Projet Pegasus : des centaines de responsables politiques ciblés dans le monde, dont 12 chefs d’État ou de gouvernement
Emmanuel Macron n’est pas le seul président à avoir été ciblé. Au total, les smartphones de douze chefs d’État ou de gouvernement – dans l’exercice de leurs fonctions - l'ont été. Suite des révélations de Forbidden Stories et des médias partenaires dont la cellule investigation de Radio France.
Ils sont 12, chefs d'État ou de gouvernement en exercice, à avoir été la cible du logiciel espion Pegasus. Parmi les numéros ciblés, et vérifiés par le Projet Pegasus, figurent trois présidents en exercice - Emmanuel Macron en France, Barham Salih en Irak, Cyril Ramaphosa en Afrique du Sud, le roi du Maroc Mohammed VI, et deux Premiers ministres, également en fonctions : Saad-Eddine El Ohtmani au Maroc et Imran Khan au Pakistan.
Six anciens Premiers ministres ont également été ciblés lorsqu’ils occupaient ce poste : Édouard Philippe en France, Charles Michel en Belgique, Ahmed Obeid bin Daghr au Yémen, Saad Hariri au Liban, Ruhakana Rugunda en Ouganda et Noureddine Bedoui en Algérie. Faute d’avoir réalisé des analyses techniques sur les téléphones concernés, il n'est pas possible de savoir s’ils ont été infectés par le logiciel espion israélien. Une fois installé sur un smartphone, ce mouchard est capable de récolter une grande quantité d’informations, comme les SMS, emails, mais aussi d’activer le micro et la caméra de l’appareil à l’insu de ses victimes.
Au Mexique, où Pegasus a longtemps été massivement utilisé de façon abusive par des agences gouvernementales, l’ancien président Felipe Calderon a été ciblé par le logiciel de NSO après avoir quitté son poste. En revanche, au Burundi, le Premier ministre Alain-Guillaume Bunyoni a été visé en 2018, avant d’entrer en fonctions.
Plusieurs centaines d'officiels ciblés dans le monde
Au total, ce sont les numéros de plus de 650 responsables politiques et officiels gouvernementaux de plus de 34 pays qui ont été sélectionnés comme cibles, notamment en Afghanistan, au Congo, en Egypte, en Inde, au Mali, au Rwanda, en Arabie Saoudite, ou encore au Togo.
Et ce ne sont pas que des chefs d’État qui ont été ciblés : leur entourage l’a aussi été. Lors de la campagne présidentielle remportée en 2018 par le Mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador, sa femme, ses fils, ses collaborateurs, des dizaines d’alliés politiques, son chauffeur personnel et même son cardiologue ont été ciblés par Pegasus.Les organisations internationales n’ont pas non plus été épargnées : le numéro du directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a été ciblé en 2019, ainsi que les téléphones de plusieurs diplomates et ambassadeurs des Nations unies.
Qui se cache derrière ces ciblages ?
Dans le cas de Felipe Calderon et de Lopez Obrador, il s'agit d’un service de sécurité mexicain. Quant aux numéros de Charles Michel, Emmanuel Macron, Edouard Philippe, et de nombreux responsables politiques français, ils ont été ciblés par le client marocain de NSO, qui a visé une très grande majorité – plus de 10 000 – de numéros marocains. Le même service a également ciblé le roi Mohammed VI, le directeur général de l’OMS mais aussi des téléphones algériens. Sollicitées par le Projet Pegasus, les autorités marocaines nous ont dit ne pas comprendre quel était le sens de notre enquête, ajoutant qu’Amnesty International n’avait jamais été en mesure de prouver que les attaques du logiciel venaient du Maroc. Le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, a lui été ciblé par le client indien de NSO. L'opérateur rwandais de Pegasus a lui visé les chefs d'État sud-africain, burundais et ougandais. Enfin, les Premiers ministres irakien et libanais ont été ciblés par deux opérateurs apparemment du Golfe, l’un visant majoritairement des téléphones émiratis, et l’autre des numéros essentiellement saoudiens.
Le démenti de NSO
L’espionnage de chefs d’État par des clients de NSO contrevient à la politique de l’entreprise israélienne, qui assure dédier ses outils à la sécurité intérieure et la lutte contre la criminalité. De son côté, "NSO Group nie fermement les fausses accusations portées dans votre enquête, nous a écrit la société contactée par le Projet Pegasus. Ces accusations sont pour beaucoup des théories non corroborées, qui jettent de sérieux doutes sur la crédibilité de vos sources, ainsi que sur le cœur de votre enquête. Vos sources vous ont fourni des informations ne s’appuyant sur aucune base factuelle, comme le montre l’absence de preuves appuyant nombre de vos accusations."
Cependant, La société affirme qu'elle "continuera d’enquêter sur les accusations crédibles d’utilisation abusive [de son logiciel] et agira en fonction des résultats de ces enquêtes. Cela pourrait consister en la fermeture de l’accès de certains clients au système. NSO a montré qu’elle était capable et encline à faire, en cas d’abus confirmés, ce qu’elle a fait par le passé, et qu’elle n’hésitera pas à réitérer."