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François Bayrou et Emmanuel Macron : "Je t’aime, moi non plus"

crise politique L’allié historique d’Emmanuel Macron, François Bayrou, a fait vaciller la majorité présidentielle mercredi soir en annonçant son refus d’entrer au gouvernement en raison d’un désaccord de fond "sur la politique à suivre". France 24 revient sur l’histoire mouvementée de leur relation politique. François Bayrou n’est pas content et il le fait savoir. Un épisode de plus dans la relation, faite de hauts et de bas, qu’il entretient depuis sept ans avec Emmanuel Macron. "Sans accord profond sur la politique à suivre, je ne pouvais pas accepter d'entrer au gouvernement", a-t-il fait savoir, dans la soirée du mercredi 7 février, à l’AFP, avant d’ajouter jeudi matin sur franceinfo une salve de critiques sur la "dérive" vers une "technocratie gestionnaire" de l’exécutif, selon lui très éloignée de la promesse de 2017 de "gouverner autrement". "Nous sommes membre à part entière de la majorité", a toutefois déclaré l'allié historique du président de la République, conscient qu’une bonne partie des cadres du MoDem souhaitent poursuivre l’aventure, en particulier les membres du gouvernement. Ces déclarations sont en tout cas venues perturber le remaniement. Alors que l’ajout d’une quinzaine de ministres délégués et secrétaires d’État était attendu, il pourrait finalement être de plus grande ampleur. Avec ou sans le MoDem ? Impossible à dire à l’heure actuelle, même si la relation qui unit François Bayrou et Emmanuel Macron en a déjà vu d’autres. Retour sur les moments clés de leur histoire commune. François Bayrou et Emmanuel Macron se rencontrent pour la première fois le 9 juillet 2016 à Pau, lors d’une étape du Tour de France. Le premier est alors maire de Pau et s’apprête à soutenir Alain Juppé dans le cadre de la primaire de la droite. Le second est encore ministre de l’Économie de François Hollande. La conversation est cordiale, mais on est loin du coup de foudre. Au contraire, François Bayrou est à la fois méfiant et sceptique à l’égard de ce jeune ambitieux qui n’a encore jamais pris part à la moindre élection. "Il y a là une tentative qui a déjà été faite plusieurs fois par plusieurs grands intérêts financiers et autres, qui ne se contentent pas d'avoir le pouvoir économique, mais qui veulent avoir le pouvoir politique", affirme deux mois plus tard l’ancien triple candidat à la présidentielle (2002, 2007, 2012) sur BFMTV. "Le projet de société qui est celui d’Emmanuel Macron (...), on le connaît bien, il est au fond infiniment proche de celui que Nicolas Sarkozy défendait en 2007", ajoute-t-il, le 11 septembre sur France Inter, soulignant s’être "affronté avec Nicolas Sarkozy en particulier sur les inégalités croissantes, la justification sur les milliardaires". Alain Juppé battu par François Fillon à la primaire de la droite et Emmanuel Macron devenu candidat, tous les regards sont tournés vers François Bayrou. Le patron du MoDem est tenté par une quatrième candidature à l’élection présidentielle, mais il sait que l’ancien ministre fait campagne au centre et que ce dernier espère son ralliement. Un rapprochement est entamé à l’automne par l’entremise du maire de Lyon de l’époque, Gérard Collomb, première personnalité socialiste d’envergure à soutenir Emmanuel Macron. Et le 22 février 2017, François Bayrou annonce lors d’une conférence de presse au siège de son parti proposer une alliance à Emmanuel Macron. "Jamais dans les 50 dernières années, la démocratie en France n’a connu une situation aussi décomposée. Cette situation nourrit le pire des risques, une flambée de l’extrême droite qui fait planer la menace d’un danger immédiat pour notre pays et pour l’Europe. Parce que le risque est immense, parce que les Français sont désorientés et souvent désespérés, j’ai décidé de faire à Emmanuel Macron une offre d’alliance. C’est sans doute un geste d’abnégation mais ce sera aussi, je le crois, un geste d’espoir pour notre pays", déclare-t-il ce jour-là. Les deux hommes s’entendent pour faire de la probité, avec une grande loi de moralisation de la vie politique, l’un des axes majeurs de la candidature d’Emmanuel Macron. C’est un tournant dans la campagne. Le candidat centriste prend plusieurs points dans les sondages et s’installe pour de bon dans le duo de tête. Il sera élu le 7 mai 2017. L’idylle connaît toutefois un premier accroc au moment de négocier la liste des candidats aux élections législatives de juin 2017. La présentation des candidats à la presse, le 11 mai, est retardée de plusieurs heures en raison d’une énorme colère de François Bayrou, qui vient de découvrir que les cadres d’En Marche n’ont pas respecté l’accord qu’il assure avoir avec le président : seulement une quarantaine de circonscriptions sont alors réservées au MoDem au lieu des quelque 140 qui lui avaient été promises. La tension est telle que le 14 mai, en pleine cérémonie d’investiture d’Emmanuel Macron à l’Élysée, François Bayrou et Richard Ferrand, alors secrétaire général d’En Marche, en viennent presque aux mains. Le différend est réglé le lendemain : le MoDem obtient finalement 80 circonscriptions. Et au soir du second tour des législatives, le 18 juin 2017, 42 candidats du parti de François Bayrou sont élus députés. François Bayrou fait son entrée au gouvernement le 17 mai 2017 à la Justice comme ministre d’État, un titre symbolique qui témoigne de son importance au sein de la majorité présidentielle et de son rôle décisif dans l’élection d’Emmanuel Macron. Mais le nouveau ministre a tout juste le temps de lancer son projet de loi sur la moralisation de la vie politique, puisqu’il annonce le 21 juin son départ du gouvernement en raison de l’enquête préliminaire ouverte le 9 juin par le parquet de Paris sur les emplois fictifs des assistants parlementaires du MoDem au Parlement européen – le tribunal correctionnel de Paris a condamné le parti et plusieurs eurodéputés, lundi 5 février dernier, mais a relaxé François Bayrou, faute de preuve ; le parquet a annoncé jeudi son intention de faire appel du jugement. C’est la fin de l’état de grâce pour François Bayrou qui pensait alors jouer un rôle majeur dans le quinquennat d’Emmanuel Macron, à la fois en occupant le devant de la scène médiatique et en jouant un rôle de proche conseiller du chef de l’État. En retrait dans sa ville de Pau, François Bayrou continue malgré tout d’intervenir dans le débat public lorsqu’il est en désaccord avec Emmanuel Macron. Il fait ainsi entendre une musique différente sur certains dossiers comme la hausse de la CSG et la réforme de l’ISF. Il met également en garde le président de la République au début de la crise des Gilets jaunes. "À un moment, on ne peut pas gouverner contre le peuple et il faut de ce point de vue-là ne pas ajouter des charges aux charges", affirme-t-il sur Europe 1 le 30 novembre 2018. "Il ne peut pas y avoir, en cette première partie du XXIe siècle, de projet politique qui ne soit pas en même temps un projet qui prenne en compte l’attente sociale", ajoute-t-il. Des critiques qui agacent le Premier ministre Édouard Philippe, dont le gouvernement comporte malgré tout deux ministres MoDem avec Jacqueline Gourault et Geneviève Darrieussecq. François Bayrou est nommé en septembre 2020 haut-commissaire au plan. Une fonction bénévole qui lui offre un retour sur la scène politique nationale. À ce titre, il se permet plus ou moins régulièrement de donner son avis sur les décisions politiques prises désormais par Jean Castex. Au total, relève Le Monde, François Bayrou effectue plus de 35 passages médiatiques au cours de l’année 2021 lors desquels il est davantage question de sujets d’actualité que de planification. En toute logique, le patron du MoDem soutient à nouveau Emmanuel Macron lors de la présidentielle de 2022. Son parti est même conforté au sein de la majorité avec 48 députés élus en juin et quatre membres au sein du gouvernement d’Élisabeth Borne, dont le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau. Nommé en septembre 2022 secrétaire général du Conseil national de la refondation (CNR), il reprend ses habitudes de commentateur de l’actualité envoyant des mises en garde au chef de l’État. "Je suis opposé au passage en force" sur la réforme des retraites, affirme-t-il notamment quelques jours plus tard dans Le Parisien. Un rôle qu'il continuait de jouer encore très récemment. Après avoir ferraillé contre la nomination de Catherine Vautrin à Matignon au printemps 2022, c’est également lui qui pèse de tout son poids, début janvier 2024, pour empêcher la nomination comme Premier ministre de Sébastien Lecornu. Compte-t-il désormais critiquer encore plus vivement les choix d’Emmanuel Macron jusqu’en 2027 ? Se voit-il candidat à l’élection présidentielle dans trois ans ? "Je n’ai jamais renoncé à aucun des devoirs qui sont les miens", a-t-il déclaré jeudi matin sur franceinfo, jugeant que "l’enjeu de 2027, c’est précisément qu'on arrive à réconcilier la France qui se bat en bas avec la France qui décide en haut".

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