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"Ses réserves de voix sont faibles" : quelle stratégie pour Emmanuel Macron avant le second tour ?

ÉLYSÉE 2022 Emmanuel Macron lors de son discours à l'issue des résultats du premier tour de la présidentielle, le 10 avril 2022. Malgré sa légère avance au premier tour de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron devra convaincre au-delà de son camp pour être réélu à l'Élysée. Les principaux électeurs à aller chercher sont les quelques 22 % qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour. Une tâche qui s'annonce ardue alors que Marine Le Pen tente de faire du scrutin un vote "anti-Macron".  En 2017, à l'issue du premier tour de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron se qualifiait pour le second tour face à Marine Le Pen avec une faible avance, 24 % contre 21 %. Cette fois-ci, les deux candidats ont près de six points d'écart. Pourtant, l'écart entre les deux candidats au deuxième tour s'annonce plus serré qu'il y a cinq ans : selon des sondages réalisés dimanche, les intentions de vote oscillent entre 51 % et 54 % pour Emmanuel Macron, contre 46 % à 49 % pour sa rivale d'extrême droite. En cause, notamment, une réserve de voix plus importante pour la candidate du Rassemblement national. "Les réserves de voix dont dispose Emmanuel Macron sont très faibles", explique Martial Foucault, directeur du Ceviprof, sur France 24 lundi 11 avril. "Les scores du Parti socialiste (1,74 %) et des Républicains (4,78 %) montrent qu'une partie de leurs électeurs ont déjà voté 'utile'. Et les plus 'Macron-compatibles' d'entre eux ont donc déjà donné leur voix au président sortant."   Et si Emmanuel Macron pourra certainement compter sur les électeurs de Yannick Jadot (4,63 %) et de Fabien Roussel (2,28 %), après que les deux candidats ont appelé à faire barrage à l'extrême-droite, "cela représente, au total, très peu de suffrages", estime le politologue. À l'inverse, Marine Le Pen devrait bénéficier au second tour d'un large report des voix des 7 % d'électeurs de son rival d'extrême droite Éric Zemmour et des 2 % du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, qui ont tous deux indiqué qu'ils voteraient pour elle le 24 avril.  Convaincre à gauche et résister au vote "anti-Macron" Pour Emmanuel Macron, tout l'enjeu de cet entre-deux-tours est donc de convaincre les 22 % d'électeurs qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon. "Aujourd'hui, même si le candidat insoumis a appelé à ne pas donner une seule voix à l'extrême droite, les différentes prévisions donnent un tiers de ces voix à Emmanuel Macron, un tiers à Marine Le Pen et un tiers à l'abstention", note Martial Foucault. "Le rôle de Jean-Luc Mélenchon ces quinze prochains jours va donc être déterminant." "Pour arriver en tête du premier tour, Emmanuel Macron a capté l'électorat de droite. Il doit maintenant choisir s'il veut renier en partie certaines de ses propositions - je pense à la réforme des retraites - ou non pour capter l'électorat de Jean-Luc Mélenchon", analyse de son côté sur France 24, Jérémie Peltier, directeur des études à la Fondation Jean Jaurès.  Autre réserve de voix importante : les 26 % d'abstentionnistes, qu'il faudra décider à se rendre aux urnes. Dimanche soir, le président-candidat a ainsi remercié ouvertement Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Fabien Roussel qui ont appelé à voter pour lui. Et il est allé plus loin, assurant "tendre la main à tous ceux qui veulent travailler pour la France", et appelé à fonder, au-delà des "différences", "un grand mouvement politique d'unité et d'action". L'opération séduction à gauche s'annonce cependant ardue pour le président sortant. "Emmanuel Macron risque d'être pris au piège de la situation qu'il a lui-même créée", estime Martial Foucault.  "Pendant cinq ans, il a voulu faire de Marine Le Pen sa principale rivale, en ayant une politique très à droite. Cela lui a valu des critiques constantes du camp insoumis et il va être difficile de les faire changer d'avis en quinze jours", poursuit le politologue. "Mais surtout, se sont accumulés des rancœurs, des colères sociales et politiques. Et face à cette situation, il est possible que le front républicain qui pourrait lui donner la victoire n'émerge pas, et qu'à l'inverse se mette en place une coalition basée sur un ressentiment à son encontre." D'où la stratégie du Rassemblement national (RN) pour cet entre-deux-tours : inciter les électeurs à voter "contre Macron". "Le second tour, ça va être l'anti-Macron" et il ne faut pas "réduire le réservoir de voix à LR ou Éric Zemmour", a ainsi assuré le président par intérim du RN, Jordan Bardella.  Dimanche, Marine Le Pen n'a d'ailleurs pas eu une parole pour son rival d'extrême droite. Elle s'est en revanche appliquée à se présenter comme la présidente "de tous les Français", invitant "tous ceux qui n'ont pas voté" pour Emmanuel Macron à la "rejoindre" pour la "grande alternance dont (la) France a besoin". Décrédibiliser l'extrême-droite En parallèle, Emmanuel Macron mise sur une autre stratégie : rappeler sans cesse que la victoire n'est pas gagnée et décrédibiliser autant que possible le programme de sa rivale. "Rien n'est joué", a-t-il ainsi martelé à plusieurs reprises lors de cette prise de parole. "Je veux convaincre dans les jours à venir que notre projet répond bien plus solidement que celui de l’extrême droite aux peurs et aux défis du temps (...). Une France qui empêche les musulmans ou les juifs de manger comme le prescrit leur religion, ce n’est pas nous", a ainsi avancé le président dimanche soir,. "Dans ce premier tour, Marine Le Pen a réussi un pari : celui de la crédibilité. Sur certaines thématiques, notamment le pouvoir d'achat, les enquêtes montrent qu'elle est désormais considérée comme la candidate la plus crédible juste derrière Emmanuel Macron. C'est quelque chose de nouveau", souligne sur France 24 Benjamin Morel, politologue à l'université Paris Panthéon-Assas. "Tout le jeu d'Emmanuel Macron va donc consister, aussi, à la renvoyer dans le camp de la diabolisation et à l'épingler sur cette question de la crédibilité", poursuit le politologue.  Être "au contact" Pour tenter de convaincre, après une campagne du premier tour dont il a été le grand absent, le président-candidat a par ailleurs d'ores et déjà annoncé plusieurs déplacements dans les deux prochaines semaines. Ce lundi, il se rend en terre lepéniste, à Denain, dans le Nord. Mardi, il ira dans le Grand Est, à Mulhouse et à Strasbourg, une capitale régionale où plus d'un tiers des électeurs ont voté pour Jean-Luc Mélenchon. Selon son entourage, un grand meeting à Marseille est également prévu samedi.  "Il y a eu des contraintes", a assuré dimanche soir Emmanuel Macron en citant le conflit russo-ukrainien et "l'égalité du temps de parole entre les candidats", "mais vous verrez que je serai matin midi, et soir à convaincre et au contact", a-t-il assuré.  De son côté, Marine Le Pen a prévu de réunir ses cadres lundi à Paris pour faire le point sur la stratégie du second tour. Avant de tenir mardi une conférence de presse sur la "démocratie" et l'exercice du pouvoir".

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