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Insolite et Faits divers

Prostitution des mineurs : "J’ai tout offert pour de l’argent", en France, le phénomène s'amplifie

Les chiffres précis à l’échelle des régions sur le proxénétisme des mineurs n'existent pas. Mais selon une étude du ministère de la Santé, le fléau s’aggrave et inquiète, ce que les associations confirment. Le gouvernement lance une campagne auprès des adolescents. « Je m’appelle Nina, j’ai 16 ans, et je reviens de l’enfer. Pendant plus d’un an, je me suis vendue à des inconnus. Mon corps, mon sexe, mon sourire, j’ai tout offert pour de l’argent ». De son histoire, Nina a écrit une autobiographie, Papa, viens me chercher (de Thierry Delcroix et Nina, avec Jacqueline Remy, Éditions de l’Observatoire, 2020). Une alternance de récits de l’adolescente prostituée et de ses parents, seuls dans leur combat pour sortir leur fille de cette emprise. Ce qu’a vécu Nina, beaucoup de jeunes filles le vivent, malgré elles. En France, chaque année, entre 7 000 et 10 000 enfants seraient victimes de prostitution, une évaluation approximative et probablement en deçà de la réalité. Le constat des acteurs institutionnels et associatifs est unanime : la prostitution des mineurs s’accroît et ne se réduit plus seulement à la traite de mineurs d’origine étrangère. A Besançon dans le Doubs, ce phénomène de prostitution des mineurs est bien identifié. Même dans cette petite ville de 118.000 habitants, des jeunes filles se prostituent. “Je pense que cette prostitution s’est accentuée” explique le brigadier en charge de la lutte contre le proxénétisme à l’antenne de la police judiciaire de Besançon. Les proxénètes sont souvent de jeunes délinquants des quartiers, déjà connus de la justice. Un phénomène difficile à quantifier, les services sociaux signalent parfois quelques cas. Les jeunes filles se prostituent quelques semaines, quelques mois. "Elles ne réfléchissent pas toujours aux conséquences. Souvent, après plusieurs mois quand on arrive à les auditionner, elles réalisent qu'elles ont été utilisées" ajoute le policier.  Une progression de 70% en cinq ans en France Selon une étude menée par le ministère de la Santé, la prostitution des mineurs est en augmentation régulière depuis cinq ans. « La police et la gendarmerie ont recensé 400 mineurs victimes de proxénétisme en 2020 contre 206 en 2019, 205 en 2018, 170 en 2017 et 116 en 2016 ». En cinq ans, la progression a donc été de +70%. « La prostitution des mineurs commence toujours de la même manière. Les jeunes filles y entrent volontairement, souvent par une fugue. Puis elles se laissent embarquer dans une spirale, se laissent dominer par les proxénètes, le piège se referme puis elles tombent dans la drogue pour survivre » analyse Bérangère Wallaert, déléguée générale de l’association ACPE, Agir contre la prostitution. Le profil des jeunes filles ? « Elles sont en général âgées entre 15 et 17 ans mais parfois elles sont plus jeunes, 12 à 14 ans et sont issues de tous les milieux sociaux. On remarque que la totalité des jeunes filles prostituées sont en situation de fragilité. Elles ont été victimes de violences sexuelles, ou elles ont vécu un traumatisme qui leur a fait perdre l’estime d’elle-même » confie Bérangère Wallaert. Lancé en novembre 2021, le premier plan national de lutte contre la prostitution des mineurs prévoit un engagement financier de 14 millions d'euros pour lutter contre ce fléau. « L' effet Zahia » Cette « marchandisation du corps » est facilitée par les réseaux sociaux. « Il est très facile pour un client ou les proxénètes de passer par ce biais là pour entrer en contact avec des mineurs et le confinement n’a fait qu’amplifier le phénomène » ajoute Bérangère Wallaert.  « Le proxénétisme 2.0 » s’accroît aussi avec l’utilisation des smartphones avec lesquels l’échange de photos est simplifié. La prostitution s’est banalisée, c’est la « glamourisation » de la marchandisation du corps, parfois appelées « effet Zahia », du nom de cette ancienne prostituée reconvertie avec succès dans le cinéma.   D’autres facteurs aggravants existent et expliquent en partie l'augmentation du proxénétisme sur mineurs. « Le tabou sur la prostitution se lève et révèle alors des situations jusqu’à présent inconnues. Avant les proxénètes étaient des dealers de drogues, maintenant ils ne font que de la prostitution, c’est plus simple, moins contraignant même s’ils prennent plus chers lors des condamnations » explique Bérangère Wallaert.       Une campagne pour sensibiliser à la prostitution des mineurs Pour lutter contre ce fléau, le Secrétariat d’État chargé de l’Enfance et des Familles a lancé fin février une campagne de sensibilisation pour alerter et prévenir le grand public sur la réalité et les dangers de la prostitution des mineurs. Un film de campagne percutant met en scène une victime mineure de prostitution dans un quotidien qu’elle pense « gérer », la lumière est faite sur la vulnérabilité des victimes et les dangers auxquels elles doivent faire face. Comment signaler des faits de proxénétisme sur mineur(e) ?

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