Covid-19 : la fin des restrictions sanitaires arrive-t-elle trop tôt en France ?
La levée de la quasi-totalité des restrictions sanitaires, dont le port du masque en intérieur, est prévue le lundi 14 mars en France.
Après une baisse continue au mois de février, le nombre de contaminations repart à la hausse depuis plusieurs jours. Une reprise épidémique qui pourrait s'accélérer avec la levée lundi de la quasi-totalité des restrictions sanitaires en France.
Entre l'invasion russe de l'Ukraine et la campagne présidentielle, c'est une actualité que l'on aurait presque oubliée. Pourtant, le Covid-19 est toujours là. Selon les données publiées mercredi 9 mars par Santé publique France, le pays a enregistré en 24 heures 69 190 nouveaux cas, soit une hausse de 20 % par rapport à mercredi dernier.
Dans le détail, l'ensemble du territoire n'est pas logé à la même enseigne, explique Guillaume Rozier, le fondateur du site CovidTracker. "Le nombre de cas positifs repart à la hausse, surtout au nord du pays, et sur le pourtour méditerranéen. Cela correspond approximativement à la Zone B, dont la rentrée était la plus précoce", précise le spécialiste des données de santé.
En effet, avec la fin des vacances scolaires, les brassages de populations reprennent dans les écoles et le taux d'incidence augmente chez les plus jeunes. Certains épidémiologistes avancent également un possible relâchement dans l'application des gestes barrières.
Par ailleurs, la percée du sous-lignage BA.2 du variant Omicron pourrait jouer un rôle dans cette augmentation du nombre de cas. Selon les premières études scientifiques, il serait 30 % plus contagieux que son cousin, le sous variant B.A.1.
Ce rebond de l'épidémie n'est pas constatée qu'en France : une situation similaire est observée en Allemagne, aux Pays-Bas ou encore au Royaume-Uni.
Le recul des indicateurs marque le pas
Pourtant, le gouvernement français, à l'image d'autres pays européens, compte bien maintenir son calendrier de levée des mesures contre le Covid-19.
Dès lundi, la quasi-totalité des restrictions vont ainsi disparaître en France : exit le passe vaccinal, le port du masque en intérieur ainsi qu'une majeure partie des protocoles sanitaires à l'école et en entreprise. Les restrictions sanitaires, comme le port du masque obligatoire, ne resteront en vigueur que dans les transports, les hôpitaux et les maisons de retraite.
"Le ministre français de la Santé avait déclaré il y a quelques semaines que la levée des mesures reposerait sur des indicateurs sanitaires qu'il avait détaillés. Il semble que les tenants du calendrier l'ait emporté au gouvernement !", pointe Antoine Flahaut. L'épidémiologiste suisse fait ici référence aux conditions fixées par Olivier Véran à la fin du mois de février pour valider la levée des restrictions. Le ministre de la Santé avait notamment évoqué "un taux d'incidence entre 300 et 500 maximum". Or il dépasse actuellement les 546, selon les données de Santé publique France.
Quant au nombre de patients en réanimation, il devait se situer sous la barre des 1 500. Là encore, le compte n'y est pas. Le nombre de personnes hospitalisées en réanimation pour Covid-19 vient tout juste de passer sous la barre des 2 000. Un chiffre qui n'a certes jamais été aussi bas depuis le 2 décembre 2021, mais encore au-dessus des objectifs du gouvernement.
"Un intérêt politique, pas sanitaire"
Selon le médecin généraliste, président du Syndicat de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, joint par France 24, cette levée quasi totale des restrictions, en particulier la fin de l'interdiction du port du masque en intérieur, intervient au mauvais moment.
"Ça ne me gênerait pas si nous étions dans une dynamique baissière. Mais force est de constater que ce n'est pas le cas. Surtout, la fin du port du masque ne s'accompagne d'aucune politique pour renouveler l'air en intérieur et éviter la concentration virale dans les établissements recevant du public. En pleine campagne présidentielle, l'intérêt est ici politique, et non sanitaire", estime le président du Syndicat de l'Union française pour une médecine libre (UFML).
La pression hospitalière, en baisse depuis plusieurs semaines en France, pourrait donc repartir à la hausse, à l'image du Royaume-Uni qui connaît actuellement une augmentation du nombre d'hospitalisations.
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Toutefois, la large couverture vaccinale de la population française, les infections naturelles et l'arrivée du printemps devraient permettre de limiter les conséquences de ce rebond épidémique sur les hôpitaux. "À chaque nouvelle poussée, la configuration est différente, car les gens sont mieux vaccinés, connaissent mieux la maladie et savent mieux s'organiser", explique Jérôme Marty. "Le problème c'est qu'il y a encore cinq millions de non-vaccinés et 300 000 personnes immunodéprimées", insiste le médecin.
Novavax disponible aux Antilles
L'inquiétude est particulièrement forte en Guadeloupe où le taux de positivité est repassé cette semaine au-dessus du seuil d'alerte. Les autorités ont donc appelé mercredi la population de l'île à se faire vacciner avec Novavax. Ce nouveau vaccin a été déployé prioritairement en Martinique et en Guadeloupe. Il est censé permettre de convaincre les réfractaires aux vaccins ARN messager et d'accroître une couverture vaccinale encore très insuffisante aux Antilles.
En Guadeloupe, 45 % de la population a reçu une première dose, 43 % une seconde, et seulement 22,5 % dispose d'un schéma vaccinal complet à trois doses.
Le collectif de soignants "Covid urgence Outre-mer" a déploré fin février un 1 000e décès dans les hôpitaux guadeloupéens, "une hécatombe sans précédent depuis l'épidémie de choléra en Guadeloupe entre fin novembre 1865 et mars 1866".
Comme l'a rappelé mercredi le patron de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, "cette pandémie est loin d'être terminée".