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Ventes de Rafale à l'Inde : un juge d'instruction saisi pour des soupçons de corruption

Des Rafale en démonstration durant l'Aero India 2021 Airshow sur la base aérienne de Bangalore, en Inde, le 3 février 2021. Le parquet national financier (PNF) a confirmé, vendredi, à l'AFP l'information publiée par Mediapart selon laquelle il avait pris, le 14 juin, un réquisitoire introductif saisissant un juge d'instruction de ce dossier qui suscite depuis plusieurs années l'émoi en Inde. L'association Sherpa avait déposé, le 22 avril, une plainte avec constitution de partie civile à Paris notamment pour des soupçons de "corruption" et "trafic d'influence actifs et passifs". Un juge d’instruction français a été saisi le 14 juin des soupçons de "corruption " autour de la vente, en 2016, de 36 avions Rafale à l’Inde, a indiqué vendredi 2 juillet le Parquet national financier, confirmant une information de Médiapart. Cette information judiciaire a été déclenchée après des enquêtes du site d'investigation et une plainte avec constitution de partie civile de l'ONG Sherpa. Fin 2018, l'association avait déposé une première plainte afin que le PNF enquête sur cette vente datant de septembre 2016 pour un montant de 7,8 milliards d'euros. L'ONG dénonçait en particulier le choix de Reliance, partenaire indien de Dassault dans cette vente et entreprise d'un homme d'affaires proche du Premier ministre indien, Narendra Modi. Dassault avait remporté un appel d'offres en 2012 pour fournir 126 avions et négociait depuis avec l'avionneur indien Hindustan Aeronautics Ltd (HAL). Des négociations conclues "à 95 %" en mars 2015, selon Dassault. Mais le mois suivant, après une visite officielle en France de Narendra Modi, les négociations furent rompues à la surprise générale. Reliance Group, société privée sans expérience dans l'industrie aéronautique, s'était alors imposée au détriment de HAL pour finaliser un nouveau contrat, portant sur la livraison de 36 aéronefs.  En janvier 2016, au moment des ultimes négociations, Reliance Group avait financé un film coproduit par Julie Gayet, compagne du président de l'époque, François Hollande. Un possible "trafic d'influence", soupçonne Sherpa. Démenti de la France L'ex-chef de l'État s'était défendu de tout conflit d'intérêts, affirmant que la France n'avait "pas eu le choix" du partenaire indien de Dassault, suscitant nombre de réactions en Inde. Jean-Yves Le Drian, actuel ministre français des Affaires étrangères et ex-ministre de la Défense du président socialiste, avait martelé que Paris n'avait subi "aucune pression" de New Delhi. En avril 2019, Le Monde avait aussi révélé que la France avait annulé, en 2015, un redressement fiscal d'un montant global de 143,7 millions d'euros visant une entreprise française appartenant à Reliance Group, au moment même où se négociait cette vente. Un proche collaborateur d'Anil Ambani, patron de Reliance, s'était vanté auprès du journal d'avoir rencontré, avec l'homme d'affaires indien, Emmanuel Macron dans son bureau de ministre de l'Économie au début de l'année 2015 pour y régler le contentieux fiscal. Le PNF avait classé sans suite la première dénonciation de Sherpa en juin 2019, sans ouvrir d'enquête préliminaire. Mais en avril, Médiapart a accusé dans une série d'articles ce parquet spécialisé dans la lutte contre les infractions financières et l'Agence française anticorruption (AFA) d'avoir "enterré" les soupçons entourant cette vente controversée. Selon le site d'informations, l'ex-cheffe du PNF Eliane Houlette aurait refusé d'enquêter sur cette vente aéronautique d'ampleur, contre l'avis de son adjoint. "Ce dossier a été classé sans suite pour absence d'infraction", avait répondu le PNF, tandis que l'AFA n'avait pas souhaité réagir. Mediapart évoquait aussi des "millions d'euros de commissions occultes" versées à un intermédiaire soupçonné d'avoir aidé Dassault à conclure la vente, dont "une partie (...) aurait pu être reversée sous forme de pots-de-vin" à des officiels indiens. Dassault avait rétorqué qu'"aucune infraction n'(avait) été signalée" dans le cadre des contrôles auxquels le groupe est soumis. "Les apparences d'un scandale d'État" À la suite de ces articles, Sherpa a donc déposé le 22 avril une plainte avec constitution de partie civile à Paris pour des soupçons de "corruption" et "trafic d'influence actifs et passifs", recels et blanchiments de ces délits, ainsi que "concussion" et "recel de favoritisme". Prenant acte de cette plainte, qui permet la désignation quasi-automatique d'un juge d'instruction, le PNF a pris, le 14 juin, un réquisitoire introductif ouvrant cette information judiciaire sur les qualifications "visées par la plainte de l'association Sherpa". Malgré son classement en juin 2019 du signalement de l'association, le PNF ne s'oppose donc pas à la nouvelle demande de celle-ci. Il revient désormais au juge d'instruction saisi de lancer les investigations ou de prendre une ordonnance pour signifier son refus de s'y atteler. "C'est un premier pas important vers la manifestation de la vérité dans un dossier qui présente déjà toutes les apparences d'un scandale d'État", ont réagi auprès de l'AFP vendredi soir les avocats de Sherpa, William Bourdon et Vincent Brengarth. Avec AFP

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