Rachat de Twitter : Elon Musk "tente un coup de un coup de poker pour s'en sortir à moindre frais", estime Marie Turcan
Marie Turcan, rédactrice en chef de Numérama, analyse la querelle entre Elon Musk et Twitter, alors que l'homme le plus riche du monde a finalement renoncé à acquérir le réseau social.
Annoncé en grande pompe en avril par le fondateur de Tesla, Paypal et SpaceX, le rachat de Twitter par Elon Musk bat de l'aile. L'homme le plus riche du monde a dénoncé le contrat de rachat, arguant qu'il y a trop de faux comptes sur le réseau social.
franceinfo : Elon Musk met en avant les faux comptes actifs sur le réseau dont on ne connaît pas le nombre. Il a raison ?
Marie Turcan : C'est l'argument de départ qui montre un peu l'hypocrisie du contrat. Elon Musk est arrivé en disant 'moi, je vais sauver Twitter mais je pense qu'il y a 30% à 40% de faux comptes et il faudrait leur faire la chasse pour que ça aille mieux.' Mais là, Twitter a fait des études qui ont montré qu'il n'y aurait qu'environ 5% de robots, ce qui est finalement un assez gros nombre quand même, mais loin des chiffres de Musk et surtout pas contestable. Mais lui continue à dire qu'il est persuadé qu'il y a ces faux comptes.
Simplement, il ne l'affirme pas parce que je pense qu'il sait que, juridiquement, il se perdrait dans un coin. Aujourd'hui, il tente un coup de poker pour essayer de s'en sortir à moindre frais et ne pas payer la clause de résiliation du contrat dont le montant s'élève à un milliard de dollars.
Mais avait-t-il vraiment envie de racheter Twitter ?
Elon Musk est quand même connu pour ses frasques. Il faut se rappeler qu'il y a quatre ans, il a fait un tweet pour dire qu'il allait retirer Tesla de la Bourse et qu'il avait sécurisé les fonds pour le faire, alors qu'en réalité, il n'avait ni l'un ni l'autre : ni l'envie, ni les fonds. Il s'est pris une amende de 20 millions de dollars des autorités américaines et ça ne l'a pas empêché de recommencer. C'est vraiment un patron qui mise sur l'énergie, l'action et réfléchit un peu après. D'ailleurs, le montant pour lequel il voulait racheter à la base Twitter, c'était une blague sur le cannabis.
Le montant de 44 milliards est une blague, il voulait en faire un coup médiatique. Mais le problème, c'est que depuis le mois d'avril, les cours ont vraiment baissé : la valeur de Tesla, notamment, dont il est le patron, a baissé de 20%. Et qu'est-ce qui se passe si Elon Musk perd 20% de sa fortune ? Il ne peut plus racheter Twitter au prix de la blague qu'il avait faite au départ.
Et pour Twitter, quelles conséquences ?
Le fait qu'il joue avec Twitter comme ça a fait basculer les cours de bourse : le cours de Twitter est en train de faire un yo-yo pas possible, ce qui est ce qui empêche les investisseurs de se prononcer ou de réinjecter de l'argent. De l'autre côté, en interne, il y a une enquête de Wired [magazine américain spécialisé dans les technologies] qui est sortie il y a pas longtemps, qui montrait c'est un peu la débandade. Il y a beaucoup, beaucoup d'employés de Twitter qui ont cherché à fuir ces derniers mois en apprenant l'arrivée d'Elon Musk. Il y a plusieurs cadres assez importants qui sont partis. Et paradoxalement, dans le contrat que Musk essaie de faire annuler, un des arguments qu'il met en avant c'est le départ de ces cadres et le fait que Twitter arrête d'embaucher des gens. Finalement, il utilise son propre trolling pour essayer de s'en sortir sur un rachat qu'il n'a plus envie de faire, c'est un cercle vicieux.
C'est un réseau social qui a encore de l'avenir, selon vous ?
L'impact du tweet d'une personnalité politique ou médiatique repris ensuite par les médias traditionnels, c'est devenu un cycle médiatique tellement fort qu'aujourd'hui, je ne pense pas que Twitter puisse mourir ou péricliter. Je pense que demain, vous aurez du mal à voir l'actualité médiatique être faite sur TikTok, par exemple. Elon Musk l'a appelé le "forum public", l'endroit de toutes discussions, et c'est vrai. C'est sûrement malheureux, mais c'est vrai.