Crèche People & Baby à Lyon : ce que révèlent les premiers éléments de l'enquête sur l'empoisonnement mortel d'un bébé
Après la mort par empoisonnement de Lisa, une petite fille de 11 mois à Lyon dans une crèche du groupe People & Baby le 22 juin dernier, une employée, Myriam J., a été mise en examen pour homicide volontaire et détenue provisoirement à la prison de Lyon Corbas. Franceinfo a eu accès aux premiers éléments de l'enquête.
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Tout s'est passé en très peu de temps, vers 8 heures, à l'ouverture de la crèche. Myriam J., l'employée de 27 ans, accueille seule la fillette, déposée par son père. L'enfant, qui pleure, rampe vers Myriam J. en train de faire le ménage dans une pièce voisine et lui agrippe la jambe. L'employée lui fait alors ingérer du Destop, un produit déboucheur, avant de retourner travailler. À l'arrivée de deux mamans quelques minutes plus tard, Myriam J., paniquée, les entraîne jusqu'au bébé qui convulse. Emmenée à l'hôpital Femme Mère Enfant (HFME) de Bron, elle décède vers midi ce même jour.
Myriam J. continue à travailler jusqu'à 14 heures, avant de quitter la crèche. Les policiers qui se rendent à son domicile sont reçus par sa mère. Quand celle-ci appelle sa fille, Myriam J. erre dans le parc de la Tête d'Or. Sur son portable, elle tape les mots clés "ingestion de produit déboucheur + toilette + avale + par + un + enfant". Elle est ensuite interpellée par la police et placée en garde à vue.
Elle finit par avouer aux enquêteurs
Myriam J. fait des aveux en trois temps. Elle parle d'abord d'un accident : l'enfant aurait avalé de la gouache, et se serait empoisonné avec. Puis elle dit avoir tenté de nettoyer la peinture sur le visage de l'enfant avec le Destop de peur d'être réprimandée.
Enfin, lors de sa deuxième audition, "plus volubile" selon les policiers, Myriam J. reconnaît avoir "pété un plomb" selon ses propres mots. Elle avoue avoir fait ingérer volontairement du "déboucheur WC" à Lisa, sans penser aux conséquences et surtout, sans intention de lui donner la mort. C'est ce qu'elle maintient toujours aujourd'hui. La puéricultrice voulait finir son travail de nettoyage, explique-t-elle. Enfin, lors de ses auditions, Myriam J. met en avant sa fatigue la veille du drame, sa dispute au téléphone avec son petit ami en détention provisoire depuis novembre. Elle fait part enfin d'une fausse couche intervenue trois semaines avant les faits.
Pas d'antécédents judiciaires
Selon le parquet de Lyon, elle n'a pas d'antécédents judiciaires. La directrice et les employées ont expliqué n'avoir rien à signaler sur son comportement, tout juste un manque d'expérience sur l'organisation des activités avec les petits. Elle avait récemment suivi une formation de protection à l'enfance, selon People & Baby. Mais d'après les témoignages recueillis par franceinfo de plusieurs puéricultrices en poste dans d'autres crèches du groupe, cette formation ne dure pas plus d'une demi-heure, dont 5 minutes de présentation, avec la diffusion d'une vidéo et la mise à disposition de quelques liens à consulter.
Toutefois, des parents ont révélé aux enquêteurs avoir retrouvé en avril des lésions dans la bouche de leur fils et des traces écarlates sur le haut du corps, photos à l'appui, après qu'il ait été confié à Myriam J. lors de la sieste. Ce jour-là, une auxiliaire puéricultrice avait été alertée par les cris du bébé, retrouvé dans les bras de Myriam J.. Le médecin de la famille n'a pas su dire d'où venaient ces lésions, s'il s'agissait d'une maladie cutanée, comme de l'urticaire. Toujours est-il que le petit garçon s'est mis par la suite à desquamer, en d'autres mots il a perdu de nombreuses peaux mortes dans la bouche. De son côté, l'avocat de l'employée, Maître Philippe Duplan, décrit une jeune femme "immature" et veut prouver que sa cliente n'a pas eu l'intention de tuer la fillette.
Quelques minutes après le drame, Myriam J. a confié à une de ses collègues qui venait d'arriver : "Ce qui est arrivé est grave, on va me licencier, je vais être punie". Reste des questions auxquelles l'enquête devra répondre : que faisait une bouteille de destop dans la crèche, alors que la directrice de l'établissement a expliqué aux enquêteurs qu'il n'y avait que des produits d'entretien à base de sel ? Un bidon de javel et un produit de marque Destop ont pourtant été saisis par la police dans la structure. La justice devra aussi déterminer si Myriam J. a tué volontairement ou involontairement la fillette. La jeune femme risque 30 ans de réclusion criminelle pour homicide volontaire sur mineur de 15 ans.