"Tue-toi" : une jeune femme condamnée pour avoir poussé son petit-ami au suicide
A 22 ans, Inyoung You, étudiante, a manipulé son petit ami aux tendances dépressives. Jusqu'à ce qu'il se suicide. Elle vient d'être condamnée pour homicide involontaire.
"Tu ne mérites rien dans ce foutu monde. Tue-toi." Depuis le toit du dernier étage de l'immeuble de Boston dans lequel il vit depuis deux ans, Alexander relit une dernière fois le message envoyé il y a quelques jours par Inyoung, sa petite amie. Il range ensuite son téléphone portable dans la poche arrière droite de son pantalon, s'avance lentement, comme lesté d'un poids, et se jette dans le vide.
Jour de remise des diplômes du Boston College où il est un brillant étudiant en biologie de 22 ans, ce 19 mai 2019 aurait dû être une fête pour Alexander Urtula. Deux heures avant la cérémonie où l'attendent ses parents, il a pourtant choisi de mettre fin à ses jours. Le jeune homme était fragile et à tendance dépressive, diront ses proches. Mais en réalité, leurs regards courroucés sont tournés vers Inyoung You, la jeune Coréenne de 22 ans, étudiante dans la même spécialité que lui, dont il s'est entiché depuis dix-huit mois. Ils la soupçonnent, sous son visage d'ange, d'avoir régulièrement creusé sa faiblesse psychologique, et de l'avoir méthodiquement poussé vers ce geste fatal qui vient de l'emporter.
Inyoung You savait qu'elle contrôlait Alexander, et notamment les pics de sa dépression
Ils ont des arguments, et vont les transmettre à la procureure Rollins, en charge du dossier pour le comté de Suffolk dont le siège est Boston. L'enquête va révéler qu'au cours des deux mois précédant le suicide du jeune homme, "le couple a échangé plus de 75 000 SMS, dont environ 47 000 ont été envoyés par Mademoiselle You". Beaucoup "affichent clairement la dynamique de pouvoir à sens unique inscrite dans leur relation". On y trouve "des attaques répétées, cruelles, visant la volonté, la conscience et le psychisme de cet homme. Mademoiselle You savait qu'elle contrôlait Alexander, et notamment les pics de sa dépression".
"Elle exacerbait volontairement ses pensées suicidaires par des abus, des menaces de mutilations s'il ne se pliait pas à ses désirs. Elle l'encourageait fréquemment à se suicider. Elle lui écrivait régulièrement des : 'Je ne t'aime pas ; personne ne t'aime ; t'es gros ; va te tuer.'" Par ce moyen, elle avait sur lui un contrôle total et complet", assène la procureure dans son compte rendu. "La violence domestique n'est pas perpétrée par un type d'agresseur, avertit-elle. Un agresseur n'est pas limité par son sexe ni par le sexe de son partenaire. Les formes de violence domestique sont multiples, mais il est toujours question de pouvoir et de contrôle."
La jeune femme a été condamnée à deux ans et demi de prison avec sursis et dix ans de probation
Inculpée en 2019 pour homicide involontaire, la tyrannique jeune femme a d'abord fui en Corée. Pendant deux ans, elle s'est battue contre les accusations pesant contre elle dans l'espoir de faire appel devant une juridiction supérieure. Avant de revenir à la raison, l'année dernière, sous le format du "plaider coupable", dans le cadre d'un accord avec la justice lui permettant d'éviter de faire de la prison. "Cet accord avec l'avocat de la défense a été conclu en étroite consultation avec la famille de la victime, afin de protéger la mémoire d'Alexandre, un fils, un frère et un oncle aimant", rappelle la procureure.
"Aujourd'hui marque la fin d'un enfer de deux ans qui a bouleversé la vie de Madame You", s'est également félicité l'avocat de cette dernière, Me Steven Kim. Le jeudi 23 décembre 2021, la jeune femme a donc été condamnée à deux ans et demi de prison avec sursis et dix ans de probation, ainsi qu'à trois cents heures de travaux d'intérêt général et à une obligation de soins.
"Les mots comptent. Et parfois, ils tuent", a conclu la procureure
En écho à l'affaire Michelle Carter, qui avait été, en 2017, condamnée à quinze mois de prison pour les mêmes faits, mais qui avait, à sa sortie de prison, couru les plateaux télé et accepté la production d'un film par HBO (chaîne américaine productrice, entre autres, de Sex and the City et Game of Thrones), l'accord conclu avec la magistrate stipule cette fois qu'Inyoung You ne pourra participer à aucune couverture médiatique et qu'il lui est interdit de tirer profit de l'affaire en racontant sa version de l'histoire dans des documentaires, des conférences de presse ou d'autres événements médiatiques.
La leçon de cette terrible histoire ? C'est encore la procureure Rollins (désignée depuis par Joe Biden pour être l'une des juges de la Cour Suprême des Etats-Unis, la plus haute juridiction du pays) qui la tire avec sagesse et précision : "Le langage humiliant, salissant autrui, la violence verbale en général, peuvent avoir un impact profond sur les gens. Les mots comptent. Et parfois, ils tuent."
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