrats de sponsoring avec les entreprises des deux pays. Dans son communiqué, la fédération condamne officiellement l'intervention militaire : "La Fide exprime sa profonde préoccupation concernant l'action militaire lancée par la Russie en Ukraine. La Fide est unie contre les guerres et condamne toute utilisation de moyens militaires pour résoudre des conflits politiques. [...] La Fide prendra toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des joueurs d'échecs et des autres membres de la communauté échiquéenne. Aucune compétition et aucun événement échiquéen officiel de la Fide ne seront organisés en Russie et en Biélorussie." En politique aussi, un duel Karpov-Kasparov Légende vivante des échecs, Garry Kasparov est également un des plus féroces critiques de Vladimir Poutine, et ce depuis son premier mandat en 2000. Le champion n'a de cesse de dénoncer les atteintes aux droits de l'Homme et à la liberté ainsi que la dérive autoritaire du président russe. En 2007, alors candidat à l'élection présidentielle, Garry Kasparov avait été arrêté et condamné à cinq jours de prison pour trouble à l'ordre public après avoir participé à une manifestation. En exil depuis 2012, il vit désormais à New York. "Après des années pendant lesquelles mes avertissements ont été ignorés, j'ai passé la journée à entendre 'Garry, tu avais raison'. Je vais répéter ce que j'ai dit en 2014 : arrêtez de me dire que j'ai raison et écoutez ce que je dis maintenant", a-t-il posté sur Twitter. Garry Kasparov lance désormais un appel à accentuer les divergences entre la population russe, les oligarques et Vladimir Poutine : "Il faut que Poutine perde le contrôle de la plus grande partie d'échecs de l'Histoire." Anatoli Karpov, son vieux rival aux échecs, est loin d'être de cet avis. Dans les années 1980, le duel entre Garry Kasparov et lui avait passionné l'URSS jusqu'à la perte du titre de champion du monde du premier. Depuis, Anatoli Karpov est devenu membre du parti Russie unie de Vladimir Poutine et a été élu à la Douma, l'Assemblée nationale russe. Il fait partie de la liste des 351 députés sanctionnés par l'UE en réaction à leur vote en faveur de la reconnaissance de l'indépendance de la République populaire de Donetsk (DNR) et de la République populaire de Louhansk (LNR). Une communauté partagée Sergueï Shipov, commentateur des échecs populaire en Russie, est également un partisan de Vladimir Poutine. Jeudi, il a écrit sur Facebook : "Maintenant, Donetsk et Louhansk vont pouvoir dormir en paix. Les huit années de vie sous les bombes sont terminées." Sergueï Kariakine, surnommé le "ministre de la Défense" dans le monde des échecs, n'est pas en reste. Ses propos va-t-en-guerre ont d'ailleurs tout d'une attaque. Ancien challenger du champion du monde Magnus Carlsen, il se distingue par ses positions pro-Poutine. "Je vous lance un appel en ces temps difficiles, alors que notre pays, dirigé par vous, se bat pour la sécurité de la paisible population russe du Donbass et de la République populaire de Louhansk. Il se bat pour la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine avec son régime au pouvoir, qui a mis en danger la sécurité de toute l’Europe et de notre pays, au nom de ses objectifs et ambitions politiques", a écrit le joueur de 32 ans dans une lettre ouverte à Vladimir Poutine, reprenant les éléments de langage du Kremlin. L'histoire personnelle de Sergueï Kariakine explique probablement les positions du Russe. Natif de Simferopol, en Crimée, il a longtemps représenté l'Ukraine, notamment lorsqu'il est devenu en 2003 le plus jeune grand maître d'échecs de l'Histoire, à l'âge de 12 ans (un record dépassé depuis). Mais en 2009, il a préféré déménager à Moscou et représente, depuis, la Russie. En 2014, il avait déjà soutenu l'annexion par la Russie de sa région natale. À rebours de ses trois compatriotes, le grand maître russe Nikita Vitiugov, basé à Saint-Pétersbourg, a en revanche écrit sur Twitter : "Ma position est claire : vous ne pouvez pas vous défendre sur le territoire d'un autre. Les Russes et les Ukrainiens sont des frères, pas des ennemis. Arrêtez la guerre." La maître internationale russe Alina Bivol a également réagi : "Jusqu'à récemment, je croyais que cela n'arriverait pas. Je voudrais appeler les joueurs d'échecs du monde entier à ne pas nous détester pour les actions des autorités. Nous-mêmes, nous comprenons tout. #Non à la guerre." Au-delà des frontières, le champion du monde en titre, le Norvégien Magnus Carlsen, a également commenté la situation dans une interview à la télévision nationale : "Lorsque vous représentez un pays qui fait autant de choses étranges que la Russie, vous avez beaucoup de hauts et de bas. Les joueurs russes et moi pensons que c'est quelque chose qu'un pays ne devrait pas faire. Je dois faire de mon mieux et j'ai la chance de vivre dans un pays où règne la paix." Des déclarations qui ne peuvent qu'encombrer Vladimir Poutine qui, du football aux Jeux olympiques, a fait du sport un des leviers de puissance de la Russie. Sport cérébral et partie intégrante de l'âme russe, les échecs ne font pas exception.

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