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Arts et People

TÉMOIGNAGE. “J'ai passé 3 ans en prison, car des médecins ont déclaré que j'avais avorté alors que je faisais une fausse couche”

Aurelia García Cruceño a 19 ans quand elle commence à subir les agressions sexuelles du principal policier du village de Xochicalco, dans l'Etat de Morelos (au sud de Mexico), où elle habite avec sa famille. Le village compte une très importante communauté indigène qui, en majorité, ne parle pas l'espagnol mais le nahuatl. Le policier en question a trente ans de plus qu'elle. La jeune Mexicaine finit par tomber enceinte, mais n'en parle à personne par peur des représailles de sa famille ou de sa communauté pour avoir eu un enfant hors mariage. Elle se réfugie alors chez sa tante, à Iguala, une ville située dans l'Etat de Guerrero. Quatre mois plus tard, le 2 octobre 2019, alors qu'elle est seule à la maison, elle commence à ressentir de fortes douleurs au ventre et à saigner. A son réveil, Aurelia est accusée “d'homicide lié à la parenté” “J'étais en train de faire une fausse couche. J'avais très peur de mourir. Il y avait du sang partout, raconte Aurelia. Quand ma tante est rentrée et qu'elle a vu la quantité de sang que j'avais perdu, elle a appelé une ambulance. Les services d'urgence m'ont emmenée à l'hôpital pour me soigner tant la situation était grave. ” Aurelia était sur le point de faire un “choc hypovolémique” dû à un manque de sang dans son corps. Arrivée à l'hôpital, elle perd connaissance. A son réveil, la jeune femme est menottée au lit et accusée “d'homicide lié à la parenté”. Sa fausse couche avait été déclarée par les soignants comme un “avortement”. Ils lui demandaient : “Où est le bébé ? Pourquoi l'as-tu tué ?” Peu après, elle est transférée dans une prison d'Iguala, où elle restera enfermée trois ans. “Aurelia a été forcée d'accepter sa responsabilité” Aurelia n'a pas vraiment été aidée par les avocats qu'on lui avait donnés à l'époque. “Je ne parlais pas l'espagnol, raconte-elle, je leur ai fait confiance. Ils m'ont dit de signer un papier où j'acceptais de passer treize ans en prison au lieu des cinquante encourus pour un tel crime ! Je ne savais même pas ce que je signais. Il n'y avait pas d'interprète dans cette prison… ” Selon la présidente de l'une des plus grandes associations féministes mexicaine, Las Libres, “Aurelia a été forcée d'accepter sa responsabilité, car on ne lui a jamais expliqué dans sa langue, clairement et sans l'usage de termes techniques, les conséquences de ce qu'elle acceptait. ” La Cour suprême du Mexique a bien dépénalisé l'avortement en septembre 2021. Mais de nombreux Etats, qui ont un fort pouvoir sur les lois et la justice, continuent de contourner cette dépénalisation en condamnant les femmes, non pas pour avortement, mais pour d'autres crimes comme l'homicide par la parenté, la mise en danger d'autrui, voire l'infanticide. Les associations féministes estiment qu'il y aurait environ deux cents femmes emprisonnées pour les mêmes raisons qu'Aurelia. Soutenue par ces associaions, la jeune femme a choisi de confier sa défense à de nouveaux avocats qui se sont battus pour que l'affaire soit réexaminée. Une juge vient tout juste de casser le jugement et de déclarer Aurelia innocente de tous les chefs d'inculpation à cause de l'incohérence des preuves fournies par l'accusation. “Je veux étudier pour devenir enseignante bilingue” Aujourd'hui, Aurelia goûte à nouveau aux joies de la liberté auprès de ses parents qui l'ont toujours accompagnée. A sa sortie, elle a tenu à remercier ses soutiens : “Merci beaucoup pour tous les efforts que vous avez fournis pour me faire libérer. Je vous souhaite à tous le meilleur. ” Et d'ajouter : “Au cours de ces trois années de prison, j'ai appris à parler espagnol. Maintenant, je veux étudier pour devenir enseignante bilingue et permettre aux enfants indigènes qui parlent ma langue, le nahuatl, de maîtriser les rudiments de l'espagnol. ” Un combat qui prend tout son sens quand on connaît l'histoire d'Aurelia. Aujourd'hui, Aurelia reprend la vie des jeunes filles de son âge. La jeune femme a retrouvé la liberté et le sourire. Elle rêve d'enseigner l'espagnol aux enfants indigènes du Mexique. De nombreuses associations féministes ont soutenu Aurelia durant son incarcération.

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