Affaire Halimi : "la justice ne délivre aucun permis de tuer", s'insurge François Molins
Le magistrat s'est également élevé contre le "raccourci erroné", selon lequel la consommation de stupéfiants du meurtrier serait la cause de son irresponsabilité pénale.
L'un des plus hauts magistrats français sort de sa réserve. François Molins a vigoureusement rejeté, samedi 24 avril, le procès en "laxisme" fait à la justice. Le procureur général près la Cour de cassation a réagi dans une interview au Monde (article abonnés) face à la polémique suscitée par la décision de déclarer pénalement irresponsable le meurtrier de la sexagénaire juive Sarah Halimi.
"Évidemment que la justice ne délivre aucun permis de tuer!", a-t-il lancé, pour qui assimiler cette décision, prise "conformément à la règle de droit", à "un permis de tuer les juifs en France est insupportable".
La Cour de cassation a entériné, mi-avril, le caractère antisémite de ce crime, commis en 2017 à Paris, mais elle a confirmé l'impossibilité d'organiser un procès du meurtrier, gros consommateur de cannabis, compte tenu de l'abolition de son discernement lors des faits. Selon les sept experts psychiatriques qui l'ont examiné, Kobili Traoré était en proie à une "bouffée délirante" lorsqu'il a tué sa voisine de 65 ans, Lucie Attal, aussi appelée Sarah Halimi.
L'impossibilité d'un procès a créé une vive polémique et poussé le président Emmanuel Macron a réclamer "un changement de la loi" sur la responsabilité pénale. "La drogue ne peut pas être un permis de tuer", a également déclaré Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement.
"Raccourci erroné"
"L'émotion suscitée par cette décision révèle sans doute que la loi n'est pas adaptée", a reconnu François Molins, tout en mettant en garde le parlement contre la tentation de "légiférer dans l'urgence et sous le coup de l'émotion".
Le magistrat s'est également élevé contre le "raccourci erroné", selon lequel la consommation de stupéfiants du meurtrier serait la cause de son irresponsabilité pénale. "C'est l'abolition du discernement lors du passage à l'acte et elle seule, qui induit l'irresponsabilité pénale", a insisté François Molins. "Or, toute personne qui consomme de l'alcool ou du cannabis n'a pas une bouffée délirante et ne voit pas son discernement aboli."