news-details
Insolite et Faits divers

Procès du 13-Novembre : le journal de bord d'un ex-otage du Bataclan, semaine 3

David Fritz-Goeppinger fait partie de la douzaine de personnes prises en otage par les terroristes au Bataclan. Photographe, il tient son journal de bord pendant toute la durée du procès des attentats du 13-Novembre. Le 13 novembre 2015, David Fritz-Goeppinger est au Bataclan lorsque la salle de concert est attaquée par trois hommes, armés de fusils d'assaut et de ceintures explosives. "Plus jamais de ma vie je n'oublierai ces visages", confie David. Pris en otage pendant deux heures et demie, il pense à chaque minute que son heure est venue. Jusqu'à l'assaut des policiers de la BRI. Cette nuit-là, les attaques coordonnées sur le Stade de France, des terrasses du 10e et 11e arrondissement de Paris et le Bataclan, font 130 morts, dont 90 dans la salle de concert, et plus de 400 blessés. Près de six ans plus tard, c'est le procès de ces attentats qui se tient à Paris. David Fritz-Goeppinger, aujourd'hui photographe, a accepté de partager via ce journal de bord son ressenti, en image et à l’écrit, durant les longs mois que va durer le procès historique de ces attentats du 13-Novembre qui ont marqué la France. Voici son récit de la troisième semaine. >> Le journal de la première semaine >> Le journal de la deuxième semaine La manifestation de la vérité Rue de Harlay, sur l'île de la Cité, où se situe le Palais de justice de Paris. (DAVID FRITZ-GOEPPINGER POUR FRANCEINFO) Vendredi 24 septembre. À mon arrivée rue du Harlay, je m’arrête un instant pour photographier la plaque de la rue. Combien de fois suis-je passé ici ces six dernières années ? Aujourd’hui et après deux experts, ce sera au tour de Sdat99* de reprendre sa place face à la cour pour exposer le volet des revendications après les attentats du 13 novembre. En imaginant ce qu’allait être ce procès, j’avais beaucoup de mal à trouver quelles étaient mes attentes exactes. Je me demandais même si j’allais avoir quelques réponses, ou si, à l'inverse, cela pouvait générer de nouvelles questions. Douze jours d'audience et je n'ai jamais autant appris de la procédure. Après l’écriture et la publication de mon livre, des détails de l’attentat ont lentement commencé à dériver vers un autre pan de ma mémoire, un pan moins vivant, plus inerte. Alors, pour mieux me souvenir, je note, je dessine et rature mon carnet, quitte à déchirer des pages, car je ne veux pas oublier ces moments clés de ma reconstruction et de l’expression de la justice. Certains détails qui étaient profondément enfouis dans ma mémoire refont surface et questionnent des éléments exposés par certains dépositaires. Comme cette image, qui peut sembler inintéressante mais qui me suit depuis l’attentat : les chargeurs étaient-ils bien scotchés entre eux ? Ou bien : qu’étaient ces fils et morceaux de plastique que je sentais entre mes doigts après l’explosion dans le couloir ? Les gilets étaient-ils jaune ? Ces exemples sont constitutifs de la mémoire de “mon” événement traumatique. Ce sont eux qui, in fine, existeront dans la manifestation la plus violente de celui-ci : le syndrome stress post-traumatique. Le SSPT (ou PTSD en anglais pour post-traumatic stress-disorder) est une sorte de déformation de la réalité à cause de l’événement traumatique, celui-ci s’invitant dans votre vie quotidienne avec différents symptômes : flashs, reviviscences, insomnies, cauchemars, anxiété aiguë, attaques de panique… L’une des trois auditions d’aujourd’hui est celle d’un expert en explosifs. Il vient parler des constatations sur les gilets portés par les terroristes sur les différents sites d’attentat. Derrière le président sont projetées les images de différents éléments plastiques qui semblent informes, mais l’expert les a tous identifiés. Diapositive après diapositive, il continue son rapport. Jusqu’à la projection d’une série de trois photos, dont une qui a davantage attiré mon attention. Sur la photo apparaissent des morceaux de plastique sur un sol foncé et peint, ainsi qu’un nœud de fils fondus avec en commentaire : Bataclan. J’ai, au fur et à mesure des années, tenté de comprendre et de trouver des réponses à travers le prisme de l’enquête et des témoignages d’autres victimes pour compléter mon propre schéma mémoriel. Mais la trame absolue de l’événement est pratiquement impossible à reconstruire, en grande partie à cause du stress que le cerveau a subi durant l’attentat. Un des seuls moyens d’y avoir accès d’une façon pratiquement intacte est de se pencher sur la procédure et ses constatations. Je regarde l’heure sur mon téléphone, il est temps de quitter la salle d’audience et Sdat99 pour aujourd’hui. Je descends les marches du Palais en ayant conscience que derrière moi se déroule sans doute l’épisode le plus important de ces six dernières années, celui de la manifestation de la vérité. *Lire semaine 1, lundi 13 septembre. David Fritz-Goeppinger. (FAO WARDSON)

You can share this post!