Messages de soutien, critiques acérées : les réactions à la nomination d’Élisabeth Borne
Félicitations et vœux de réussite se heurtent aux critiques frontales de l’opposition après la nomination, lundi, d’Élisabeth Borne à Matignon. Morceaux choisis des réactions des acteurs politiques français.
Lundi 16 mai 2022, à 18 h 19, un communiqué lapidaire émanant du palais de l’Élysée dévoile le nom d’Élisabeth Borne pour prendre la succession de Jean Castex à Matignon, mettant fin à plusieurs semaines de spéculation. La minute suivante, commentaires élogieux et critiques acerbes se multiplient à l’endroit de la nouvelle Première ministre sur les réseaux sociaux et dans les médias. "Technocrate", "froide", "polytechnicienne", "inflexible" : les responsables politiques de l’opposition n’ont pas manqué l’occasion de décocher quelques flèches en direction de la nouvelle recrue de la rue de Varenne, ciblant l’Élysée dans le même temps.
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Au petit jeu des phrases assassines, c’est au Parti communiste que l’on dégaine le plus vite. "Privatisation et mise en concurrence de la SNCF et de la RATP, réforme de l’assurance chômage au détriment de plus d’un million d’allocataires, fossoyeuse de Fessenheim : avec Élisabeth Borne, Macron a trouvé sa Mme Thatcher. La technocratie au service de l’argent roi", estime sur Twitter Fabien Roussel, député PCF du Nord et ancien candidat à la présidentielle.
Suivi de près par les Insoumis. "Élisabeth Borne à Matignon : en marche pour une guerre sociale sans borne", lâche Jean-Luc Mélenchon, le patron de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), également sur Twitter. "Ce n’est pas le CV et les engagements lointains de Madame Borne qui la caractérisent politiquement ?", raille pour sa part Adrien Quatennens, député de La France insoumise. "C’est son bilan comme ministre et ses intentions affichées aux côtés d’Emmanuel Macron : c'est-à-dire la retraite à 65 ans et le RSA sous conditions."
Une femme, oui, mais…
Sans surprise, Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, est tout aussi critique. "Point positif, une femme [Première ministre]. Pour le reste... Nomination de la ministre des Transports qui a démantelé le service public ferroviaire, de l'Écologie condamnée pour inaction climatique, du Travail qui a spolié les chômeurs avec la réforme de l'assurance chômage. #BorneOut", fustige-t-il sur Twitter.
Plus nuancé, Julien Bayou, secrétaire national d'Europe Écologie-Les Verts (EELV), estime, dans un communiqué, que les écologistes ne peuvent "que se réjouir de voir, pour la deuxième fois dans l'histoire de la Cinquième République, une femme accéder à Matignon". Mais "Élisabeth Borne, que ce soit en tant que ministre de l'Écologie ou ministre des Transports, a échoué à mettre la France sur la trajectoire nécessaire pour respecter l'accord de Paris. Elle partage, avec d'autres, la responsabilité de ces cinq ans de perdus pour le climat" et, "en tant que ministre du Travail, elle a perpétué une politique brutale à l'égard des personnes les plus vulnérables dans le pays".
Étonnamment, c’est de la présidente de droite de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, que vient le message le plus bienveillant à l’égard de la femme de gauche. L’ancienne candidate Les Républicains (LR) à la présidentielle lui a adressé sur Twitter "toutes [s]es félicitations républicaines", ajoutant qu’Élisabeth Borne a "incontestablement le parcours d'engagement nécessaire pour devenir la deuxième femme Premier ministre de notre pays. Je lui souhaite le meilleur pour la France."
"Tout changer pour ne rien changer"
La nouvelle cheffe du gouvernement peut aussi compter sur les transfuges LR passés en Macronie pour obtenir du soutien. Sur Twitter, Christian Estrosi, maire de Nice, assure que "la grande connaissance des territoires d'Élisabeth Borne sera précieuse à la conduite des affaires de notre pays. Dans ses responsabilités antérieures et dans ses cinq années au gouvernement, elle a su se montrer très à l'écoute des élus locaux. Je lui souhaite une pleine réussite." Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, pense aussi que "la nomination d'Élisabeth Borne à Matignon est une excellente nouvelle pour la France. Pendant cinq ans, sur les thématiques des transports, de l'environnement comme de l'emploi, j'ai pu mesurer sa compétence et son engagement pour la France."
Christian Jacob, patron de LR, se montre plus incisif. "Tout changer pour ne rien changer. Trois semaines de tergiversations et de petits arrangements, sans vision ni perspective. Avec la nomination d'Élisabeth Borne, on repart avec les mêmes." Et Nadine Morano, députée européenne LR, de lui emboîter le pas : "À gauche, aux ordres, et pas d'ombre au président... le profil idéal."
"Elle écoute mais elle n'entend pas"
À l’extrême droite, la désapprobation est unanime. "2022 sera donc l'année de la soumission à la gauche", fustige l’ancien candidat à la présidentielle de Reconquête!, Éric Zemmour. "Macron nomme à Matignon un Premier ministre de gauche. Mélenchon unit la gauche. Le Pen drague la gauche. LR se soumet à la gauche. Seul Reconquête! résiste et assume d'être le grand mouvement populaire de droite." Florian Philippot, patron des Patriotes, appelle déjà à la résistance : "Le passe sanitaire en entreprise et la possibilité de licencier le 'récalcitrant' ! Il va falloir être ultravigilants et mobilisés !"
Pas plus de complaisance à attendre des syndicats. La nouvelle Première ministre Élisabeth Borne "a un bilan qui est très négatif", juge le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, tout en saluant "le fait de donner toute leur place aux femmes" dans la vie politique. Sur la méthode, "elle écoute mais elle n'entend pas, elle est comme M. Macron", ajoute-t-il. "C'est elle qui a modifié l'assurance chômage", et "elle a toujours refusé de donner un coup de pouce au Smic", énumère-t-il encore, avant de conclure : "On peut venir de la gauche et avoir des réactions et des positions libérales, comme Manuel Valls ou Élisabeth Borne."
Même scepticisme des organisations non gouvernementales. "Que ce soit dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités qui s’est avérée décevante, la loi climat-énergie où elle a fait reculer de dix ans le délai accordé à la réduction du nucléaire dans le mix énergétique, ou encore son engagement (vain) à 'mettre en œuvre' les 146 mesures qui n’ont pas été retoquées par le président lui-même, Élisabeth Borne n’a pas brillé par des positions fortes et ambitieuses sur l’écologie. Sa nomination n’augure donc guère d’espoir de voir la France opérer sa transition écologique comme l’urgence climatique l’y oblige pourtant", souligne dans un communiqué Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.