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"Rite de passage" ou contrôle continu : en Europe, le casse-tête des examens en fin de lycée

Jeudi 17 juin, 526 000 lycéens de filières générales et technologiques plancheront au même moment sur un examen de philosophie. Top départ d'un baccalauréat chamboulé par le Covid-19. Cette année encore, le baccalauréat est chamboulé par la crise sanitaire. En France, seules deux épreuves finales sont maintenues pour les Terminales : la philosophie et le grand oral. En Europe, certains pays ont pourtant décidé de maintenir leurs examens dans la forme originale. Exception faite du Royaume-Uni qui a privilégié le contrôle continu. Le compte à rebours est lancé. Jeudi 17 juin, 526 000 lycéens de filières générales et technologiques plancheront au même moment sur un examen de philosophie. Comme le veut la tradition en France, cette "épreuve reine", souvent redoutée, marque le top départ du baccalauréat.  Crise sanitaire oblige, ce "rite de passage", comme il est souvent présenté, est cependant chamboulé. Si en 2020, les épreuves avaient été annulées au profit d'un contrôle continu total, cette année, le gouvernement a décidé d'opter pour un format hybride.  En théorie, pour les élèves des filières générales, soit un peu plus de la moitié des lycéens, un format hybride était déjà censé être mis en place cette année avec la réforme Blanquer. Le nouveau bac se compose, en effet, d'un tronc commun de matières, complété par deux spécialités au choix, et 40 % de la note finale est issue du contrôle continu. Pour cette session 2021, seuls l'épreuve de philosophie et le grand oral, exercice inédit, ont été maintenus. Pour les autres matières, c'est le contrôle continu qui prévaut, et cette année compte donc au minimum pour 82 % de la note finale des candidats.  "Ce qui m'a paru important, c'est de maintenir une épreuve terminale. En même temps cette année, nous devions avoir une bienveillance particulière vu la situation", expliquait début juin le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Maintenir un rite de passage Contrairement à la France, plusieurs pays d'Europe ont décidé de maintenir l'examen qui marque la fin des études secondaires dans sa forme habituelle. En Belgique francophone, les élèves passeront normalement l'ensemble des diplômes nationaux : le CEB, qui conclut la fin de la primaire (à 12 ans), le CE1D, en deuxième année de secondaire (14 ans) et le CESS qui marque la fin des études secondaires. Mais ce dernier est bien plus léger que le bac puisqu’il ne comporte que deux épreuves, l'histoire et le français.  Même chose pour les lycéens espagnols, qui obtiennent à la fin de leurs deux années de lycée le bachillerato, via le contrôle continu. En revanche, s'ils souhaitent poursuivre à l'université, ils doivent s'inscrire à la Selectividad, des épreuves écrites. Celles-ci sont maintenues mais soumises à un protocole sanitaire strict avec port du masque, distanciation sociale, aération des salles etc.  Enfin, en Italie, les élèves n'échapperont pas non plus aux épreuves de la Maturità, à partir du 16 juin, composées notamment d'un oral et d'une épreuve de spécialité. "La France a opté pour un compromis, ce n'est pas l'idéal, mais je pense qu'il était très important de garder ces épreuves", réagit auprès de France 24 Marie Duru-Bellat, sociologue de l'éducation. "Il fallait garder ce rituel, ce 'rite de passage'", insiste-t-elle. "Les élèves auraient certainement été déçus de ne pas vivre ça." Une position partagée par Sophie Vénétitay, secrétaire générale adjointe du SNES-FSU, l'un des principaux syndicats enseignants, contactée par France 24. "C'était important d’avoir des épreuves en fin de lycée. Cela couronne réellement la scolarité", explique-t-elle. "Plus important encore, selon nous, avoir des épreuves nationales est ce qui permet de garantir une égalité entre les élèves".  En mars dernier, lorsque Jean-Michel Blanquer avait annoncé l'annulation des épreuves de spécialité, le syndicat avait alors regretté que celles-ci ne soient pas simplement repoussées à une date ultérieure.   Selon Marie Duru-Bellat, il aurait cependant été difficile de suivre l'Italie ou l'Espagne et de maintenir le baccalauréat original. "Le bac fait quand même figure d'exception en Europe car il est très lourd, avec beaucoup d'épreuves", rappelle-t-elle. "Au niveau de l'organisation, cela oblige les établissements à libérer certains élèves pendant plusieurs jours. Maintenir les épreuves normalement aurait encore écourté une année scolaire déjà bien perturbée." Le "grand rendez-vous républicain” en a pris un sacré coup" Si cette solution convenait à certains, les nouveaux aménagements annoncés début mai par Jean-Michel Blanquer ont cependant provoqué l'ire des syndicats, enseignants et parents d'élèves. Certes, les élèves devront plancher sur l'épreuve de philosophie, mais son enjeu est aussi amoindri. Pour cause, la note qui sera retenue sera la meilleure entre celle du contrôle continu et celle de l'examen écrit. "C’était la pire décision", martèle Sophie Vénétitay. "Cela dévalorise totalement l’épreuve terminale mais aussi le travail des correcteurs et des professeurs." Côté grand oral, même consigne de la part du ministère. Face aux nombreuses critiques sur les difficultés de préparation de cette épreuve inédite, le ministre a appelé récemment à "la bienveillance" dans la notation.   "C'est absurde. Avec ces annonces, le 'grand rendez-vous républicain' en a pris un sacré coup", déplore auprès de France 24 Claude Lelièvre, historien de l'éducation. "D’un côté, le ministère affiche une grande rigueur, de l’autre il invite à une grande bienveillance. Avec ces consignes indulgentes, le grand oral, n’aura de 'grand' que l’adjectif", poursuit-il.  La solution du contrôle continu ?  Face à ces aménagements, d'autres syndicats militaient, eux, pour un contrôle continu intégral, comme en 2020. "Selon nous, c'était la solution la plus adaptée aux vues des difficultés que nous avons connues toute l'année. Par ailleurs, les enseignants auraient été bien mieux préparés puisqu'ils auraient tiré les conclusions de l'année dernière", explique Claire Krepper, secrétaire nationale de l'Unsa. Cette solution est celle qu'a adoptée le Royaume-Uni. Cette année, pas de GSCE, l'équivalent du brevet, ou de A-Levels, l'équivalent du baccalauréat. Les élèves ne sont évalués que sur la base de leur travail durant l'année.  L'an dernier, l'annulation des épreuves avait provoqué un tollé outre-Manche. Les notes avaient été attribuées par un algorithme et des milliers d'élèves avaient obtenu des notes inférieures aux prédictions de leurs professeurs, leur fermant alors l'entrée à certaines universités. Cette fois, le gouvernement a donc laissé aux professeurs exclusivement la tâche de noter leurs élèves.  Et cette solution est loin de faire l'unanimité, plusieurs voix dénonçant une "rupture d'égalité" en fonction des catégories socio-professionnelles des élèves ou des établissements dans lesquels ils sont scolarisés. Une étude de l'université de Londres, publiée le 8 juin, montre ainsi que les élèves issus d'un famille dont les membres sont eux-mêmes diplômés ont plus de chance d'avoir une note favorable.  "De toute façon, les élèves français sont, pour la majorité, déjà sélectionnés sur Parcoursup sur la base du contrôle continu. Le système est déjà inégalitaire", rétorque Claude Lelièvre.  "C'est pour cela que cette crise sanitaire met encore plus en avant l'importance d'améliorer le système de notation, de réfléchir à ces questions de fond", conclut quant à elle Claire Krepper.

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