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Insolite et Faits divers

"Je ne l'ai jamais vu violent avec quiconque" : au procès du meurtre de Maëlys, le frère de Nordahl Lelandais livre un témoignage "très lisse"

Sven Lelandais a été entendu par la cour d'assises de l'Isère. Peu disert, il a pourtant éclairé à sa manière les jurés sur le mode de fonctionnement familial.  Il est passé à la barre après ce qu'Alain Jakubowicz a appelé "l'épure du témoignage". Sven Lelandais a été entendu en début d'après-midi devant la cour d'assises de l'Isère, mardi 1er février, au deuxième jour du procès de son frère Nordahl, jugé pour le meurtre de Maëlys de Araujo en août 2017. La cour venait d'entendre Fabien, un ancien ami de l'accusé. Ton franc, propos clair, celui-ci avait brossé le portrait d'un homme "resté sur le bord du chemin", menteur à ses heures, "intelligent dans la connerie" et qui ne dira jamais la vérité "à 100%". Malgré ce tableau peu flatteur, l'avocat de la défense l'avait félicité : "On ressent tous une profonde vérité dans ce que vous avez exprimé." Alors quand Sven Lelandais a commencé par ânonner "Nordahl, je ne l'ai jamais vu violent avec quiconque, c'est un travailleur", le contraste ne pouvait être que saisissant. "Après, ça reste mon frère", ajoute-t-il. Certains témoignages sont pourtant éloquents en creux. Celui du grand-frère de l'ancien maître-chien de 38 ans est de ceux-là. Cet homme brun de petite taille, de deux ans son aîné, est venu au tribunal contraint et forcé. Absent lors du procès pour le meurtre du caporal Arthur Noyer à Chambéry (Savoie), il a bien tenté de soustraire une nouvelle fois à l'exercice. La cour a insisté pour qu'il fasse le déplacement depuis la Haute-Savoie, où il a enfin décroché un emploi de saisonnier malgré "les affaires" et "son nom". Une succession de clichés Comme sa sœur la veille, Sven Lelandais parle du bout des lèvres, la voix éteinte, prêt à s'enfuir de cette salle d'audience. A propos de la jeunesse de Nordahl et leurs relations, Sven égrène une succession de clichés. A l'entendre, tout allait trop bien chez les Lelandais. "Une famille aimante, des copains, des copines, tout allait bien, il n'y avait pas de problème, zéro problème, la maman, le papa, la sœur…" A chaque question, Sven Lelandais dégaine une expression toute faite. "Chacun a ses défauts", dit-il au sujet de son frère. Invité à préciser, il marche sur des œufs : "Quand il a quelque chose en tête, il le garde. Mais sans animosité, sans accès de violence, moi, je l'ai toujours vu clean." Que dire du constat de sa sœur dans une conversation téléphonique avec leur mère, enregistrée ? "Il n'y en a pas un qui a une vie on va dire bien, avec un bon boulot. Il y a quelque chose qui a merdé", avait-elle lâché au sujet de la fratrie. "Moi j'appellerais ça le karma, il y en a qui ont une vie toute tracée et d'autres non", propose Sven Lelandais. Et l'absence du père ? "Le papa de chaque personne est le repère de tout le monde", récite le témoin, assurant que le paternel était bien présent le soir pour le dîner familial "à cinq". Sven Lelandais insiste : "Quand on était enfants, c'était un fleuve tranquille, même si l'école c'était pas vraiment notre truc." A l'adolescence alors ? "Rien de spécial." Les interrogations de la cour pour comprendre les éventuelles racines familiales qui ont nourri le parcours criminel de Nordahl Lelandais rebondissent sur un mur. Pour trouver de quoi le fissurer, la présidente doit aller fouiller dans le dossier. "C'est une pierre" Il y a cet échange de SMS entre les deux frères début août 2017, peu de temps avant le meurtre de Maëlys. Il y est question, en filigrane, de la jalousie de Sven à l'égard du petit dernier, chouchouté par la mère. "Nono" lui passe un savon : "Attends-toi à t'en prendre plein la gueule, je pense que tu me connais, t'as intérêt à fermer ta gueule et pas dire 'j'ai pas d'argent, j'ai pas de voiture' et faire la victime." "C'est pas une question de faire la victime, c'est juste de voir la différence qu'elle fait entre toi et moi", répond le grand frère. Aujourd'hui, il hausse les épaules. "C'était juste de la jalousie pure et simple, rien d'autre." Il remercie au passage son "frangin" de lui avoir "remis le pied à l'étrier" en le remettant à sa place. "Quand il parle, il y a de la sagesse", ose-t-il. Une qualité héritée, selon lui, de son passage à l'armée. Lors d'une de ses deux auditions par les enquêteurs, Sven Lelandais avait dit de Nordahl : "Il ne se confie pas à moi, c'est une pierre". Où est la pierre ici ? A la barre, dans le box ? "C'était après l'armée", justifie le témoin. Encore un chapelet de formules : "Ça l'a forgé. L'armée, ça forge un homme. Il était droit dans ses bottes." Le mutisme, une habitude familiale De l'"intelligence" de ce petit frère admiré, dont il avait dit, rappelle la présidente, qu'"il était né sous la bonne étoile", Sven Lelandais ne se souvient que de ses talents au sudoku, de ses "capacités physiques". Comme sa mère et sa sœur la veille, il ne comprend pas comment Nordahl Lelandais a pu en arriver là. Alors il pose une équation : "La drogue et l'alcool plus un problème psychologique, c'est pas bon. A partir de là, c'est parti en vrille." On n'en saura pas plus sur le "problème psychologique" en question, malgré les relances des avocats des parties civiles. Fabien Rajon, qui représente la mère et la sœur de Maëlys, pose la même question qu'aux témoins précédents : "Nordahl Lelandais peut-il vraiment dire la vérité ? Est-ce qu'il en a les ressources ?" Son frère "pense que oui, il peut le faire, il dira à tout le monde ce qu'il s'est passé". Son propre témoignage vient pourtant d'illustrer combien le mutisme est une habitude familiale chez les Lelandais. Sans regarder vers le box, il demande à son frère de "se soulager en disant ce qu'il a fait" et lui dit qu'il "l'aime". Derrière la vitre, sur le visage de Nordahl Lelandais, rien ne transparaît. L'accusé se montre plus ému quand deux de ses anciens amis l'interpellent à leur tour, comme au procès du meurtre du caporal Arthur Noyer. "Il t'est passé quoi par la tête quand t'a monté Maëlys dans la voiture, une pulsion sexuelle ? T'allais pas lui montrer les chiens, je sais que tu mens", lance Coralie. L'accusé fait non de la tête. "Pourquoi tu parles pas ? Les gens, ils te voient déjà comme un monstre, ce sera pas pire", tente-t-elle. Nordahl Lelandais se lève, la salle retient son souffle. "Je m'expliquerai par la suite, je vais parler", bredouille-t-il. Nazim, un autre de ses amis, lui tire quelques larmes lorsqu'il lui souhaite d'être "compris" à l'issue des trois semaines de procès. "Etre condamné et incompris serait encore plus dur", dit-il à celui qui fut "son pote". Silence dans le box. L'audience est suspendue.

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