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Insolite et Faits divers

Enfants maltraités dans le Pas-de-Calais : ce que l'on sait de l'affaire dans laquelle le gouvernement a demandé une enquête administrative

Deux enfants de deux et cinq ans "attachés à des chaises hautes, pour qu'ils ne bougent pas", dans un "état d'hygiène déplorable". C'est ce que des policiers ont découvert le 30 août en pénétrant dans un logement de Noyelles-sous-Lens (Pas-de-Calais), selon les informations données lundi 5 septembre par le parquet de Béthune. Ces deux enfants font partie d'une fratrie de dix, âgés de quatre mois à 24 ans. A l'issue de l'intervention de la police, cinq d'entre eux, mineurs, ont été placés, et leurs parents, interpellés et placés sous contrôle judiciaire, seront jugés début 2023. Franceinfo résume ce que l'on sait de cette affaire révélée par la presse locale et dans laquelle le gouvernement a demandé une enquête administrative. L'alerte donnée par l'un des aînés C'est l'appel aux services sociaux d'un des aînés de la fratrie qui a aiguillé la justice. Le parquet est saisi, des officiers se rendent au logement de la famille et découvrent les enfants dans un "état d'hygiène déplorable", décrit le procureur de la République de Béthune. "On a affaire à des manquements certains, des manques d'hygiène, des carences éducatives", a souligné Thierry Dran, lundi, à l'issue d'une table ronde sur ce dossier. Il a toutefois tenu à nuancer : "On n'a pas d'enfants couverts d'excréments comme j'ai pu le lire partout". Le qualificatif de "maison de l'horreur", vu dans la presse, est, pour lui, "tout à fait exagéré". Ce n'est pas l'avis de Bryan, 21 ans, qui a donné l'alerte et porté plainte contre ses parents. "Maison de l'horreur, c'est encore pour moi un petit mot", a-t-il déclaré à BFMTV, face caméra, mercredi. "La justice ne répond pas, une nouvelle fois, présent", a-t-il affirmé, mardi soir, en larmes, toujours sur BFMTV, se disant "choqué" par les propos du procureur. Alors que ce dernier assure qu'il n'y a pas "de traces de coups sur les enfants", Bryan parle au contraire de "coups de bâton, de fouet, de raquette, de balai". Il affirme que ses petits frères ou sœurs étaient attachés "23 heures sur 24" dans leurs chaises hautes ou leurs poussettes. "Aujourd'hui, j'ai une petite fille de 20 mois : je vois que ce n'est pas comme ça qu'on élève un enfant. Quand elle n'est pas sage (...) on ne la punit pas en l'obligeant à rester trois à quatre heures sur les genoux à même le sol", témoigne auprès de Libération Bryan, qui a lui-même été condamné plusieurs fois pour des faits de violence, notamment en 2020, selon La Voix du Nord. Son grand frère, l'aîné de la fratrie, affirme au quotidien avoir été maltraité par ses parents car homosexuel : "Je subissais du harcèlement physique et moral et des insultes homophobes parce que je suis gay..." "Quand ils ont mis mon frère aîné dehors, ma petite sœur de 5 ans est née", se souvient Bryan, qui soutient que ses parents ont fait des enfants "pour avoir assez d’argent pour profiter, s’acheter le dernier téléphone et ne pas avoir besoin de travailler". "Ce sont des enfants qui vivaient à la maison et dont ils assument le coût", contredit dans Libération l'avocat du père. "Les violences décrites par les fils ne sont pas de cette intensité. Des fois, il y avait une baffe qui volait par rapport au comportement dur d'un enfant, mais pas de sévices", défend encore Bertrand Henne. Des enfants placés, les parents bientôt jugés A l'issue de l'intervention des services de police, les enfants mineurs de la fratrie ont été placés "auprès d'une association commune dans des établissements en fonction de leur âge", a détaillé la secrétaire d'Etat chargée de l'Enfance, Charlotte Caubel, qui s'est exprimée à l'issue de la table ronde, aux côtés du procureur. Le plus âgé devrait les rejoindre et le bébé a été placé auprès d'une famille d'accueil, "compte tenu de ses besoins spécifiques". "Les enfants sont en sécurité", a-t-elle souligné. Leurs parents, un homme de 44 ans et une femme de 40 ans, ont été interpellés le 30 août. Placés sous contrôle judiciaire, ils doivent être jugés le 24 janvier 2023 pour carences éducatives graves et "violences sur mineur de 15 ans par ascendant" sans ITT (incapacité totale de travail). Selon le parquet de Béthune, ils encourent jusqu'à trois ans de prison et 30 000 euros d'amende. Des "défaillances" dans le suivi des enfants La secrétaire d'Etat explique que la famille était "connue" des services sociaux depuis un premier signalement en 2013. Elle "était suivie par un certain nombre d'acteurs depuis plusieurs années", a précisé Charlotte Caubel. Mais "on ne voyait pas nécessairement la logique entière de la famille", a-t-elle souligné. "Il y a eu des signalements qui se sont révélés d'année en année", notamment de l'Education nationale, "qui n'ont pas nécessairement été recoupés". Charlotte Caubel a pointé du doigt des "défaillances" dans la "coordination et l'échange d'information" entre les services. La famille "était parfois très coopérante, parfois pas du tout", a insisté la secrétaire d'Etat. "Quand elle avait une visite des services sociaux, elle mettait peut-être en ordre sa maison avec bonne volonté, ou, consciemment, pour cacher sa réalité", a-t-elle relevé, en parlant de "maltraitance au long cours". "Il n'y avait aucune visite surprise, a affirmé Bryan sur BFM. [Nos parents] savaient comment organiser tout ça. Ils s'arrangeaient toujours pour nous embobiner le cerveau, pour nous dire qu'on allait être en famille d'accueil, que là-bas, c'était pas joli." "On répondait que ça se passait bien, mais une fois qu'ils refermaient la porte, ça recommençait", a-t-il ajouté. Une enquête administrative lancée La secrétaire d'Etat chargée de l'Enfance a annoncé l'ouverture d'une enquête administrative afin de "décrypter" pourquoi "les inspections des affaires sociales, de la justice et de l'éducation nationale, aux côtés du département" ont "donné lieu à une réaction si tardive". Les investigations dureront "le temps qu'il faudra", précise-t-on à franceinfo. Outre l'enquête administrative, le gouvernement a proposé de mettre en place un "comité de suivi renforcé", qui implique tous les acteurs du département. Cette expérimentation est autorisée par une loi de février 2022. Il doit permettre d'améliorer la "coordination" et "l'échange d'informations" entre les différents acteurs de la protection de l'enfance dans le Pas-de-Calais, où le taux de pauvreté dépasse 19%. Un "territoire très particulier, avec un certain nombre de familles en situation difficile, de pauvreté", a déploré Charlotte Caubel.

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