Quarante ans après l'attentat du Drakkar, des commémorations sur fond de guerre Israël-Hamas
Le 23 octobre 1983, dans un Liban ravagé par la guerre depuis huit ans, 58 parachutistes français meurent dans l'explosion du Drakkar, un immeuble où était installé l'un des cantonnements français de la Force multinationale de sécurité à Beyrouth (FMSB). Quarante ans plus tard, la blessure reste vive, et les rares survivants s'inquiètent que la guerre actuelle entre Israël et le Hamas ne déborde vers le Liban.
Un soldat français observe, le 25 octobre 1983 à Beyrouth, les décombres de l'immeuble Drakkar.
Quarante ans après l'attentat du Drakkar à Beyrouth qui tua 58 soldats français, la blessure reste vive pour les rares survivants. À l'occasion d'une cérémonie organisée lundi 23 octobre dans la cour d’honneur de l’Hôtel national des Invalides, à Paris, en hommage aux victimes, les anciens soldats ont fait part de leur inquiétude que la guerre actuelle entre Israël et le Hamas ne déborde vers le Liban.
Le 23 octobre 1983, l'immeuble abritant des parachutistes déployés dans le cadre d'une Force multinationale d'interposition (FMI) au Liban vole en éclat. Sur 73 militaires, 58 perdent la vie, les plus lourdes pertes humaines subies en un seul jour par l'armée française depuis la fin de la guerre d'Indochine en 1954.
À l'époque, l'image d'un parachutiste de 20 ans, le regard perdu, tenant la main d'un camarade entièrement enseveli, devient le symbole de la tragédie. Cette main, c'est celle d'Éric Mohamed, 61 ans aujourd'hui, l'un des 15 hommes ayant survécu. "J'étais dans le bâtiment, on venait de se lever quand on a entendu 'exploser' les Américains", se souvient-il lors de la cérémonie d'hommage aux Invalides.
L'explosion est attribuée par Paris à la milice chiite libanaise Hezbollah, soutenue par l'Iran. Elle est expliquée par un camion-suicide bourré d'explosifs, similaire à celui qui a pulvérisé quelques minutes plus tôt le quartier général des marines américains.
"Affabulation !", s'agace Éric Mohamed. "Depuis le quatrième étage, j'avais vue sur l'entrée du garage située à quelques mètres et je peux vous dire qu'aucune voiture piégée n'a pénétré sur le site."
Pour beaucoup au sein de l'Association des rescapés et familles victimes de l'attentat du Drakkar, dont il fait partie, le bâtiment aurait plutôt été miné par les services secrets syriens qui l'occupaient peu avant l'installation des Français.
Le traumatisme reste intense. Et il a été ravivé par l'attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre, suivie depuis de violences entre le Hezbollah et l'armée israélienne à la frontière israélo-libanaise.
"On est inquiets"
"Les événements actuels au Proche-Orient viennent remuer tous ces souvenirs", observe Éric Mohamed. "On est inquiets."
Lundi, le ministre français des Armées Sébastien Lecornu a d'ailleurs tenu à saluer le "courage" des 700 soldats français déployés actuellement au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul, que la FMI avait définitivement intégrée après l'attentat du Drakkar) pour "éviter toute escalade" régionale.
"Nos soldats y connaissent à nouveau les nuits en alerte et les journées de patrouille sous tension", a souligné Sébastien Lecornu, insistant sur "l'Histoire (qui) lie les destins de la France et du Liban" et le "sacrifice de ces 58 chasseurs parachutistes tombés là-bas".
Des mots appréciés par les familles des disparus et la douzaine de survivants coiffés de bérets rouges, arborant fièrement leurs médailles, mais qui viennent "bien tard", selon Annick Devaast, dont le frère aîné Patrick allait avoir 20 ans en 1983. "Je viens d'apprendre de la bouche d'un rescapé qu'il n'est pas mort sur le coup : il a appelé à l'aide pendant deux heures", dit-elle. "Le silence a duré 40 ans, c'est inadmissible."
José Macieira, un autre survivant du Drakkar, a lui aussi vécu toute sa vie avec ce traumatisme.
"Quand on voit se qui se passe aujourd'hui là-bas, on ne peut pas être optimiste", se désespère-t-il. Forcément, ça nous rappelle ce qu'on a vécu. Mais les changements qui s'annoncent sont encore pires."
Avec AFP