Retraites : Élisabeth Borne temporise sur les 65 ans avant les dernières consultations
La Première ministre française, Élisabeth Borne, lors d'un débat sur le projet de loi de finances 2023 à l'Assemblée nationale à Paris, le 19 octobre 2022.
La Première ministre Élisabeth Borne a indiqué, mardi, que le report de l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans n'était "pas un totem", précisant que sa réforme serait présentée le 23 janvier en conseil des ministres, alors qu'elle termine cette semaine une série de concertations avec les organisations syndicales, largement opposées au projet du gouvernement.
Le dossier des retraites s’annonce épineux et la Première ministre en a bien conscience. Élisabeth Borne a de nouveau temporisé, mardi 3 janvier, sur le report de l'âge légal de départ à 65 ans, dont elle ne veut pas faire "un totem" avant ses ultimes entretiens avec les partenaires sociaux sur la réforme controversée des retraites.
Une majorité de Français s'oppose à cette réforme, dans le contexte inflammable d'un pouvoir d'achat rogné par l'inflation. Mais Emmanuel Macron reste déterminé : "cette année sera celle d'une réforme des retraites" appliquée "dès la fin de l'été", a-t-il martelé samedi lors de ses vœux.
Le report de sa présentation du 15 décembre au 10 janvier a permis à la cheffe du gouvernement d'entendre à nouveau, avant Noël, les groupes politiques puis, mardi et mercredi, les partenaires sociaux. La réforme des retraites sera ensuite présentée en conseil des ministres le 23 janvier.
Or, l'ensemble des syndicats et l'essentiel des oppositions contestent le projet de l'exécutif de reporter progressivement l'âge de départ de 62 à 65 ans.
La Première ministre a semblé tempérer, mardi, la position du gouvernement sur la mesure d'âge. "On a porté les 65 ans" mais "ce n'est pas un totem", a déclaré Élisabeth Borne sur franceinfo, ajoutant étudier "d'autres solutions qui permettent d'atteindre notre objectif", à savoir "l'équilibre du système de retraite à l'horizon 2030".
Le gouvernement n'ira en revanche "pas au-delà de 43 années de cotisation pour une retraite à taux plein", comme cela est déjà prévu par une précédente réforme. De même, "l'âge d'annulation de la décote (...) ne bougera pas, il restera à 67 ans", a-t-elle ajouté.
Quelque 54 % des Français défavorables à la réforme des retraites
La réforme tiendra compte "des carrières longues, des carrières hachées, de la difficulté de certaines tâches", elle permettra "d'équilibrer le financement" du système et "d'améliorer la retraite minimale", avait fait valoir Emmanuel Macron le 31 décembre.
L'exécutif espère au moins, grâce aux mesures sur la pénibilité, une "absence d'opposition frontale" de la CFDT, souligne un conseiller.
Mais quelque 54 % des Français sont défavorables à cette réforme, selon un sondage Harris-Interactive réalisé fin décembre et publié lundi. "Il n'y a que les retraités, les 65 ans et plus, qui se déclarent favorables", note Frédéric Dabi, directeur de l'institut Ifop.
Élisabeth Borne espère néanmoins rallier Les Républicains, favorables à un report de l'âge de départ. Elle doit à cet effet échanger avec leur président Éric Ciotti, ainsi qu'avec les chefs de groupes LR à l'Assemblée, Olivier Marleix, et au Sénat, Bruno Retailleau.
Sans LR, le gouvernement, qui ne dispose que d'une majorité relative, serait obligé d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote.
Toute "mesure d'âge" sera une "ligne rouge"
Pour la première fois depuis douze ans et la réforme Woerth (qui avait relevé l'âge légal de 60 à 62 ans), tous les syndicats sont prêts à se mobiliser ensemble contre la réforme annoncée. Y compris la CFDT, sur une ligne plus ferme depuis son dernier congrès. Toute "mesure d'âge" sera une "ligne rouge", a redit son patron Laurent Berger dans La Dépêche du Midi, qui plaide pour un relèvement de dix points du taux d'emploi des seniors pour combler le déficit.
C'est par la mobilisation "dans la rue" qu'il sera possible de "faire reculer" la réforme des retraites, a prévenu, lundi, la nouvelle patronne d'Europe-Écologie-Les Verts, Marine Tondelier.
"Ça va chauffer en janvier", a de son côté prédit le fondateur de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
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Frédéric Dabi voit toujours "un contexte de ‘gilets-jaunisation’" de la société française, avec "le travail qui paie mal", un "sentiment de déclin" et une "inflation qui n'existait pas en 2018". "Les ferments d'une explosion sociale sont là" et une "étincelle pourrait tout embraser", prévient-il.
Réformer les retraites en France "est toujours très compliqué", de surcroît dans un climat "marqué par de fortes tensions sur le pouvoir d'achat" et les salaires, souligne Jérôme Fourquet, directeur Opinion à l'Ifop. Un exercice d'autant plus délicat au moment où le gouvernement présente d'autres textes contestés notamment sur l'immigration et les énergies renouvelables.
Avec AFP et Reuters