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Mort de Nahel : ce que révèlent les premiers éléments de l’enquête

Retour sur les faits Alors que la cour d'appel de Versailles a confirmé, jeudi, le maintien en détention provisoire du policier de 38 ans qui a tué Nahel le 27 juin à Nanterre, les journaux Le Monde et Le Parisien révèlent dans le même temps de nouveaux éléments de l’enquête. Une image tirée de la vidéo montrant les deux policiers quelques instants avant le tir de l'un d'entre eux sur Nahel, le 27 juin 2023. On y voit un peu plus clair sur les circonstances de la mort de Nahel, tué par un policier le 27 juin à Nanterre, après un refus d'obtempérer. Plusieurs documents révélés par la presse mettent en lumière une série d’éléments déterminants pour l’enquête. Le Monde, qui s’est procuré un réquisitoire daté de mercredi 5 juillet émanant du parquet général de Versailles, et Le Parisien, qui a eu accès à un compte-rendu des déclarations de l'agent mis en examen auprès de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), retracent par le menu les circonstances de la funeste matinée au cours de laquelle le conducteur de 17 ans a perdu la vie. Les deux documents reviennent tout d’abord sur les circonstances qui ont conduit les deux policiers motorisés à prendre en chasse le jeune conducteur. Quelques minutes avant la mort de Nahel, le brigadier de 38 ans – qui précise en être à "son neuvième jour de travail consécutif" – relate dans le rapport être sorti à 8 h du commissariat de Nanterre à bord de sa moto, accompagné de son collègue de la Compagnie territoriale de circulation et de sécurité routière des Hauts-de-Seine. Ensemble, ils repèrent une Mercedes "dont le moteur vrombissait et qui circulait dans la voie de bus", détaille le compte-rendu dont la rédaction du Parisien a pris connaissance. Au guidon de leur deux-roues, les deux policiers prennent en chasse le chauffard. Florian, le brigadier de 38 ans qui a porté le coup fatal, se positionne côté passager, sirène et gyrophares actionnés. Dans la version qu'il livre aux inspecteurs de l’IGPN, le policier demande au conducteur de la voiture de sport jaune et à ses deux passagers de se ranger pour procéder à un contrôle. Des sommations ignorées par le conducteur qui repart, selon le policier, "à pleine vitesse".  "Jusqu’à 80 ou 100 km/h", précise dans son témoignage le second gardien de la paix à l’IGPN. Dans le réquisitoire du parquet général de Versailles daté du 5 juillet que Le Monde a pu consulter, le procureur Jean-Louis Bernadeaux souligne, après examen de la vidéosurveillance, que le véhicule a "failli percuter un cycliste, tandis qu’un piéton engagé sur un passage protégé [a] dû faire demi-tour en courant pour éviter d’être percuté". La Mercedes aurait en outre "roulé plusieurs fois à contresens". Florian assure pour sa part que le conducteur aurait fait une embardée vers son collègue lors de sa fuite. Alors que la Mercedes est bloquée par d’autres véhicules quelques centaines de mètres plus loin, à proximité de la place Nelson-Mandela, les deux policiers mettent pied à terre. Les motos posées sur leur béquille, ils se postent côté avant-gauche du capot du véhicule, pistolet automatique Sig Sauer au poing. Ils relèvent la visière de leur casque et s’adressent aux occupants de la voiture. Premier élément d’importance : lors de son audition par l’IGPN, l’auteur du tir a assuré avoir hurlé au conducteur de 17 ans de couper le contact, rapporte Le Parisien. Autre révélation du quotidien régional, l’auteur du tir mortel contre Nahel a nié devant l'IGPN avoir prononcé la phrase "tu vas prendre une balle dans la tête". Après étude d'une vidéo filmée par un témoin et largement diffusée sur les réseaux sociaux, l'IGPN explique entendre un des deux policiers crier "Coupe ! Coupe !" Ces dernières retranscriptions mettent à mal la version selon laquelle le policier aurait crié "Shoote ! Shoote !", comme l’ont interprété certains. Selon Le Parisien, le rapport fait état d'une autre voix, "pouvant être attribuée" au collègue de Florian, ayant bien bien crié "Tu vas prendre une balle dans la tête". Avant de justifier son geste – le premier et unique coup de feu de sa carrière –, le policier a d’abord cherché auprès des enquêteurs à rappeler que son intention première n’était pas de tirer, ni de "viser le haut du corps mais le bas" dans le cas où les circonstances s’envenimeraient. Le brigadier reconnaît ensuite avoir frappé le pare-brise "afin d'attirer l'attention du conducteur". Une version contredite par l’un des deux passagers, qui évoque des coups de crosse directement portés contre Nahel. À ce stade, le gardien de la paix explique que le conducteur "avait fait avancer et reculer le véhicule". Un détail qui ne semble pas être corroboré par la vidéo. "Déstabilisé par l’accélération du véhicule", le policier finit par ouvrir le feu, craignant d’être écrasé contre le muret qui se trouve derrière lui. Son intention est aussi de protéger son collègue qui, selon lui, manquait d’être "embarqué" par le véhicule. Il a en effet préalablement assuré aux enquêteurs que son collègue avait passé "le haut de son corps dans l’habitacle, vraisemblablement pour essayer de maîtriser le conducteur ou pour tenter d’appuyer sur le bouton stop du contact", selon Le Parisien. De son côté, le collègue de Florian a rapporté, lors d’une confrontation organisée entre les deux hommes par l’IGPN, qu’il n’avait que son bras dans l’habitacle. "Il a par ailleurs assuré que Nahel avait bien, après 10 à 15 secondes, coupé le contact du véhicule. L’adolescent aurait toutefois ensuite replacé sa main sur le volant puis activé le levier de vitesse de sa voiture", poursuit Le Parisien. Une fois le tir du policier parti, le rapport souligne après examen de la vidéo que l’on entend encore cinq ou six coups de klaxon et un vrombissement de moteur. L’autopsie a indiqué de son côté que la balle qui a touché Nahel a d’abord transpercé le pare-brise puis le poignet de l’adolescent avant d’atteindre son thorax. Les rapports d’enquête décrivent enfin une ambiance particulièrement tendue quelques minutes après le tir mortel. Au moment de la sécurisation des lieux, rapporte Le Monde, des "jeunes hostiles" et des "proches de la victime" sont présents et s’en prennent verbalement au policier. "Tu vas plus vivre tranquille, frère", lance notamment un ambulancier, dans une séquence également filmée et devenue elle aussi virale. L’homme, jugé en comparution immédiate deux jours après les faits, a été condamné pour outrage, sans aucune peine, en raison du contexte de sidération générale. "Les deux policiers, ils vont pas sortir (…). Je les attendrai. J’ai des copains qui travaillent au dépôt", aurait par ailleurs lâché la grand-mère de Nahel, également présente. "Il y a un terroriste qui va tous les attraper, Inch’Allah, un terroriste qui va tous les massacrer." La dame a appelé au calme les jours suivants. Jusqu’à ce 27 juin, Florian, 38 ans, n’avait jamais posé le moindre problème dans la police. Au contraire, en janvier 2020, il reçoit – comme des centaines d’autres policiers du reste – la médaille de la sécurité intérieure (échelon bronze) des mains de Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur. Puis, en mai 2021, il est également décoré de la médaille de bronze pour "actes de courage et de dévouement" de la part de Didier Lallement, préfet de police de Paris à cette époque. Seul élément équivoque de son parcours, son passage par la Brav-M. Avant d’appartenir à la compagnie motocycliste des Hauts-de-Seine, le motard est aussi passé par ce service de police contesté pour certaines de ses méthodes jugées violentes par ses détracteurs. D’abord mis en examen pour homicide volontaire puis écroué le 29 juin, le brigadier s’est vu confirmer jeudi son maintien en détention provisoire par le parquet de Versailles. Une situation "totalement désespérante" pour lui, a estimé son avocat, Me Laurent-Franck Liénard, qui a évoqué sur BFMTV une nouvelle "cauchemardesque". "Il garde espoir, il va continuer à se battre mais est-ce qu'il en aura encore l'énergie ?", a-t-il ajouté. Le procureur général près la cour d'appel de Versailles a par ailleurs rejeté une requête en dépaysement déposée par Me Yassine Bouzrou, avocat de la famille de Nahel, qui visait à transférer le dossier, instruit à Nanterre, à une autre juridiction.

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