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Arts et People

TÉMOIGNAGE. "J'ai peur que le serial killer qui a assassiné ma fille ne soit pas jugé pour ce crime"

Juan Antonio a tout fait pour aider les autorités à mettre la main sur le criminel qui a assassiné sa fille. Mais les procédures judiciaires longue mettent le père éploré en colère. En mars dernier, à Cuautla (dans l'Etat de Morelos, au Mexique), un paysan fait une macabre découverte dans un terrain vague qui jouxte sa ferme. Il est intrigué par une mèche de cheveu qui sort de terre. En creusant un peu, il trouve le corps sans vie d'une jeune femme. Cette dernière s'appelle Evelin Afiune. Elle a été portée disparue la veille par ses parents. Son père, Juan Antonio, qui est allé reconnaître le corps, l'a identifiée grâce à une petite cicatrice qu'elle avait sur le mollet. L'homme a tout de suite collaboré avec la police pour retrouver l'assassin de sa fille, qui venait d'obtenir son diplôme universitaire. Rapidement, l'identité du tueur est dévoilée : il s'agit de Greek Roman, un homme de 38 ans, soupçonné d'avoir commis au moins sept autres féminicides, dont deux opérés après la mort d'Evelin. La police l'arrêtera trois mois plus tard, dans l'Etat voisin de Veracruz. Or la loi mexicaine est très claire : l'accusé sera d'abord jugé dans l'Etat où il a été arrêté. Il devra y répondre de la mort de Viridiana Moreno Vasquez, 31 ans, et de celle de la jeune Meliza Ortega Camacho, 17 ans. Juan Antonio multiplie les déclarations pour mettre en lumière l'injustice évidente que subit sa famille Ce n'est qu'ensuite qu'il sera de nouveau jugé pour l'assassinat d'Evelin. Juan Antonio ne décolère pas : "La police a bâclé les recherches, ici, à Morelos. Elle a permis à ce criminel de fuir de l'Etat. Résultat, la mort de ma fille passe après, alors que c'est grâce à nous qu'il a été identifié !" D'autant plus rageant que Greek Roman a déjà bénéficié de largesses de la justice : il a été libéré en 2012, alors qu'il était accusé de viol, pour vice de procédures... La date du premier procès approchant, Juan Antonio multiplie les déclarations pour mettre en lumière l'injustice évidente que subit sa famille. Juan Antonio rappelle d'abord les faits : "Le modus operandi de Greek Roman est toujours le même. Il change d'abord d'identité, puis fait des propositions d'emplois à des jeunes filles pour les allécher et les piéger. Il les tue après les avoir violées et se débarrasse des corps très rapidement... Nous avons tout de suite fouillé l'ordinateur d'Evelin pour essayer de comprendre comment elle avait pu suivre un inconnu, et nous avons transmis à la police tous les échanges entre elle et son futur assassin. C'est comme ça qu'ils l'ont identifié. Mais les policiers ont commis une erreur fatale : un agent a appelé Greek Roman pour lui demander de se présenter au commissariat ! De plus, personne n'a réagi quand le serial killer ne s'est pas présenté. " "Pendant que les autorités suivaient des impasses, le meurtrier était déjà loin" L'assassin a donc pris tout son temps. La famille a eu accès à une vidéo accidentellement divulguée sur Internet, où on le voit déplacer des cartons avec un diable depuis le salon de coiffure où il aurait tué Evelin (à 600 m de l'endroit où on retrouvera le corps de la jeune fille). "La police a fait une fixette sur le petit ami de ma fille, regrette également Juan Antonio. Je ne sais pas pourquoi, mais on a eu l'impression que c'était l'unique suspect et que les recherches s'arrêtaient à lui. Les policiers se sont rendus à son domicile le jour de la veillée funèbre, accompagnés de membres du parquet, pour tenter de l'emmener pour reprendre sa déposition. Il l'avait pourtant déjà faite ! Et surtout, c'est lui qui a reconnu ma fille sur une vidéo d'une cafétéria, accompagnée d'un inconnu." Pour le père endeuillé, c'est inexcusable : "Pendant que les autorités suivaient des impasses, le meurtrier de ma fille était déjà à des kilomètres de là où elle a été tuée, et il en a profiter pour assassiner deux autres jeunes filles. " La procureure spécialisée dans l'unité féminicide de l'Etat de Morelos, Fabiola García Betanzos, se défend pourtant de tout manquement dans l'enquête. Et explique que toutes les pistes ont été vérifiées, y compris, en effet, celle d'une éventuelle responsabilité du petit ami dans l'homicide. Toujours est-il que le procès pour le crime d'Evelin n'est pas encore à l'ordre du jour pour les autorités judiciaires. On estime qu'il y a 10 féminicides par jour au Mexique On comprend mieux la colère de Juan Antonio. D'autant que l'on estime qu'il y a environ 10 féminicides par jour au Mexique. Comme dans le cas d'EvelIn, les autorités judiciaires sont souvent accusées par les familles des victimes de négligences. Elles refusent désormais systématiquement les thèses officielles, qui supposent que les jeunes femmes se seraient suicidées ou auraient eu un accident. Rien que dans l'Etat de Puebla où vit Juan Antonio, du 1er janvier au 1er août 2022, on recense déjà 22 féminicides. Un chiffre en forte hausse par rapport au 23 cas recensés sur l'ensemble de l'année 2021. Juan Antonio conclut : "Je n'abandonnerai jamais tant que justice ne sera pas faite. Là où elle est, Eve-lin sait que je me battrai jusqu'au bout... Et je suis quelqu'un qui tient toujours sa parole. Envers et contre tous."

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