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Sports

Aitana Bonmati, une Ballon d'Or engagée qui fait bouger les lignes

PORTRAIT À 25 ans, la milieu de terrain de l'équipe d'Espagne Aitana Bonmati a remporté lundi le Ballon d'Or 2023. Entre succès sportif et engagement social, la joueuse du FC Barcelone entend être un modèle sur et en dehors du rectangle vert. Aitana Bonmati et son Ballon d'Or lors de la cérémonie de remise du prix le 30 octobre 2023 à Paris. Comme une injustice de l'histoire du football espagnol enfin réparée. Lundi 30 octobre, Aitana Bonmati s'est avancée sur la scène du théâtre du Châtelet à Paris pour récupérer ce qui lui revenait de droit : le Ballon d'Or 2023 récompensant la meilleure joueuse au monde de la saison. Un sacre sans surprise, tant la milieu de terrain du FC Barcelone et de l'Espagne a ébloui le monde du football de son talent au cours de la saison écoulée. Pour la décrire, Pep Guardiola, légende du FC Barcelone désormais entraîneur de Manchester City, la compare volontiers à Andrés Iniesta, l'illustre milieu de terrain des années 2010 qu'il a eu sous ses ordres. Les parallèles sont nombreux : les deux Espagnols sont de purs produits de La Masia, le centre de formation du Barça. Ils ont tous les deux emmené le FC Barcelone sur le toit de l'Europe, puis la Roja sur celui du monde. Mais contrairement à lui, Aitana Bonmati n'a finalement pas été injustement privée de la récompense individuelle suprême du football. Ironie de l'histoire, c'est tout de même avec Lionel Messi, l'homme qui avait privé Iniesta du Ballon d'Or en 2010, qu'elle a partagé la scène lundi. Le prodige de Rosario a remporté un huitième titre record – et un peu contesté au crépuscule de sa carrière. "Une année unique" Le sacre d'Aitana Bonmati, en revanche, ne souffrait d'aucune contestation. "Il est difficile de faire mieux. C'est une année unique", a-t-elle déclaré à plusieurs médias, après la cérémonie de remise du Ballon d'Or. Et pour cause, elle a simplement tout gagné. Avec le FC Barcelone, elle est allée chercher un quatrième titre consécutif en Liga. Le 3 juin, elle a soulevé le trophée de la Ligue des championnes, terminant tout à la fois meilleure passeuse, deuxième meilleure buteuse et meilleure joueuse de la compétition. Puis, le 20 août, elle a offert à la Roja féminine son premier titre mondial, treize ans après les hommes, avec un nouveau trophée de meilleure joueuse récompensant ses trois buts et deux passes décisives et sa capacité à organiser le jeu au milieu de terrain. N'en jetez plus. Elle succède à Alexia Putellas, 25 ans, double lauréate et coéquipière en sélection et au Barça. Une amie à la ville qu'elle a peu à peu éclipsée, profitant de ses blessures. La lauréate a pris le temps de saluer le travail de ses coéquipières en club et en sélection. "Je garde à l'esprit que les prix individuels sont le fruit d'un travail collectif", a-t-elle souligné. "J'aimerais mettre l'accent sur le travail collectif. Ça passe avant les prix individuels." Un souci de collectif qu'elle partage avec une autre de ses idoles : Johan Cruyff, la légende néerlandaise du FC Barcelone. Sa passion pour lui est telle qu'elle arbore le numéro 14 en sélection et en club et que son autobiographie compte 14 chapitres en hommage à l'apôtre du "football total". Féministe et engagée pour l'accueil des réfugiés Dans la suite de son discours, Aitana Bonmati a rappelé qu'elle n'était pas femme à ne s'exprimer que sur le rectangle vert : "En tant que modèles, nous avons une responsabilité sur et en dehors du terrain. Continuons à lutter ensemble pour un monde meilleur, pacifique et égalitaire", a-t-elle notamment déclaré. Il faut dire que la Barcelonaise multiplie les engagements. Depuis 2022, elle collabore avec l'agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), participant notamment à des entraînements de football pour les exilés. Après le sacre du Barça en Ligue des championnes, elle avait ainsi fièrement arboré un tee-shirt en soutien à l’accueil des réfugiés. Aitana Bonmati a aussi fait partie des "quinze frondeuses", ces joueuses qui se sont mises en retrait de la sélection, en septembre 2022, pour dénoncer le manque d’investissement de la fédération espagnole (RFEF) dans le football féminin et les méthodes managériales du coach, Jorge Vilda. Avant de se laisser convaincre de revenir pour la Coupe du monde avec deux coéquipières. Mais elle n'a pas oublié ses collègues grévistes lors du sacre. "Je veux me souvenir de toutes les femmes qui ont poussé et se sont battues pendant toutes ces années pour que nous ayons de meilleures conditions, c’est pour elles", n'hésite-t-elle pas à déclarer, trophée entre les mains. Elle est aussi pleinement solidaire de sa coéquipière Jenni Hermoso. La joueuse de Pachuca, au Mexique, a été embrassée de force lors de la remise du trophée du Mondial par Luis Rubiales, patron de la fédération espagnole – depuis suspendu par la Fifa. Elle profite de la tribune offerte par le prix de joueuse UEFA de l'année pour lui apporter son soutien. "En tant que société, nous ne devons pas permettre l’abus de pouvoir dans une relation de travail ou le manque de respect", a-t-elle lancé. "Je dédie ce prix à Jenni et à toutes les femmes qui ont souffert de ces situations. Nous sommes avec vous." La joueuse de 25 ans a le féminisme dans le sang. Si on la connaît aujourd'hui sous le nom d'Aitana Bonmati et non Aitana Conca, c'est que ses parents, professeurs de catalan, se sont battus pour faire changer la loi espagnole, afin que leur fille puisse arborer en premier le nom de famille de sa mère, avant le patronyme paternel. Avoir une telle porte-parole ne pourra qu'aider à faire avancer la cause du football féminin. Comme le souligne le média spécialisé Footeuses, le Ballon d'Or féminin était encore bien absent des journaux au lendemain de la remise des prix.

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