Gironde : les écologistes ont-ils une responsabilité dans les incendies, comme l'affirment des internautes ?
Plusieurs messages partagés sur les réseaux sociaux mettent en cause les écologistes dans les incendies qui ravagent en ce moment les forêts de Gironde. À la Teste-de-Buch, les écologistes auraient "empêché des aménagements" voulus par les pompiers pour protéger la forêt. C'est en fait un peu plus compliqué que cela.
"Des 'écologistes' se félicitaient il y a un an d’avoir empêché les aménagements souhaités par les pompiers pour protéger la forêt de la Teste-de-Buch du feu. Aujourd'hui il n'y a plus de forêt." Voici l'un des messages partagés en ce moment sur Twitter a propos des incendies qui ravagent, entre autres, la forêt de la Teste-de-Buch, en Gironde. Des internautes dénoncent l'attitude des "écologistes" qui auraient selon eux des combats totalement contre productifs puisque la forêt est finalement partie en fumée. Sauf que la réalité est un peu plus complexe que cela.
La forêt de la Teste-de-Buch est en fait au coeur d'une bataille juridique depuis des années, car il ne s'agit pas d'une forêt comme les autres. C'est une forêt usagère, privée donc, mais surtout, la seule de France régie par des textes très vieux appelés "Baillettes et transactions", qui datent du Moyen-Age. Cette forêt appartient à une centaine de propriétaires qui ont des parcelles dessus, mais des "usagers" ont également des droits sur cette forêt et peuvent notamment obtenir du bois gratuitement. Quatre syndics sont en place pour gérer tout cela (deux représentant les propriétaires, deux représentant les usagers). Sauf qu'un conflit oppose propriétaires et usagers autour de l'interprétaion des textes du XVe siècle et ce qu'ils autorisent ou non.
Cette querelle a pris un tournant il y a deux ans lorsque l'un des propriétaires, par ailleurs président de l'Association syndicale libre de la forêt de la Teste, a déposé un plan de gestion pour que le droit forestier classique s'applique et obtenir le droit de pouvoir commercialiser son bois, décrivant par ailleurs une forêt "qui n'est plus entretenue depuis les années 80 avec la fin du gemmage". L'Addufu, l'Association de défense des droits d'usage et de la forêt usagère, s'y est opposée, soutenue par certains élus. La sénatrice écologiste Monique de Marco était effectivement du combat et a même posé une question au gouvernement à ce sujet l'été dernier. Mais elle n'est pas la seule. La presse locale rapporte quela députée En marchedu bassin d'Arcachon a également demandé à la ministre de ne pas donner son accord. Le maire LR de la Teste-de-Buch était également opposé à ce plan de gestion. C'était donc loin d'être seulement une opposition "d'écolos".
Le gouvernement a finalement commandé un rapport pour notamment "objectiver le cadre juridique opposable aux propriétaires forestiers et aux bénéficiaires du droit d'usage". Remis en janvier dernier, ce rapport reconnaît bien le droit des usagers de la forêt mais appelait également à adapter ce système. Il écrivait notamment qu'il fallait absolument permettre la réalisation de travaux de défense des incendies. Ils étaient bien prévus début 2021. Les pistes devaient être élargies pour faciliter le passage des engins de pompiers, mais ils ont pris du retard en raison d'une nouvelle opposition de l'Addufu. L'Association des usagers a saisi le Tribunal administratif, estimant que les fameuses règles du XVe siècle n'étaient pas respectées. La justice n'a pas donné raison à l'Addufu et la préfecture avait donc décider de lancer le chantier.
Dans un tract, l'association appelait à manifester le 13 juillet et précisait que l'Addufu s'était "toujours prononcée en faveur de la mise en sécurité de l’ensemble du massif par les moyens les plus appropriés et donc à l’abattage des arbres gênants, mais ne saurait laisser les Usagers se faire spolier de leur bien commun." Le feu s'est finalement invité avant.