À Marseille, associatifs, étudiants et policiers tentent d'enrayer le cercle infernal de la violence : "On gère l'urgence alors qu'on devrait accompagner ces jeunes"
Alors qu'en deux semaines à peine, les tirs de fusils d’assaut ont fait six victimes à Marseille, franceinfo est allé à la rencontre de ceux qui se battent, chacun à leur échelle, contre les réglements de compte qui endeuillent nombre de familles.
Il vient tout juste d'avoir le bac et de s'inscrire en prépa. Amine a 17 ans et il fait partie des victimes. Il a perdu son frère dans un règlement de comptes en décembre dernier à Marseille, dans les Bouches-du-Rhône. Brahim, 22 ans, était père d'une petite fille de deux ans. Plus récemment, en à peine deux semaines dans les quartiers déshérités de Marseille, les tirs de fusils d’assaut, de kalachnikov, ont fait six victimes. Certains sont des règlements de compte sur fond de trafic de stupéfiants. En fin de semaine dernière, une jeune femme de 17 ans est morte à l’arrière d’une voiture criblée de balles à Septème-les-Vallons au nord de la ville. Une victime collatérale. Avant elle, un homme de 28 ans et un autre de 22 ans ont été abattus cité Frais-Vallon.
À chaque jeune tué, une famille endeuillée
Depuis, Amine a quitté Marseille, mais il continue le combat. À La tête d'une association, il a organisé une marche contre les violences. Il espère faire de la politique et à chaque fois qu'un jeune meurt sous les balles, il pense aux familles. "Malgré le fait que c'est horrible, explique-t-il, parce que ça peut se produire dans des conditions atroces, car il arrive parfois que les personnes soient calcinées ou démembrées, et c'est ce qui nous est arrivé à nous, j'ai juste envie de leur dire d'en tirer une force, d'aller de l'avant, de s'engager dans des associations qui luttent justement contre cette normalisation de ces crimes."
Pour Amine, il faut punir sévèrement les crimes, mais aussi penser aux opportunités à offrir aux jeunes des cités. Parce que la tentation de l'argent facile est forte : 150 euros par jour pour faire le guetteur en bas d'un bloc. Aussi faut-il des alternatives. C'est ce que dit d'ailleurs aussi Amadou Ramadan, CPE depuis dix ans dans les collèges marseillais. "C'est à nous, souligne ce dernier, institutions, école, partenaires sociaux, etc., de proposer quelque chose et leur permettre d'oublier cette notion d'argent facile. De les occuper, leur faire comprendre qu'à un moment donné, l'issue et la tranquillité, ça passe par le boulot et par l'école."
Les moyens manquent
"La difficulté que l'on a aujourd'hui, ce sont les moyens, déplore Amadou Ramadan. Autrefois, on avait des stages de rupture pour ces gamins-là : on les emmenait dans les Alpes faire du ski, ou faire des chantiers jeunes, etc."
Il s'agit d'un travail d'éducation et de sécurité, mais d'enquête aussi. La lutte contre le narco-banditisme est la priorité quotidienne d'Éric Arella, directeur zonal de la police judiciaire à Marseille. "On essaie de développer toute initiative qui permette de porter des coups aux équipes qui s'entretuent, sous tous les angles d'attaque, explique Éric Arella. On essaie ainsi d'initier de nombreuses enquêtes, principalement sous l'angle de trafic de stupéfiants, puisque c'est la clé d'explication de la très grande majorité des règlements de comptes, mais pas que."
"Il y a effectivement d'autres possibilités, développe-t-il. Ce sont le trafic d'armes, les infractions économiques et financières. Et, en ce moment actuellement, à la hausse, les affaires d'enlèvement séquestration au sein des cités. Ces différents angles d'attaque permettent effectivement de d'ennuyer ces malfaiteurs." Des efforts qui portent doucement leurs fruits : malgré la flambée des derniers jours, le nombre de règlements de comptes continue de baisser et 26 d'entre eux ont été déjoués depuis 2016.