Rythme effréné, surveillance des salariés... On s'est fait embaucher chez Amazon
A quelques jours de Noël, plus d'un français sur deux a recours à Amazon pour ses achats de Noël, selon un sondage Opinion Way. L’Oeil du 20H s’est fait recruter par le géant américain et vous dévoile l'envers du décor.
A quelques jours de Noël, vous êtes un Français sur deux à faire appel à Amazon pour vos cadeaux.
L’Oeil du 20H s’est fait recruter par le géant américain et vous emmène dans les coulisses d'un site de distribution.
A l’approche des fêtes, le n°1 du commerce en ligne publie des centaines d’annonces pour recruter des intérimaires. C’est le cas du site de Lauwin-Planque, près de Douai (Nord). 300 postes à pourvoir. Aucune qualification ni expérience exigées pour ce travail.
Me voilà embauchée comme "préparateur de commande" pour une mission d’un mois. Salaire : 10,88 euros brut de l’heure, 3,5 % de plus que le Smic.
Jeudi 9 décembre, c’est le jour J. Munie d’une caméra cachée, direction l’entrepôt. A 14 heures, nous sommes des centaines d’intérimaires à relayer ceux de la tranche du matin. Avant la prise de service, contrôle de sécurité obligatoire. Et cette consigne : “vous ne rentrez avec rien sur le corps”. Pour éviter les vols, Amazon autorise ses employés à ne garder sur eux qu’une bouteille d'eau et un sac transparent. La sécurité peut ainsi en vérifier le contenu à tout moment.
C'est ensuite par ce message en anglais et en lettres capitales qu’Amazon nous accueille : "travaillez dur, amusez vous et marquez l'histoire", mantra du fondateur d'Amazon, Jeff Bezos. Le ton est donné pour notre vacation de 7h.
“C’est les 15 jours là, où il ne faut pas être absent ou avoir de retard, même pas une minute. Même la maladie, ça ne marche pas nous prévient notre formatrice.
Pour ma mission, je suis affectée au “Pick”, comprenez en français : au ramassage des articles dans les 90 000 mètres carrés d’entrepot, soit l’équivalent de quatorze terrains de football. Mon outil indispensable : le scanner. Pour faire face au pic d’activité des fêtes de fin d’année et ses millions de d’envois de colis par semaine, chaque minute compte. Ce scanner permettrait aussi aux managers de nous contrôler selon cette collègue, même si Amazon dément surveiller ses salariés : "si jamais tu t’arrêtes dans un rayon, ton biper va détecter que tu t’es arrêtée. Si tu t’arrêtes comme ça, ils vont venir te voir".
Ce jour-là, en fin de vacation, un message sur mon scanner m’invite à monter voir les managers pour faire le bilan de mes 48 premières heures : “salut, peux-tu venir en P4D stp. Merci". L'un deux m'explique alors : “la production d’Amazon, c’est d’être à 100%. Tu as commencé hier. Là, tu es à 40% de perf, aujourd’hui on essaie de voir pour 50%. Ca me dérange quand ça ne monte pas progressivement”.
La performance. Dans le langage Amazon, c’est le nombre de produits ramassés et le temps passé entre chaque scan". Et le manager, face à moi, tient un discours aux accents de coach sportif : “ l’objectif, c’est de ne pas te blesser" ajoutant qu'il n'est pas permis de faire de pause à l'exception de celle autorisée.
Entre 14H10 et 21H20, je vais parcourir 15 km ce jour-là. Une seule pause de 35 minutes, dont 25 rémunérées. Un rythme que certains trouvent ici éprouvant, comme cette intérimaire rencontrée sur mon parcours : "on est plus toutes jeunes, on a plus 20 ans".
Selon Amazon, huit salariés sur dix se disent satisfaits de leurs conditions de travail. Pourtant, un rapport de janvier 2021, commandé par les élus du personnel d’Amazon, dénonce une cadence de travail et un taux d’absentéisme pour accident de travail et maladie qui progresse depuis 2 ans. Un taux particulièrement élevé à Amazon Lauwin-Planque dépassant, selon le rapport, le seuil d’alerte de 8%. "Un taux en-dessous de celui des entreprises du secteur", nuance Amazon. Le rapport invite enfin la direction du groupe “à protéger la santé physique et mentale de chaque travailleur”.
Chritophe Bocquet, représentant syndical FO à Amazon Lauwin-Planque, entré chez Amazon il y a 8 ans, dénonce aujourd’hui ce qu’il appelle "la face cachée" du groupe : “le business à outrance, la deshumanisation des personnes. On nous considère comme des robots.”
Contacté, Amazon dit chercher en permanence à s’améliorer pour offrir le meilleur environnement de travail possible à ses salariés. Quant à nous, nous déchirerons le chèque de ces 2 jours ½ de travail.
Parmi nos sources :
La réponse d'Amazon à nos questions (sur cinq pages) :
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Rapport Amazon France Logistique (janvier 2021) : Examen de la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi 2019