L’union de la gauche, cette Arlésienne à laquelle plus grand monde ne croit
Les dirigeants des différents partis de gauche se réunissent, samedi, à l’initiative de Yannick Jadot qui avait lancé, fin mars, un appel à l’union en vue de l’élection présidentielle de 2022. Si les convergences ne manquent pas, beaucoup estiment que les ambitions personnelles et les logiques de partis risquent de prendre le pas sur l’ambition collective.
L'union de la gauche, le retour. La question revient tellement souvent au sein de cette famille politique depuis 2017, sans que les positions ne bougent réellement, que certains y voient une mauvaise blague. Un "running gag" que déplore un électorat de gauche qui appelle de ses vœux ses représentants à s'unir.
On doit le nouvel épisode de ce feuilleton à Yannick Jadot. L'éphémère candidat Europe Écologie-Les Verts à la présidentielle de 2017 – il s'était rangé derrière le candidat socialiste Benoît Hamon – et candidat putatif à la présidentielle de 2022 a invité, fin mars, les dirigeants de la gauche à se réunir pour parler programme commun et candidature unique.
Après plusieurs semaines de suspense, la réunion de la gauche aura bien lieu, samedi 17 mars, dans le 19e arrondissement, à Paris. "Dans un lieu qui ne porte aucun symbole et qui permet simplement de réunir 15 à 20 personnes dans le respect des protocoles sanitaires liés au Covid-19", indique l'entourage du député européen à France 24, qui préfère maintenir le secret jusqu'à la dernière minute sur le lieu et l'identité précise des participants.
Selon nos informations, l'ensemble des partis de gauche y sera représenté, avec un ou plusieurs représentants par parti, parmi lesquels Olivier Faure et Anne Hidalgo (Parti socialiste), Julien Bayou, Yannick Jadot, Éric Piolle et Sandrine Rousseau (Europe Écologie-Les Verts), Benoît Hamon (Génération.s), Éric Coquerel (La France insoumise), Ian Brossat (Parti communiste), Raphaël Glucksmann (Place publique) ou encore Guillaume Lacroix (Parti radical de gauche).
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Mais le grand absent de cette réunion sera Jean-Luc Mélenchon. Déjà candidat déclaré à la prochaine présidentielle, le leader de LFI effectue actuellement un déplacement en Amérique du Sud et se fera représenter samedi. Sa position est toutefois bien connue : l'Insoumis, qui considère être le mieux placé pour représenter la gauche face à Emmanuel Macron et Marine Le Pen, a affirmé, le 8 avril sur BFM TV, son refus de participer à un "numéro de claquettes pour dire 'plus unitaire que moi tu meurs'", réclamant avant tout de la réunion un "pacte de non-agression" et un front commun sur certains combats contre la droite et la "macronie".
"Redonner espoir aux électeurs de gauche"
Dans ces conditions, faut-il attendre quelque chose de cette réunion ? "Le but, ce sera, collectivement, de redonner un espoir aux électeurs de gauche, assure l'entourage de Yannick Jadot. Il faut qu'on se parle pour décider ensemble de ce qu'il est possible de faire."
Quatre pistes ont été dessinées : acter un pacte de non-agression – alors que les récentes polémiques sur la laïcité ou les réunions non-mixtes n'ont cessé de diviser la gauche –, lancer des actions communes sur des sujets où les convergences sont fortes, avancer sur un éventuel programme commun et, en dernier ressort, évoquer la possibilité d'une candidature commune en 2022.
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La logique arithmétique voudrait effectivement que la gauche s'entende. Les récents sondages la donnent largement distancée, quel que soit le scénario, par Emmanuel Macron et Marine Le Pen au premier tour. Selon le dernier sondage Ifop-Fiducial pour le Journal du Dimanche et Sud Radio, le total des voix de gauche plafonne à environ 25 %, Jean-Luc Mélenchon obtenant le meilleur score avec, en fonction des différentes configurations, entre 10 et 13,5 % des intentions de vote. Et même dans le cas d'une candidature commune PS-PCF-EELV, aucun autre candidat ne dépasse les 10 %. Pire, le sondage fait état d'une déroute de tout candidat de gauche dans un hypothétique second tour face à l'extrême droite.
"C'est une alerte suffisante pour que chacun comprenne que si nous ne faisons pas l'effort de nous comprendre, nous entendre, et surtout d'expliquer aux Françaises et aux Français qu'il y a une alternative à gauche, alors nous disparaîtrons les uns et les autres", a averti jeudi matin le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, sur Franceinfo.
D'autant que les points de convergence ne manquent pas. "Il y a beaucoup de choses qui peuvent nous rassembler : l'écologie, la lutte contre les inégalités, l'enjeu d'une redistribution fiscale, les questions de service public", a ainsi énuméré jeudi matin le secrétaire national d'EELV, Julien Bayou, sur LCI, qui souhaite pouvoir aboutir à "un contrat de gouvernement" avec les autres forces politiques de gauche.
"Une démarche personnelle de promotion de sa candidature"
À écouter ces dirigeants politiques, l'heure est donc venue pour eux de se retrouver. Et l'électorat de gauche pourrait être tenté d'y croire s'il n'avait pas déjà assisté à la même pièce de théâtre. En 2018, déjà, le mouvement Place publique s'était créé dans le but d'unir la gauche en vue des élections européennes de 2019. Des réunions avaient déjà été organisées, mais à l'époque, Yannick Jadot n'y avait pas participé, lorgnant davantage sur le centre que sur la gauche. Un accord a minima avait fini par aboutir entre le parti de Raphaël Glucksmann et le PS.
Deux ans plus tard, Yannick Jadot affiche un nouvel état d'esprit, tout comme Benoît Hamon, désormais hors-jeu politiquement depuis sa double déroute à la présidentielle de 2017 (6,36 % des voix) et aux européennes de 2019 (3,3 % des voix). "Mettons-nous d'accord sur nos désaccords et agrégeons ce qui nous réunit", écrit l'ancien ministre dans une tribune au Monde, publiée mercredi 14 avril.
Malgré ces appels et la bonne volonté affichée, c'est toutefois bien la défiance qui prédomine, chacun soupçonnant l'autre d'intentions cachées. Yannick Jadot, lui-même, est accusé d'avoir lancé cette initiative pour se placer au-dessus de son propre parti et éviter ainsi la case d'une primaire EELV incertaine – les Verts ayant l'habitude d'éliminer le supposé favori – qui se tiendra en septembre.
"Yannick est dans une démarche personnelle de promotion de sa candidature", tacle notamment l'ancien patron d'EELV, David Cormand, interrogé par l'AFP, qui n'attend rien de la "mise en scène" de samedi.
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Au-delà même des ambitions personnelles, les logiques de partis sont à l'œuvre. À la question de savoir si EELV pourrait se ranger derrière le candidat d'un autre parti de gauche, Julien Bayou a répondu par la négative jeudi matin sur LCI. "Ça, nous l'avons déjà fait, a-t-il dit. Aujourd'hui nous disons que ce doit être l'écologie la colonne vertébrale d'un rassemblement."
Et c'est encore la même approche politique qui pousse le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, à se présenter à la présidentielle. Élu à la tête du Parti communiste en 2018 sur la promesse d'une candidature autonome en 2022 – qui serait une première depuis 2007 –, le député du Nord, qui enverra Ian Brossat pour le représenter à la réunion de la gauche, assure que le retour au premier plan des idées portées par son parti ne peut passer que par une candidature à la présidentielle.
"Nous y allons nous-même sans illusion", a quant à lui déclaré, jeudi matin sur France Inter, le numéro 2 de LFI, Adrien Quatennens, au sujet de la réunion de samedi, considérant que "le principal problème de la gauche, ce n'est pas sa désunion, c'est sa faiblesse, sa capacité à faire circuler des idées nouvelles".