Piqûres dans des boîtes de nuit : cinq questions sur un phénomène qui fait l'objet de plusieurs enquêtes en France
Piqûres dans des boîtes de nuit : cinq questions sur un phénomène qui fait l'objet de plusieurs enquêtes en France
De nombreuses plaintes ont été déposées dans plusieurs villes. A ce stade, les résultats des analyses toxicologiques n'ont pas permis de déterminer si une substance nuisible avait été administrée.
La multiplication des signalements inquiète et interroge. Plusieurs enquêtes ont été ouvertes en France après de mystérieuses piqûres administrées à de jeunes noctambules, la plupart du temps en boîte de nuit. De nombreuses plaintes ont été déposées mais, à ce stade, aucun auteur n'a été identifié et les résultats des analyses toxicologiques se font attendre. Voici cinq questions qui se posent autour de ce phénomène.
Quels sont les lieux concernés jusqu'à présent ?
La plupart de ces piqûres sauvages ont été signalées dans des boîtes de nuit ces dernières semaines. C'est le cas, notamment, à Nantes (Loire-Atlantique), Rennes (Ile-et-Vilaine), Amiens (Picardie), Béziers (Hérault) et Grenoble (Isère). Dans cette ville, des cas ont été rapportés dans les établissements Le Marquee, le Lamartine et l'Alpha Club, mais également pendant un concert au Palais des sports.
Combien de procédures sont en cours ?
Au moins quatre enquêtes sont ouvertes dans différentes villes, pour une quarantaine de plaintes. Dix ont été déposées à Béziers, par des jeunes femmes et jeunes hommes qui affirment avoir été victimes de "piqûres" par un objet non identifié dans deux discothèques, les nuits du 6 au 7 avril et du 17 au 18 avril. Une trentaine de mains courantes ont également été enregistrées au commissariat de la ville, précise une source proche du dossier à l'AFP. Le parquet a ouvert une enquête de flagrance du chef "d'administration de substances nuisibles".
Celui de Nantes en a fait de même après 17 plaintes, sur 23 signalements de jeunes (20 femmes et 3 hommes âgés de 18 à 20 ans) ayant fréquenté huit établissements nocturnes de la ville entre le 16 février et le 13 mars. La qualification de "violence volontaire avec arme" a été ajoutée.
A Grenoble, cinq jeunes femmes et deux jeunes hommes ont également porté plainte. A Amiens, la police a ouvert une enquête après qu'une jeune femme de 23 ans a été hospitalisée après avoir reçu une piqûre au bras, rapporte France Bleu Picardie.
Quels sont les symptômes décrits par les plaignants ?
Ils font état de piqûres à différents endroits du corps (cuisses, fesses, hanches, chevilles, bras, épaule, dos), confirmées médicalement dans la majorité des cas, et décrivent peu ou prou les mêmes symptômes : bouffées de chaleur, nausées, malaises, pertes d'équilibre, fourmillements.
"C'était très douloureux", a témoigné auprès de l'AFP Noémie, 23 ans, touchée "à la cuisse, jusqu'au nerf sciatique" le week-end dernier à Béziers. La jeune femme affirme avoir été emmenée aux urgences par des amies après avoir fait un malaise, "les yeux révulsés". Elle dit aussi avoir été "paralysée du côté droit pendant deux jours". Zoé, une étudiante grenobloise de 20 ans, a "eu un voile noir d'un coup devant [ses] yeux". "J'ai perdu complètement ma vision. (...) Pendant la nuit, j'ai eu très mal à la fesse droite et à la jambe. Des douleurs comme après le vaccin du Covid", raconte-t-elle dans Le Parisien.
Quels sont les résultats des analyses pratiquées ?
A ce stade, la plupart des résultats des analyses toxicologiques pratiquées n'ont pas permis de déterminer si une substance nuisible avait été administrée. Mais par précaution, les personnes exposées ont reçu un traitement préventif post-exposition au VIH.
A Nantes, sur les 16 prélèvements effectués dans la foulée, sept premiers résultats étaient négatifs au GHB (surnommé la "drogue du violeur"), affirmait dans un point-presse mi-mars le procureur Renaud Gaudeul, précisant que les neuf autres échantillons devaient encore être analysés.
Dans cette ville, comme ailleurs, aucune "suspicion d'agression sexuelle" n'a été rapportée. A Grenoble, la mère d'une jeune fille de 18 ans hospitalisée après une sensation de piqûre assure toutefois au Dauphiné Libéré que sa fille a bien été droguée au GHB. Problème : "Les examens à réaliser pour rechercher les traces de GHB doivent être réalisés le plus précocement possible et en tout cas avant 8 (sang) ou 12 heures (urine)", précise le procureur de la République de Grenoble, Eric Vaillant.
Les victimes sont donc invitées à se manifester le plus vite possible auprès d'un commissariat ou d'un centre hospitalier pour procéder à des prélèvements urinaires et sanguins. A Nantes, une procédure spécifique de prélèvements a été mise en place en collaboration avec la direction départementale de la sécurité publique de Loire-Atlantique et le CHU de Nantes.
Quelles sont les pistes envisagées ?
Ni l'origine ni le mobile de ces piqûres n'ont été identifiés, pas plus que leurs auteurs. A Nantes, "aucune seringue n'a été trouvée sur place" ou vue sur les enregistrements de vidéosurveillance, a souligné le procureur Renaud Gaudeul, assurant que "les services de police sont extrêmement mobilisés et la surveillance dans les établissements renforcée". Un individu avait été placé en garde à vue fin février dans le cadre de cette enquête, mais il avait été libéré sans poursuite "après quelques heures".
"Même en l'absence d'administration d'une quelconque substance, l'auteur d'une piqûre dans de telles circonstances pourrait se voir reprocher le délit de 'violences avec arme', lui faisant encourir une peine de trois ans d'emprisonnement, même en l'absence d'incapacité totale de travail, et avec le même système d'aggravation des peines", a précisé dans un communiqué le procureur de Béziers, Raphaël Balland.
Une certaine psychose s'empare en tout cas du monde de la nuit, amplifiée par les témoignages sur les réseaux sociaux. Pour le procureur de Nantes, le nombre élevé de plaintes "peut aussi bien s'expliquer par une hausse réelle des faits que par les actions de sensibilisation fortes qui ont été menées par les services de police ces derniers jours, à Nantes, auprès des gérants d'établissements".