Yaël Braun-Pivet en Israël avec les "faucons" de LR, un voyage qui sème le trouble
Parti pris
La présidente de l’Assemblée nationale a effectué durant le week-end un voyage express en Israël en compagnie des députés Les Républicains Éric Ciotti et Meyer Habib. De quoi envoyer le signal d’un soutien "inconditionnel" à la réponse de Benjamin Netanyahu dans sa guerre contre le Hamas. Une position en contradiction avec la ligne historique de la France et qui divise au sein de la majorité relative présidentielle.
Après les mots, les actes. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, avait exprimé depuis son perchoir, le 10 octobre, un "soutien inconditionnel" de la France à Israël. Elle joint désormais le geste à la parole avec un voyage de 24 heures dans l’État hébreu, accompagnée du président du parti Les Républicains (LR) Éric Ciotti, du député apparenté LR de la 8e circonscription des Français de l’étranger – qui comprend Israël – Meyer Habib et du député Renaissance Mathieu Lefèvre, président du groupe d’amitié France-Israël.
Leur voyage suit un premier déplacement de parlementaires. En début de semaine, une dizaine d'élus LR, Renaissance et Horizons se sont rendus en Israël, accompagnés par l’ancien Premier ministre Manuel Valls, pour manifester leur solidarité au peuple israélien et rencontrer des proches des victimes ou des otages français.
Désormais, avec le déplacement de Yaël Braun-Pivet, quatrième personnage de l’État français, le symbole d’un soutien appuyé de la France à Israël est encore plus fort. "La France soutient pleinement Israël, seule démocratie du Moyen-Orient, démocratie qui a été attaquée d'une façon terrible. Donc il ne faut pas se tromper, ni de combat, ni de mots", a-t-elle déclaré, dimanche 22 octobre, avant de repartir pour Paris au terme d’une visite express.
Ce déplacement s'effectuait "par solidarité avec Israël et les victimes françaises" et "dans l'espoir que la diplomatie permettra d'éviter l'escalade et la régionalisation du conflit", avait fait valoir l'entourage de Yaël Braun-Pivet la veille. Il visait également à "encourager les convois humanitaires pour les populations civiles", alors que l'aide a commencé à entrer samedi à Gaza, venant d'Égypte.
La délégation s’est rendue dans les kibboutz en bordure de la bande de Gaza, où ont eu lieu les massacres du 7 octobre perpétrés par le mouvement islamiste palestinien Hamas, avec le président de la Knesset, Amir Ohana. Et même si la présidente de l’Assemblée nationale prend soin d’écrire sur X qu'"Israël est légitime à se défendre, dans le respect du droit international", l’image renvoyée est bien celle d’un soutien "inconditionnel", une ligne en contradiction avec la position officielle française et qui divise la majorité relative présidentielle.
Une ligne pro-israélienne qui s’est imposée chez Renaissance
"Le signal qui est envoyé penche quand même plus d’un côté que de l’autre. Le symbole est fort. Pour ma part, je ne reprends pas à mon compte l’expression de 'soutien inconditionnel' à Israël. Comme d’autres au sein du groupe Renaissance, je suis sur la ligne du Quai d’Orsay. Mais force est de constater que ce n’est pas la ligne adoptée par la tête de notre groupe", confie à France 24 la députée de la majorité Mireille Clapot.
Car au-delà de Yaël Braun-Pivet et de Mathieu Lefèvre, le président du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, Sylvain Maillard, est lui aussi un fervent défenseur d’une ligne pro-israélienne. "Nous ne prenons pas nos ordres au Quai d’Orsay", a-t-il même affirmé à Mediapart, assumant de prendre ses distances avec la diplomatie française.
Contrairement à ces députés très audibles de la majorité présidentielle, la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, prend soin de rappeler régulièrement qu’Israël, dans sa réponse à l’attaque perpétrée par le Hamas, a "le devoir de respecter le droit international" et donc d'"assurer la protection des civils" de la bande de Gaza, et qu’à terme, "la solution à deux États est la seule viable".
"L’accès des populations à l’eau, aux soins, est une obligation. Imposer un siège contrevient au droit international", souligne la ministre dans un entretien publié dimanche 22 octobre par La Tribune Dimanche, alors que la bande de Gaza est la cible d’incessants bombardements israéliens ayant fait plus de 4 600 victimes depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, dans laquelle plus de 1 400 Israéliens avaient été tués.
Le voyage express de Yaël Braun-Pivet apparaît d’autant plus en contradiction avec la position officielle de la France que la présidente de l’Assemblée nationale a choisi de se rendre en Israël avec deux représentants de la ligne pro-israélienne de LR.
"Ça ne me plaît pas beaucoup de voir Ciotti et Habib" sur la photo
"Ça ne me plaît pas beaucoup de voir Éric Ciotti et Meyer Habib, qui ont des positions très dures vis-à-vis des Palestiniens, sur la même photo que des gens de Renaissance, regrette Mireille Clapot. Si je voulais faire passer des messages de cessation des hostilités, ce n’est pas avec eux que je le ferais. Éric Ciotti ne fait jamais dans la nuance et l’humanisme. Quant à Meyer Habib, il considère que quoi que Benjamin Netanyahu fasse, Benjamin Netanyahu a raison."
Une enquête de la cellule investigation de Radio France avait notamment révélé, en octobre 2021, que Meyer Habib, très proche du Premier ministre israélien Netanyahu, jouait un rôle diplomatique très actif dans les relations entre la France et Israël, adoptant systématiquement à l’Assemblée nationale un positionnement pro-Likoud, la formation du chef du gouvernement israélien.
Pour l’opposition de gauche également, ce déplacement et son casting sont une erreur. "Je comprends très bien qu'on soutienne le peuple israélien et qu'on leur apporte notre solidarité (…), ce qu'ils ont vécu est une horreur. La difficulté, c'est que Mme Braun-Pivet est celle qui à l'Assemblée a parlé de soutien inconditionnel à Israël", a souligné le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, dimanche 22 octobre sur France 3, critiquant lui aussi la présence d’Éric Ciotti et de Meyer Habib, des "faucons, sur une ligne sans nuances".
"Pendant ce temps, Madame Braun-Pivet campe à Tel-Aviv pour encourager le massacre. Pas au nom du peuple français !", a posté de son côté le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, sur le réseau social X.
Yaël Braun-Pivet voit les choses différemment. "Ce qui est important, c'est que les populations civiles qui se trouvent à Gaza soient le moins possible victimes de ce conflit. Mais on sait aussi qu'elles servent souvent de bouclier humain. Il faut les préserver bien sûr, mais rien ne doit empêcher Israël de se défendre. Il y a un attaquant et des attaqués", a-t-elle insisté.
Nul doute que les prises de position de la présidente de l’Assemblée nationale ne manqueront pas de faire réagir. Le Parlement doit ainsi débattre de la "situation au Proche-Orient" lundi à 16 h à l'Assemblée nationale et mardi à 17 h 30 au Sénat, avec une déclaration du gouvernement et une série d'interventions des différents groupes politiques.