Quand la télévision d'État chinoise utilise une fausse journaliste française pour diffuser sa propagande en France
Dans une tribune parue sur le site de la télévision d’État chinoise CGTN, qui a obtenu récemment l’autorisation par le CSA d’émettre en français. Cette jeune femme, qui se présente comme journaliste indépendante basée en France, démonte les accusations de génocide et de persécution subies par la minorité ouighoure.
Sauf que cette ''Laurène Beaumond", qui dit s’être rendue plusieurs fois dans le Xinjiang, n’a pas de carte de presse, selon nos confrères du Monde qui n'ont pas retrouvé sa trace dans le fichier de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels français. Sur son compte Twitter, créé en mars 2021, c'est par ailleurs une photo d'illustration, disponible à l'achat dans les banques d'images, qui fait office de photo de profil.
Aucune trace d'elle sur Google
Une ''note de l'éditeur'' précède la tribune publiée sur francais.cgtn.com, pour en présenter la supposée auteure : ''Journaliste indépendante basée en France, doublement diplômée d'histoire de l'art et d'archéologie à l'université de la Sorbonne-IV et détentrice d'un Master de journalisme, Laurène Beaumond a travaillé dans différentes rédactions parisiennes avant de poser ses valises à Beijing où elle a vécu presque 7 ans." Or en dehors de cette tribune, une recherche sur Google ne laisse apparaître aucun article avec l'occurence "Laurene Beaumond". Étrange, pour une journaliste qui a vécu en Chine et a collaboré avec "plusieurs rédactions en France".
"Laurène Beaumond", dans un long propos, réfute les accusations formulées par ceux qui dénoncent les stérilisations des femmes ouighoures et le travail forcé de cette minorité musulmane. "D'où viennent ces nouveaux pasionarias de la 'cause ouïgoure', cette ethnie dont le sort ne préoccupait personne jusqu'ici ?", peut-on ainsi lire. Une ''parodie de procès faite à distance à la Chine'', écrit "Laurène Beaumond", sans "aucune preuve concrète". À l’en croire, il n’existe pas de camps de rééducation chinois, contrairement aux enquêtes documentées par certains chercheurs qu’elle qualifie de "nouveaux pasionarias de la cause ouighoure". Et de décrire le bonheur qu’ont les Ouighours à vivre dans le Xinjiang où elle est dit s’être rendue une dizaine de fois entre 2014 et 2019. Un tableau idyllique qui reprend point par point la propagande chinoise.
Selon Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, qui a fait les frais récemment des attaques de l’ambassadeur de Chine, le faux profil de Laurène Beaumond est apparu fin 2020. Sur Twitter, il a invité la journaliste à l’interviewer, si toutefois elle existe…