"Quoi que je dise, je ne serai pas cru" : Nordahl Lelandais campe sur sa version du meurtre de la petite Maëlys lors de son interrogatoire
"Quoi que je dise, je ne serai pas cru" : Nordahl Lelandais campe sur sa version du meurtre de la petite Maëlys lors de son interrogatoire
Entendu durant près de trois heures par la présidente de la cour d'assises de l'Isère, l'accusé, pugnace, n'a pas dévié de son récit, dans un exercice de contrition qui sonnait souvent faux.
Il maîtrise tout, a réponse à tout. On savait qu'il serait compliqué – voire impossible – de faire émerger "la" vérité et non pas "sa" vérité, derrière laquelle Nordahl Lelandais se retranche en permanence. Pendant trois heures, vendredi 11 février, la présidente de la cour d'assises de l'Isère a procédé à son interrogatoire pour tenter de comprendre ce qu'il s'est réellement passé, dans la nuit du 26 au 27 avril 2017, lorsqu'il a enlevé puis tué la petite Maëlys de Araujo lors d'un mariage à Pont-de-Beauvoisin.
Sans surprise, l'accusé s'en est tenu à sa version des faits, qu'il a livrée à force de preuves accablantes présentées par les enquêteurs. Il avait d'abord affirmé que la petite fille n'était jamais montée dans sa voiture, puis qu'elle était montée et qu'il l'avait tuée en lui administrant un seul coup au visage. Dans sa dernière version, à laquelle il se cramponne désormais, l'ancien maître-chien assure l'avoir tuée en lui infligeant plusieurs coups, "quatre ou cinq", a-t-il précisé ce vendredi.
En préambule, la présidente l'invite à raconter cette nuit cauchemardesque, comme elle l'a fait avec les mariés et les invités venus s'exprimer à la barre ces derniers jours. Leur émotion était palpable. Certains avaient du mal à trouver leurs mots. Nordahl Lelandais, lui, déroule lentement son récit, avec parfois quelques larmes qui affleurent, sans que l'on sache si elles sont réelles ou feintes. Le matin, Jean-Yves Coquillat, l'ex-procureur de Grenoble, a raconté l'avoir vu se mettre à genoux au moment où les restes de la petite avaient été retrouvés. Il avait demandé "pardon" à la fillette. "J'ai eu le sentiment que c'était du cinéma", a commenté le procureur retraité.
"Je mérite cette peine, je l'accepte"
Nordahl Lelandais fait-il du cinéma ? Tout le monde le pense, mais il en viendrait presque à faire douter les plus suspicieux, notamment lors de la première partie de cet interrogatoire de presque trois heures. Quand il s'agit de justifier l'injustifiable, il met toute l'emphase possible. Quand vient le moment de raconter la mort de l'enfant, il ralentit, et prend un air contrit. "Elle commence à hoqueter. Un petit pleur. A ce moment-là, je ne sais pas ce qu'il s'est passé. J'ai tourné la tête et j'ai eu cette impression, complètement folle, que personne ne peut comprendre. J'ai eu cette peur de ce qu'il s'était passé en avril 2017. J'ai donné des coups", détaille-t-il, dans un salle bondée mais silencieuse. C'est son mantra depuis ses aveux : il assure avoir vu le caporal Arthur Noyer en regardant Maëlys, comme une "hallucination", au moment de frapper l'enfant.
Est-ce qu'il joue aussi quand il fait acte de contrition ? "Je sais que je vais être condamné, lourdement et je mérite cette peine, je l'accepte", dit-il calmement. Il s'excuse à plusieurs reprises auprès des parents de la petite fille. "J'aimerais pour eux qu'ils avancent. J'aimerais que le procès les apaise et qu'ils prennent du temps pour eux", ose-t-il, provoquant quelques rires gênés dans le public.
Quand il parle de Maëlys, ses mots semblent parfois maladroits. Il évoque cette "malheureuse enfant" dont il a laissé la dépouille, le crâne triplement fracturé, dans une zone très escarpée. "Je l'ai sortie du coffre. Je suis descendu dans un petit chemin qui mène dans une forêt et je l'ai abandonnée à cet endroit. Malheureusement, aujourd'hui, cette petite fille, Maëlys, elle n'est plus là", relate-t-il d'une voix triste. "Malheureusement", comme si sa mort était une fatalité.
"Je n'étais pas dans cette optique sexuelle"
Ces accès émotifs ne l'empêchent pas de garder un contrôle quasi-total de ses propos. Nordahl Lelandais ne dira rien sur l'absence de préméditation de son geste. Quand il embarque dans sa voiture, en pleine nuit, une enfant qu'il ne connaissait pas quelques heures avant, il assure : "Je reconnais que c'est fou, je ne connais pas cette petite, mais moi, je n'avais aucune mauvaise intention." Et de poursuivre, sans convaincre : "Je me dis : 'Je vais chez moi, ce n'est pas très loin, ça lui fera plaisir de voir mes chiens.' Sans aucune intention, vraiment, aucune intention."
Surtout, il n'en démord pas : il n'a pas violé la fillette. "Je sais, on aimerait que je dise que c'est un crime sexuel qu'il s'est passé. Pas du tout, pas du tout, je n'avais aucune intention. Oui, je reconnais l'avoir fait une semaine avant, un mois avant [il évoque ses petites-cousines]. Mais pas à ce moment-là, je n'étais pas dans cette optique sexuelle."
La présidente s'emploie à le questionner en détail sur chacun de ses revirements successifs. Interrogé sur les vidéos et les photos supprimées de son portable après le meurtre, il dit d'abord ne se souvenir de rien puis assure sans ciller : c'était "pour faire de la place sur [son] téléphone". Après deux semaines de procès, le mystère Nordahl Lelandais reste entier. Le matin, face à son ancien "meilleur ami", Julien F., il avait prévenu : "Je sais très bien que, quoi que je dise, je ne serai pas cru."