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VRAI OU FAKE. Facebook a-t-il vraiment réduit de 94% ses émissions de CO2 ?

Facebook annonce avoir presque éliminé ses émissions de CO2 depuis 2017 en se tournant massivement vers les énergies renouvelables. Nous avons étudié son rapport développement durable : le groupe omet une part importante des émissions qui lui sont attribuables. "Facebook a réduit ses émissions carbone de 94% depuis 2017", clame le groupe, fin juin 2021. L'entreprise affirme être passée à 100% d'énergies renouvelables "pour l'ensemble de ses activités" et se targue d'avoir investi dans des projets éoliens et solaires partout dans le monde. Quelques initiatives de reforestation lui permettent aussi de revendiquer la "neutralité carbone", c'est-à-dire que les émissions qu'elle n'a pas réussi à éliminer sont compensées par la plantation d'arbres qui absorbent le CO2. Sur le papier, c'est donc un exploit affiché par le mastodonte Facebook qui possède aussi les applications Instagram et WhatsApp. Le réseau social qui revendique à lui seul près de trois milliards d'utilisateurs dans le monde et stocke ses données dans d'immenses data centers, souvent pointés du doigt pour leur impact sur le climat, aurait tout simplement éliminé ses émissions de CO2. Est-ce crédible ? Une partie de l'empreinte carbone occultée "C'est juste, mais c'est trompeur", tranche Renaud Bettin, expert climat pour Sweep, qui aide les entreprises à réduire leurs émissions carbone. "La responsabilité de Facebook va bien au-delà du périmètre pris en compte", ajoute-t-il. Les résultats mis en avant occultent une partie des émissions imputables à Facebook. L'entreprise les consigne pourtant en détails dans son rapport sur le développement durable en 2020 (PDF en anglais). La réduction de 94% concerne en réalité les "opérations" de Facebook, principalement les émissions liées à la consommation d'énergie de ses data centers et de ses bureaux. En les alimentant à 100% par des énergies renouvelables, Facebook a effectivement largement réduit ses émissions de gaz à effet de serre. Ce chiffre ne reflète pourtant pas la totalité de son empreinte carbone. Il laisse de côté les émissions indirectes : les émissions liées à la construction des bâtiments et des data centers, à la fabrication des machines et des ordinateurs utilisés par le groupe Facebook ou encore liées aux voyages professionnels des salariés. "Pour les bâtiments, ce sont le ciment et le fer qui sont très émetteurs de CO2, et pour les serveurs ce sont les composants électroniques qu'il faut extraire, transporter, transformer…" explique Renaud Bettin. Ces émissions indirectes ont bien été calculées par Facebook : elles représentent 4 millions de tonnes de CO2. Hormis les voyages professionnels des salariés – qui ont reculé entre 2019 et 2020, en partie à cause de la crise sanitaire – ces émissions indirectes n'ont fait qu'augmenter depuis 2017. Contactée, l'entreprise assure avoir "fixé un objectif rigoureux de réduction d'ici à 2030", pour l'ensemble de ces émissions. Quid des émissions des utilisateurs ? Le bilan annoncé par le groupe comporte un autre angle mort : les émissions générées par l'utilisation de Facebook, WhatsApp et Instagram. Lorsque nous naviguons sur ces réseaux, nous consommons de l'énergie et nous utilisons des appareils. Le groupe Facebook admet que ces émissions n'apparaissent pas du tout dans son bilan carbone "pour éviter le double calcul avec les entreprises qui fabriquent les appareils et les ordinateurs". Car ces entreprises-là prennent déjà en compte les émissions liées à l'utilisation de leurs produits. "C'est absurde les émissions indirectes sont toujours un double compte", juge César Dugast, consultant pour le cabinet Carbone 4. Pour les experts que nous avons contactés, le calcul des émissions de gaz à effet de serre doit justement donner une idée de l'ensemble des émissions générées par une entreprise, même si elles sont plusieurs à les comptabiliser. Facebook "devrait communiquer sur ces émissions pour les rendre visibles, confirme Renaud Bettin, il faut reconnaître qu'elles existent même en précisant que leur responsabilité est limitée." Les conséquences globales de l'utilisation de Facebook et des autres applications qui lui appartiennent semblent finalement invisibles dans le communiqué du groupe. Facebook fait le pari de poursuivre sa croissance en décarbonant sa consommation d'énergie, mais il lui reste un long chemin à parcourir avant d'effacer son impact sur le climat.

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