AFFAIRES OUBLIÉES. L'affaire Christian Ranucci, l'homme au chien perdu et au pull-over rouge
Inoubliable pour la famille de la victime, l'affaire Christian Ranucci ne fait plus la Une mais a marqué le milieu des années 1970 par les nombreux mystères qui la caractérisent. Closer revient sur l'affaire, de son éclosion à son dénouement particulièrement nébuleux...
Tout a commencé le 3 juin 1974. Alors qu'elle joue avec son petit frère Jean-Baptiste dans la cour d'une cité marseillaise, la petite Marie-Dolorès Rambla, huit ans, disparaît dans la nature. Son frère Jean-Baptiste, de deux ans son cadet, raconte alors avoir été interpellé par un homme conduisant en voiture grise, qui leur aurait expliqué avoir perdu son chien. A la recherche de l'animal, le petit-garçon remonte la rue. Mais en revenant, il ne retrouve ni l'homme au chien perdu, ni sa sœur. Le père des enfants contacte aussitôt l'Évêché, nom familièrement donné à l'Hôtel de police de Marseille, qui ordonne l'ouverture d'une enquête. Le lendemain, plusieurs témoins indiquent aux enquêteurs avoir aperçu un homme suspect aux alentours de Peypin, commune située à une trentaine de kilomètres au nord-est de Marseille. L'un d'entre eux explique l'avoir vu s'enfuir dans les fourrées, "un paquet assez volumineux" sous le bras. Tous les témoins indiquent que l'individu conduisait un coupé Peugeot 304 de couleur grise.
Le 5 juin 1974, de nombreux dispositifs sont mis en place pour retrouver la trace de la fillette. Son corps est découvert au bout de quelques heures dans une champignonnière, près d'une route entre Marseille et Aix-en-Provence. Le visage tuméfié, le crâne fracassé et plus de quinze coups de couteau sur le corps, Marie-Dolorès a été sauvagement assassinée.
Un accident incriminant
Mais en dehors des signalements de la veille, la police ne dispose d'aucun suspect. L'affaire prend néanmoins un tournant considérable lorsque Vincent Martinez, un automobiliste, vient livrer son témoignage à l'Évêché. L'homme raconte avoir été embouti par un coupé Peugeot 304 gris métallisé dans la journée du 3 juin, alors qu'il circulait avec sa fiancée sur la nationale 96 (aujourd'hui la D96), située à 2 kilomètres seulement de la champignonnière où a été retrouvée Marie-Dolorès. Il explique que le conducteur a pris la fuite, mais parvient à fournir aux autorités la plaque d'immatriculation de ce dernier. Grâce à cette information, les enquêteurs mettent un nom sur l'homme à la voiture grise. Il s'agit de Christian Ranucci, représentant de commerce de vingt ans domicilié à Nice.
Christian Ranucci est arrêté le 5 juin 1974 à 18h15. Dans sa voiture, la police saisit un pantalon taché de sang, un couteau de marque Opinel, quatre lanières de cuir et deux cheveux, dont un clair et bouclé. Dans la champignonnière, ils mettent également la main sur un pull-over rouge. Ranucci passe dix-huit heures en garde-à-vue, au cours de laquelle il est notamment confronté au petit-frère de Marie-Dolorès, Jean-Baptiste (qui ne l'identifie pas) et à deux témoins : Alain Aubert et sa femme. Ceux-ci, qui disaient avoir vu Ranucci porter un "un paquet assez volumineux", indiquent désormais qu'il s'agissait d'un enfant. Le sang retrouvé sur le pantalon de Ranucci se révèle être du même groupe sanguin que celui de la victime. Dans un premier temps, le niçois reconnaît l'accident et le délit de fuite, mais pas l'enlèvement. Il finit toutefois par craquer et admet sa culpabilité. Il va jusqu'à dessiner le plan des lieux de l'enlèvement, ce qui l'incrimine définitivement...
Christian Ranucci est-il vraiment l'homme au chien perdu ?
Jusqu'au 27 décembre 1974. Ce jour-là, Christian Ranucci se rétracte dans le cabinet de la juge. Il est néanmoins déclaré coupable lors de son procès, le 10 mars 1976, et écope de la peine capitale. Il est exécuté le 28 juillet 1976 à la prison des Baumettes. Depuis, pourtant, le doute plane sur sa culpabilité. En 1978, l'écrivain Gilles Perrault publie Le Pull-over rouge, un ouvrage qui remet en cause toute l'affaire. Celui-ci souligne en effet que quelques jours avant l'accident de Raducci, un homme portant un pull-over rouge avait agressé sexuellement deux fillettes dans une cité du 10e arrondissement de Marseille. Or, le pull-over retrouvé dans la champignonnière était trop grand pour Ranucci. Un tout autre homme pourrait donc être coupable de l'enlèvement et du meurtre de Marie-Dolorès Rambla.
De plus, le petit frère de la victime, Jean-Baptiste, n'a jamais reconnu "l'homme au chien perdu", l'ayant pourtant lui-même rencontré. Enfin, Ranucci avait le même groupe sanguin que Marie-Dolorès. Le sang retrouvé sur son pantalon aurait donc très bien pu être le sien, l'homme ayant eu un accident de voiture ce jour-là. Les technologies de l'ADN étaient toutefois trop peu développées dans les années 1970 pour en avoir le cœur net. Ainsi, quarante-cinq ans après sa mort, Christian Ranucci reste le protagoniste de ce qui pourrait être une grande erreur judiciaire.
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