CAN-2022 : auprès du staff médical guinéen, entre machines de pointe et centres de soins improvisés…
La Guinée dispose du travail de pointe de son staff médical pour être en forme pour les matches.
La CAN-2022 met les corps des joueurs à rude épreuve. Dans ces conditions, le travail du staff médical d'une équipe est essentiel pour performer dans la compétition. Celui de la Guinée a ouvert ses portes à France 24 à quelques heures d'un match.
La suite de l'hôtel a été vidée de ses meubles pour faire place à trois tables de massages. La salle de bain est devenue une pièce pour prendre des bains de glace. La chambre, quant à elle, est désormais dédiée à la récupération avec des combinaisons de cryothérapie étalées sur le lit. Dans tous les coins, un fatras de cartons avec des straps, des crèmes, des pansements mais aussi des machines de pointe dédiées à la santé des joueurs de la Guinée, qui affrontera lundi 21 janvier la Gambie en huitième de finale. Rencontré juste avant son dernier match de poule face au Zimbabwe,le staff médical a expliqué à France 24 ses méthodes de travail.
"À la base, cela devait être la chambre de Kaba Diawara [le sélectionneur de la Guinée, NDLR]. On a réaménagé totalement l'espace pour que ce soit fluide, fonctionnel, confortable pour les soins des joueurs", explique Bruno Da Cruz, médecin de la Guinée.
Le médecin travaille avec la Guinée depuis 2015. À l'époque, Luis Fernandez est l'entraîneur de la sélection. Connaissance personnelle de l'ancien joueur et entraîneur du PSG, Bruno Da Cruz rejoint le staff technique du Syli national. Évincé par le Belge Paul Put entre mars 2018 et juillet 2019, il est revenu sous la houlette de Didier Six puis désormais de Kaba Diawara.
"C'est un combat dans chaque hôtel où on est logé. Au début de la phase de groupes, on était dans un camp de base à Bafoussam. Ils avaient mis le centre de soins à 2 km de l'hôtel. On a préféré transformer ma chambre pour accueillir les joueurs. C'est un peu 'roots' parfois", sourit le médecin. "Mais bon si pour faire un massage de récupération, les joueurs doivent faire quinze minutes aller et quinze minutes retour, cela ne sert à rien."
La Coupe d'Afrique des nations est connue pour mettre à l'épreuve les corps des joueurs. Températures élevées, matches en début d'après-midi, pelouses parfois à la limite du praticable, sans compter l'adaptation en dehors des matches à des espaces loin des cocons que peuvent offrir les clubs européens.
"L'environnement n'est pas clément pour les joueurs : la chaleur assomme, la nourriture n'est pas terrible, les moustiques nous attaquent", liste Bruno Da Cruz. "Il faut s'adapter."
Le corps, l'outil de travail du sportif
À quelques heures du coup d'envoi du match contre le Zimbabwe, les soigneurs sont aux petits soins avec les joueurs qui sollicitent leurs services. Pour Mohamed Bayo, il s'agit d'électrostimulation pour soigner son genou, après un coup reçu lors du match précédent. Pour Aly Camara, un massage plus traditionnel. Pour Aguibo Camara en revanche, le staff utilise un "traitement novateur", une "photobiomotivation" visant à résorber des lésions en stimulant à la fois le foie et le foyer inflammatoire en utilisant lumière et lasers. "La Guinée est sans doute la seule sélection à avoir ce traitement", se vante le chef du staff médical.
"Ce ne sont pas des soins de blessures. On est davantage dans des soins qui accompagnent les rituels d'avant match du joueur", rassure Bruno Da Cruz.
"Les soins sont importants. Pour performer, on a besoin de ça. C'est important de prendre soin de notre corps. C'est notre outil de travail", note le jeune attaquant de Clermont-Ferrand, Mohamed Bayo, 23 ans.
Ces soins d'avant match sont également un moment privilégié pour les joueurs. Si certains sont déjà concentrés, dans une bulle à écouter de la musique, casque sur leurs oreilles, d'autres discutent avec les masseurs, plaisantent et rigolent franchement. Une manière de faire baisser la tension avant le match à venir.
De la Formule 1
"J'aime bien les comparer à des Formule 1. Ici, on est chez Ferrari. Eux sont les voitures de course. Elles ont un type d'essence, leurs réglages qui sont revus à chaque passage aux stands. Ici, ce sont les stands", ose Bruno Da Cruz. "On a pleins de données qui nous arrivent et on tente de pousser les curseurs au mieux pour optimiser leur rendement."
Perfectionniste et avant-gardiste, le chef du staff médical de la Guinée a multiplié les investissements dans le matériel de pointe pour suivre au mieux les joueurs. Au total, 160 000 euros d'achats d'équipements médicaux ont été réalisés ces dernières années.
"On soutient notre équipe avec un matériel de pointe que même certains clubs de Ligue 1 n'ont pas", explique Bruno Da Cruz. "Grâce à tout cela, on a une infirmerie quasi négative en termes de blessés, on effectue un suivi de qualité", se félicite-t-il.
Soudain, un enregistrement des sourates du Coran se fait entendre. La star absolue de la Guinée, Naby Keita, arrive à son tour pour ses derniers rituels d'avant match. Il vient effectuer une séance d'assouplissements pour se mettre en conditions au son du Coran qui s'échappe de son enceinte portable. Son rituel à lui pour se concentrer avant une échéance. Habitué au très haut niveau et au sommet de l'Europe avec Liverpool, le milieu guinéen juge les équipements de pointes adaptés aux exigences de la compétition.
"C'est beaucoup mieux qu'avant. On n'avait pas toutes ces machines. C'est important car on enchaine les matches et désormais, nos physios viennent nous chercher jusque dans la chambre pour vérifier ce dont on a besoin", explique Naby Keita. "Certains se sont plaints des matches à 14 h. Mais nous, nous sommes est prêts à 10 h ou à 15 h pour notre nation, pour la rendre fière."
"On tente de rassurer les clubs"
Le mois précédant l'ouverture de la CAN a pourtant été émaillé de polémiques : les clubs, notamment anglais, laissaient planer la menace de ne pas libérer leurs joueurs. Jürgen Klopp, l'entraîneur de Naby Keita à Liverpool, était l'un des plus loquaces sur le sujet parlant d'un "petit tournoi" où il perdait "ses meilleurs joueurs". Selon Bruno Da Cruz, ces équipements sont aussi une manière de rassurer les clubs.
"On échange énormément et en toute transparence avec les clubs. On leur montre qu'on n'est pas là pour blesser leurs joueurs. Mais il y a forcément des tensions et des pressions de la part des clubs. Des pressions légitimes au regard de leurs enjeux sportifs, mais nous on fait tout pour communiquer et rassurer", assure Bruno Da Cruz.
Le match face au Zimbabwe a finalement tourné court. La Guinée a encaissé une surprenante défaite face aux Warriors (2-1), pourtant éliminés avant le match. Une contreperformance qui a fait perdre la première place du groupe au Syli national, sans conséquence toutefois. Pour son huitième de finale contre la Gambie, la Guinée retourne à Bafoussam, où Bruno Da Cruz et son équipe ont déjà leurs repères. Reste à remballer les 16 valises de matériel.