Tour de France : qui est Marion Rousse, la directrice de la course féminine ?
Ancienne championne de France de cyclisme sur route devenue consultante pour la télévision française, Marion Rousse dirigera à partir de l'été prochain le Tour de France femmes, dont elle révèlera le tracé jeudi.
Coureuse cycliste, championne de France, consultante TV, ambassadrice du cyclisme féminin, direction de course… À seulement 30 ans, Marion Rousse a déjà porté de multiples casquettes dans le monde du vélo. ASO, la société organisatrice du Tour de France, lui en a ajouté une nouvelle dimanche 10 octobre, en la nommant patronne de la Grande boucle version féminine, une tâche dont elle dit être "honorée".
"Quand j'étais petite fille, je regardais le Tour de France à la télé avec admiration et lorsque j'ai commencé ma carrière, je me doutais que je n'allais jamais avoir l'occasion de le courir", a réagi Marion Rousse sur Instagram. "J'ai été très fière qu'on pense à moi pour s'occuper de ce Tour de France femmes avec Zwift, et surtout parce que nous souhaitons faire le maximum pour que des petites filles rêvent d'y participer."
Marion Rousse aura la lourde tâche de ressusciter la version féminine de la plus prestigieuse des courses cyclistes par étape du calendrier. L'épreuve n'a jamais su se pérenniser, malgré une course pionnière en 1955, de multiples éditions couronnées de succès dans les années 1980 et les trois victoires de Jeannie Longo, et une longue déchéance dans les années 1990 et 2000.
Une vie dédiée au cyclisme
Marion Rousse semble cependant être la femme de la situation pour imposer le "Tour de France femmes avec Zwift" dans le calendrier. Elle est l'une des plus fidèles ambassadrices du cyclisme féminin. Début octobre, alors qu'avait lieu la toute première édition féminine de Paris-Roubaix, elle déclarait dans Le Parisien : "On sent que le cyclisme féminin a enfin trouvé sa place."
La native du Nord, qui n'a "jamais raté une édition" de la classique aux pavés, sait de quoi elle parle : elle a dédié sa vie au cyclisme. Difficile de faire autrement lorsqu'on naît tout près de la frontière belge dans une famille de mordus de la petite reine avec trois cousins, anciens professionnels (David et Laurent Lefèvre et Olivier Bonnaire).
Malgré un terreau familial propice, Marion Rousse doit tout de même prendre sa première licence dans le dos de son père. Dès ses premières années, elle garde le souvenir d'une bienveillance d'un peloton pourtant exclusivement masculin dans les catégories jeunes.
"À cette époque, j'avais des idoles, mais plutôt masculines, des sprinteurs comme Robbie McEwen ou plus tard Tom Boonen", se souvient-elle dans Sans Filtre. Logique quand on sait que les exemples de grandes championnes cyclistes manquent, à l'exception de Jeannie Longo.
Marion Rousse mène sa barque et parvient à intégrer l'équipe de France ainsi qu'un sport-études à Cambrai. En 2012, elle devient au cours de la même année championne de France Espoirs et Élite. Un petit exploit qui lui ouvre les portes de la Lotto-Soudal, l'une des plus grosses formations mondiales.
De la selle à la télé
Encore active dans les pelotons, elle est approchée par Guillaume Di Grazia, rédacteur en chef des "Rois de la pédale", l'émission cycliste phare d'Eurosport. D'abord simple interviewée, elle se voit vite proposer un poste de consultante pour le Tour d'Espagne 2013, tant elle passionne sur le plateau.
"J'ai finalement eu cette double vie pendant deux ans, avec des résultats dans ma carrière sportive forcément en demi-teinte. J'avais cette impression que je pouvais faire beaucoup mieux dans les deux domaines. J'ai finalement eu une discussion avec Guillaume pour me consacrer pleinement à ce métier qui me plaisait et qui me permettait de prolonger ma passion", explique-t-elle dans Sans Filtre. "À 25 ans, c'est jeune pour être retraitée, mais avec 19 ans de vélo derrière moi, je ne pouvais pas avoir de regrets. Je laissais sans état d'âme cette pression des résultats derrière moi."
Elle prend donc sa retraite sportive en 2015, à un âge où la plupart des cyclistes ne sont pas encore arrivés à maturité en matière de compétitivité. Une retraite en partie motivée par la précarité au sein du peloton féminin, où seule une poignée d'athlètes gagnent suffisamment bien leur vie pour ne se consacrer qu'à leur carrière, laissant les autres jongler entre deux métiers. Dans une interview à Libération en 2017, elle dira être désormais mieux rémunérée "que quand [elle était] payée au smic dans sa carrière cycliste".
"Quand on la prend avec nous, elle est encore pro mais il n'y a rien à gagner dans le vélo féminin. Tu dors dans des dortoirs, tu te changes dans la voiture de papa et maman, c'est la réalité", explique Guillaume Di Grazia dans l'Équipe.
Elle s'épanouit pleinement dans sa nouvelle vocation. Ses collègues la décrivent unanimement comme une grande travailleuse, toujours à l'affût de détails grâce à son réseau dans le peloton pro. De la relative confidentialité d'Eurosport, elle bascule chez France Télévisions, où elle devient la première femme à commenter le Tour de France. Preuve de son succès, elle est lauréate du prix du Meilleur consultant 2019 attribué par les Trophées de la reconversion.
"Femme de" ?
Malgré sa brillante carrière cycliste et celle florissante de consultante TV, Marion Rousse a été confrontée au sexisme de ceux qui la renvoient à son statut de "femme de". Côté vie privée, elle a en effet d'abord été l'épouse du coureur d'AG2R-Citroën Tony Gallopin. Désormais, elle est la complice de Julian Alaphilippe, le double champion du monde français, avec qui elle a eu un enfant en juin 2021. Un fils, Nino, qui fut d'ailleurs involontairement une des stars du Tour 2021 : de nombreuses pancartes ont fleuri sur les bords des routes pour saluer sa naissance tandis que son père lui a dédié sa victoire sur la première étape.
Bien que la consultante s'efforce de rester professionnelle en toutes circonstances, même quand elle commente les performances de "Loulou", la relation attise la suspicion, voire les moqueries. Le 5 septembre 2020, en plein Tour de France, elle est caricaturée au lit avec le coureur de la Deceuninck-Quick-Step dans L'Humanité. Devant le tollé suscité, le journal présente ses excuses, retire la caricature et arrête sa collaboration avec le dessinateur Espé, qui disait vouloir "évoquer la porosité entre médias et sports" avant de concéder "une erreur".
"J'ai un peu plus d'émotion mais je suis professionnelle. Les gens s'en foutent de savoir que je suis la copine de Julian, je suis là pour faire mon travail, pour apporter le plus d'information possible aux gens et je prends mon métier vraiment très au sérieux", avait-elle réagi dans l'Équipe après la polémique.
Gravir les échelons jusqu'au Tour de France
En 2019, elle est nommée directrice adjointe du Tour de La Provence. L'année suivante, elle devient également directrice adjointe du Tour de Savoie Mont-Blanc. De nouvelles expériences qui lui permettent de découvrir des pans du cyclisme qu'elle ne connaissait que peu jusqu'ici.
C'est donc tout naturellement que Christian Prudhomme, le patron du Tour de France, pense à elle pour prendre les rênes du futur événement féminin.
"Si l'épreuve a vocation à devenir la course de référence du cyclisme féminin, il était évident de faire appel à la meilleure ambassadrice de ce sport, connue et appréciée du grand public comme des experts", a indiqué Christian Prudhomme, qui devrait être présent également sur la course en juillet prochain. "Et son enthousiasme immédiat à nous rejoindre confirme l'élan qui porte la naissance de l'événement."
"Le cyclisme féminin a beaucoup évolué ces dernières années, en partie grâce à ASO, mais il manquait une course à étapes de référence avec une réelle résonance médiatique", a réagi la jeune retraitée des pelotons.
Jeudi 14 octobre, elle effectuera sa première sortie en tant que directrice : lors d'une cérémonie au Palais des congrès de Paris, c'est elle qui révèlera le parcours de la course et de ses huit étapes, qui auront lieu du 24 au 31 juillet.