TÉMOIGNAGE. “Ma mère octogénaire est décédée après 44 heures passées aux urgences”
Josette se faisait une joie d'intégrer son Ehpad, le 13 décembre 2023. “Il se trouve en centre-ville et j'avais expliqué à ma mère qu'on pouvait se balader dans le jardin et aller au restaurant ce qu'elle adorait, car elle était bonne vivante”, explique sa fille Marie-Pierre. Malheureusement, Josette n'a pas pu profiter longtemps de son nouveau cadre de vie. Six jours après son arrivée, son état de santé s'est brutalement détérioré. “Elle avait 8,6 de tension, 92 % de saturation en oxygène et ne répondait plus aux questions. Le médecin de l'Ehpad a décidé d'appeler une ambulance pour la faire hospitaliser. ” La dame âgée arrive à l'hôpital Simone Veil à Eaubonne, dans le Val-d'Oise, à 19 heures. Elle est rapidement reçue par une aide-soignante mais, quand sa fille arrive à 21 heures, elle se trouve sur un brancard dans un couloir. A minuit, Josette n'a toujours pas été vue par un médecin et grelotte. “Elle n'avait qu'une chemise de nuit et un drap jetable alors qu'elle était en plein courant d'air. J'ai demandé aux soignants s'ils pouvaient nous donner une couverture, mais ils m'ont répondu qu'ils n'en avaient pas. Je lui ai donc donné ma doudoune avant de partir”, raconte Marie-Pierre, 55 ans.
Josette souffre d'une insuffisance rénale aiguë et de déshydratation
Josette va passer toute la nuit dans le couloir de cet hôpital, Quand sa petite-fille arrive à 10 h 30, elle n'a toujours pas été vue par un médecin. Dans l'après-midi, sa petite-fille demande une collation pour la dame âgée qui n'a rien mangé depuis la veille. “Ils lui ont donné une compote, mais ma mère n'a pu avaler que deux ou trois cuillères. Ma nièce a également demandé que la protection contre l'incontinence de ma mère soit changée, car cela faisait vingt-deux heures qu'elle ne l'avait pas été. ” L'octogénaire est enfin vue par un médecin, à 19 heures, qui constate qu'elle a un globe urinaire nécessitant la pose d'une sonde et prescrit un bilan complet. Quelques heures plus tard, les résultats tombent : Josette souffre d'une insuffisance rénale aiguë et de déshydratation et a des œdèmes au niveau des membres inférieurs. Les médecins décident donc de la placer en unité gériatrique aiguë (UGA). Marie-Pierre aperçoit alors enfin le bout du tunnel avant de tomber de haut. “Le 21, en tout début d'après-midi, on nous a dit qu'il n'y avait pas de place dans l'UGA et que ma mère devait réintégrer son Ehpad avec une hospitalisation à domicile. ” Le 21 décembre, Josette quitte l'hôpital Simone Veil à 15 h 05. Traumatisée par ce qu'elle vient de vivre, elle va baisser les bras. “Elle a arrêté de manger et refusait qu'on la touche alors que j'avais l'habitude de lui caresser les cheveux. Je lui ai demandé si c'était une volonté de sa part de ne plus s'alimenter et elle m'a répondu oui”, explique Marie-Pierre. Son état de santé se dégrade et Josette décède le 4 janvier. Depuis, sa fille se mobilise pour dénoncer les manquements constatés. “Le 21 décembre, à sa sortie de l'hôpital, j'ai déposé une main courante au commissariat pour négligence médicale sur une personne vulnérable. ” Un mois plus tard, Marie-Pierre porte plainte pour les mêmes raisons et tente d'envoyer, sans succès, le dossier à l'Agence régionale de santé (ARS).
“J'ai décidé de me battre pour que les hôpitaux réagissent enfin”
“Quand ma mère a quitté l'hôpital, j'ai aussi envoyé un mail à la directrice de l'établissement pour dénoncer sa prise en charge inadmissible. Elle m'a répondu le jour même qu'elle allait lancer une enquête et qu'elle reviendrait vers moi dans les plus brefs délais, mais je n'ai eu aucun retour. ” En mémoire de sa mère adorée, Marie-Pierre ira jusqu'au bout : “J'ai décidé de me battre pour que les victimes de cette forme d'inhumanité se mobilisent et que les hôpitaux réagissent enfin. On ne peut pas laisser une femme de 83 ans dans un couloir pendant quarante-quatre heures. ”
Article publié dans le numéro 924 de Closer